Proclamation de l'empereur Hàm Nghi![]() La Proclamation de l'empereur Hàm Nghi est un édit vietnamien daté du 13 juillet 1885, rédigé en văn ngôn (chinois classique). Tôn Thất Thuyết, second régent du Đại Nam, en est probablement l'auteur. Cet édit eut un grand retentissement auprès de la population vietnamienne, puisqu'il fut proclamé consécutivement à la chute de la capitale, Huế, tombée huit jours plus tôt dans la nuit du 4 au 5 juillet 1885. Suite à cette proclamation naît le premier mouvement de résistance vietnamien, le Cần Vương (« Aider le Roi »), dont l’édit est le texte fondateur. La Proclamation de l’empereur Hàm Nghi est connue dans l’historiographie vietnamienne sous le nom de Chiếu Cần Vương (littéralement « Édit Aider le Roi »), bien qu’il s’agisse en réalité d’un dụ et non d’un chiếu[1]. Les prémices du guet-apens de Huế (1883-1885)Le guet-apens de Huế, ou « événements du 23e jour du 5e mois lunaire de l’année Ât Dâu » dans l’historiographie vietnamienne, marque l'achèvement de la colonisation française du Vietnam par la IIIe République[2]. Cet événement s’inscrit dans un long processus de conquête, commencé dès l’arrivée des missions catholiques au XVIIe siècle, d'abord portugaises puis françaises. L’évangélisation qui s'ensuivit suscita jusqu’au XIXe siècle l’hostilité d’une large partie de la société traditionnelle vietnamienne et de la plupart des souverains du Đại Việt[3], puis du Đại Nam, qui se seront efforcés d'endiguer l’essor du prosélytisme chrétien[4][5]. La conquête du territoire vietnamien par la France débute quant à elle avec la création de la Cochinchine française en 1862. L’annexion du Tonkin s’ensuit à partir de 1873, marquée par l’intervention de Francis Garnier à la citadelle de Hà Nội et par l’expédition militaire lancée en 1881 sous le gouvernement de Jules Ferry. L'objectif pour la France est de concurrencer l'expansion britannique en Extrême-Orient, tout en cherchant à contrôler des routes commerciales stratégiques, notamment le delta du fleuve Rouge, essentiel pour accéder au marché chinois[6]. En 1883, après plusieurs victoires militaires françaises, la cour impériale vietnamienne est forcée de signer le traité Harmand, qui place le Đại Nam sous protectorat français[7]. Cependant, refusant de se soumettre, la cour continue de soutenir des forces paysannes irrégulières et s’allie à l’Empire chinois, qui intervient au Tonkin. La guerre franco-chinoise éclate, mais la Chine subit plusieurs revers malgré une résistance acharnée. Finalement, le traité de Tianjin, signé en juin 1885, met fin à la guerre et laisse le Đại Nam seul face aux Français. Le général de Courcy s’empare alors de Huế, consolidant ainsi le protectorat français et marquant la fin de la souveraineté de la dynastie Nguyễn . Cet événement est le point de départ d'une longue période de résistance, avec la proclamation de l'empereur Hàm Nghi[8]. Le départ précipité de Hàm Nghi à la citadelle de Tân SởLa décision d'exfiltrer l'empereur Hàm Nghi pour le soustraire à l'autorité coloniale française constitue un événement historique majeur dans l'histoire du Vietnam. Elle met en lumière le rôle des mandarins et plus largement celui des lettrés dans l'État vietnamien, mais aussi l’importance de la personne de l’empereur pour ses sujets, surtout dans un contexte d'invasion. Mais face à la supériorité militaire française, qui vient de vaincre la Chine, beaucoup de courtisans hésitent à s'impliquer personnellement dans les combats qui opposent les paysans rebelles aux troupes françaises. Cependant, les régents Nguyễn Văn Tường et Tôn Thất Thuyết décident de ne pas capituler, malgré la chute de la capitale. Le 4 juillet 1885, à la tombée de la nuit, la garnison de Huế opère une sortie contre les troupes françaises venues réaffirmer les traités Harmand (1883) et Patenôtre (1884), déclenchant ainsi le « guet-apens de Huế ». Cette attaque surprise est ordonnée par Nguyễn Văn Tường et Tôn Thất Thuyết, symbolisant la détermination des régents et des lettrés à résister, malgré l’attentisme de certains nobles qui composent la cour. Alors que Nguyễn Văn Tường prône une approche plus subversive, Tôn Thất Thuyết défend une résistance armée sans compromis face à la France. Après de violents combats, menés tout au long de la nuit, de part et d’autre de la rivière des Parfums, les troupes françaises prennent l’avantage, et investissent, à l'aube du 5 juillet 1885, la Cité pourpre interdite[9]. Cependant, la salle du trône est déserte. Les régents ont pris la décision, alors inattendue, aussi bien par les Français que par les membres de la cour, d'évacuer le palais pour poursuivre la résistance dans les montagnes. Nguyễn Văn Tường reste près de Huế et se rend auprès du général de Courcy, tandis que Tôn Thất Thuyết a pour mission de conduire Hàm Nghi à la citadelle secrète de Tân Sở[10], nichée dans la cordillère Annamitique. Lors de l'évacuation du palais, un cortège s'est rapidement formé autour du souverain et réussit à atteindre Quảng Trị, où Tôn Thất Thuyết fait expédier un bref message le 5 ou le 7 juillet 1885, probablement aux chefs et meneurs de ce qui adviendra le Cần Vương[11]. Mais cette fuite laisse éclater les dissensions qui avaient déjà lieu au sein de la cour. Refusant de tenter l'ascension périlleuse de la citadelle, plusieurs voix s'élèvent parmi lesquelles celles des dames des « trois palais » 三宮, et notamment de la plus prestigieuse d'entre elles, la Grande Impératrice Douairière Từ Dụ, mère du défunt empereur Từ Dục alors âgée de 75 ans. La majeure partie de la cour préfère rentrer à Huế pour se rendre au général de Courcy. Tôn Thất Thuyết parvient néanmoins à convaincre Hàm Nghi de le suivre. L’essentiel de la cour rebrousse alors chemin, excepté Hàm Nghi, Tôn Thất Thuyết et une poignée de fidèles et de soldats. Parvenus à gagner la citadelle de Tân Sở, un appel à la résistance est lancé le 13 juillet 1885 au nom de Hàm Nghi, exhortant les Vietnamiens à se soulever contre l’envahisseur. L'appel sera diffusé clandestinement à travers tout le pays. Traduction de l'appel lancé par Hàm Nghi
Suite de l'appel de Hàm NghiAvec l'irruption progressive des puissances occidentales au Vietnam, la conquête coloniale française s'achève le 5 juillet 1885 avec la prise de Huế, entraînant la fuite de l'empereur Hàm Nghi, du régent Tôn Thất Thuyết et d'une partie de la cour. Bien que la cour de Huế ait cherché à contrecarrer les ambitions coloniales de la France par des moyens détournés, l'empereur du Đại Nam, placé sous le protectorat de la France, avait dû jusqu'alors condamner les révoltes paysannes qui éclataient au Tonkin. Cependant, l'appel de Hàm Nghi marque un tournant décisif dans l'histoire du Vietnam. Cet appel symbolise le début de la résistance, non seulement du peuple, mais aussi des lettrés, qui joueront un rôle fondamental dans le mouvement Cần Vương. ![]() Bien que cette résistance conduise par la suite à l'arrestation de Hàm Nghi en novembre 1888 et à son exil en Algérie[17], l'historien japonais Yumio Sakurai souligne que « le nom même de l’empereur Hàm Nghi aura acquis une gloire impérissable » grâce à sa proclamation[18]. Malgré les revers subis par le Cần Vương, la capture de l'empereur, l'exil à Tahiti de Nguyễn Văn Tường et la vie clandestine de Tôn Thất Thuyết, de nombreux Vietnamiens continueront de lutter jusqu'au début du XXe siècle au nom de Hàm Nghi. Ses successeurs, Thành Thái et Duy Tân, seront également exilés, à l'île de La Réunion. Dans le sillage du Cần Vương, émergeront les figures emblématiques d'une nouvelle génération de résistants, tels que Phan Châu Trinh, le Đề Thám ou encore Phan Bội Châu[19]. Notes et références
Bibliographie
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