Mobutu dirige le Zaïre à partir de 1965 avec l'aide des États-Unis, qui le considèrent comme un rempart contre les leaders communistes ou nationalistes, tel le nationaliste et non communiste Patrice Lumumba, assassiné en 1961.
Au début des années 1990, avec le discours de La Baule, la perestroïka et la chute du mur de Berlin, une vague de démocratisation gagne l'Afrique. Il y a d'importantes pressions internes et externes pour une telle démocratisation au Zaïre, et Mobutu promet des réformes. Il abolit officiellement en 1991 le régime du parti unique en vigueur depuis 1967, mais se montre peu enclin à mettre en œuvre les réformes promises, s'aliénant nombre de ses alliés traditionnels, au Zaïre comme à l'extérieur.
Il y avait une longue tradition de révoltes contre le pouvoir de Mobutu. L'opposition était notamment le fait d'hommes de gauche, se réclamant de l'héritage de Patrice Lumumba, et de personnalités issues de diverses minorités ethniques et régionales opposées à la mainmise de Kinshasa sur le reste du pays. Kabila était l'un d'eux, étant à la fois originaire du Katanga, province traditionnellement opposée au gouvernement de Mobutu, et lumumbiste.
Relations entre le Zaïre et le Rwanda
Le génocide des Tutsi au Rwanda déclenche l'exode d'environ 2 millions de réfugiés rwandais, principalement Hutus, après que le Front patriotique rwandais s'est emparé du pouvoir en [3]. Parmi les réfugiés se trouvent notamment des membres des milices dont celle des Interahamwe, impliquée dans le génocide. Au printemps 1996, les miliciens hutu Interahamwe réfugiés au Zaïre chassent de la région des milliers de Banyamulenge[4], nom d'une ethnie d'origine rwandaise vivant au Zaïre mais désignant en fait toute personne assimilée aux Tutsi[5]. Les exilés rwandais souhaitent lancer des raids sur le Rwanda[4]. L'armée patriotique rwandaise (APR) souhaite se débarrasser de cette menace et rapatrier de force les réfugiés Hutu.
Déroulement de la guerre
La première guerre du Congo, qui éclate le 24 octobre 1996, a d'abord été connue sous diverses désignations, en fonction de la perspective sous laquelle les événements étaient appréhendés : soulèvement des Banyamulenge, guerre de Libération ou offensive de l'AFDL[6].
À partir du début de 1996, des infiltrations des soldats de l'APR sont signalées dans la région, tandis que des milices Banyamulenge se constituent contre les Hutu rwandais et le pouvoir zaïrois[7]. Dans ce contexte de tensions croissantes, le vice-gouverneur de la province du Sud-Kivu ordonne le aux Banyamulenge de quitter le Zaïre sous peine de mort. Deux jours plus tôt, des Banyamulenge soutenus par l'APR avaient attaqué la ville de Lemera et massacré les blessés de l'hôpital de la ville. Le , une importante colonne rwando-Banyamulenge pénètre au Zaïre en passant par le Burundi, cherchant à envahir le Sud-Kivu[8]. Le 18 octobre est fondée l'Alliance des Forces démocratiques pour la Libération du Zaïre (AFDL), par un accord entre Déogratias Bugera(sv), André Kisase Ngandu(en), Anselme Masasu Nindanga et Laurent-Désiré Kabila[9]. Ce dernier est nommé porte-parole de l'Alliance.
Le 25 octobre, la ville d'Uvira, chef-lieu de la chefferie-collectivité du peuple Bavira, est prise, puis Bukavu, capitale du Sud-Kivu, tombe le 29 octobre[8].
Le président Mobutu sous-estime Kabila et considère que ce dernier va se contenter de piller les ressources minières de l'est zaïrois[10]. Souffrant d'un cancer de la prostate qui l'épuise et l'oblige à aller régulièrement dans les hôpitaux français ou suisses, le « maréchal du Zaïre » ne peut gérer les opérations militaires[11]. Il fait appel à Mahele Lieko Bokungu, un des rares généraux compétents de l'armée zaïroise, et le nomme chef d'état-major en décembre 1996[10]. Il recrute également trente mercenaires francophones, puis une centaine de serbes de Bosnie, la légion blanche. Malgré ces efforts, la troisième ville du Congo, Kisangani, est prise par les rebelles le 15 mars 1997[12].
La progression des forces rebelles a été facilitée par le délabrement des infrastructures, rendant l'armée de Mobutu pratiquement incapable de se déplacer : les routes n'existent plus, les avions manquent de carburant, les hélicoptères de combat achetés à grands frais ne sont pas dotés de cartes du pays, etc. Au contraire, l’armée rebelle, moins équipée et plus motivée, était moins handicapée par cette situation. En outre, le régime s'était déconsidéré auprès d'une grande partie de la population en raison de sa corruption et de sa brutalité ; beaucoup de soldats attendaient eux aussi le changement et ne se souciaient plus guère de défendre un régime discrédité qui omettait de leur verser leur solde[13].
La ville de Lubumbashi devient la capitale de facto des rebelles[18] où Kabila peut recevoir Cynthia McKinney, membre de la chambre des représentants des États-Unis[19]. De nombreux jeunes rejoignent l'armée rebelle, diminuant la proportion de « Tutsi » dans l'Alliance et lui évitant de passer pour une armée étrangère. Certains des volontaires ne sont alors âgés que de 7 ans et cherchent à s'engager malgré leurs parents[20].
La progression des forces de l'AFDL, aidées par l'Armée patriotique rwandaise, se traduisit par de nombreux massacres et exactions à l'encontre des réfugiés Hutus. En 1997, une mission de l'ONU conduite par Roberto Garretón, déclare le 11 juillet 1997 que les massacres des réfugiés semblent mériter la qualification de « crime contre l'humanité » et même peut-être de « génocide »[29], cependant, ses conclusions sont gênées par l'obstruction de l'AFDL à l'enquête de la mission onusienne[30].
Une seconde enquête de l'ONU, menée par la Commission des droits de l'homme des Nations unies, a rendu un rapport en juillet 1997, afin de se prononcer sur la qualification de génocide. La question n'est pas tranchée, mais parmi les méthodes de l'AFDL, le rapport mentionne notamment : « les massacres délibérés et prémédités, la dispersion des réfugiés dans des zones inaccessibles et inhospitalières, le blocage systématique de l'aide humanitaire, le refus obstiné opposé jusqu'ici à toute tentative de mener une enquête impartiale et objective sur les très graves allégations reçues, sont autant d'éléments particulièrement troublants. » Il est également noté que des massacres sont également imputables aux autres belligérants, mais de manière bien moindre : « ces violations du droit international humanitaire auraient été principalement commises par l'AFDL, les Banyamulenge et leurs alliés (68,02 % des allégations reçues). En outre, elles auraient également été commises par les FAZ (16,75 % des allégations reçues), par les ex FAR et les Interahamwe (9,64 % des allégations reçues), par l'APR (2,03 % des allégations reçues), par les FAB (2,03 % des allégations reçues) et par des mercenaires (1,52 % des allégations reçues) qui luttaient aux côtés de Kinshasa »[32].
En novembre 1998, Laurent-Désiré Kabila reconnaît l'existence de massacres, mais en attribue la paternité à son allié de l'époque, le Rwanda de Paul Kagame[33].
Cette accusation envers les autorités rwandaises du FPR a été reprise par Rony Brauman, Stephen Smith et Claudine Vidal (africaniste chargée de recherche au CNRS) coauteurs en 2000 d'un article selon lequel « au Congo-Kinshasa, le FPR a non seulement démantelé manu militari des camps d’exilés hutus, qui constituaient effectivement une menace existentielle, mais il a aussi persécuté, sur deux mille kilomètres à travers la forêt équatoriale, des civils dont près de 200 000 ont péri, victimes d’inanition, de maladies ou des « unités spéciales » lancées à leur poursuite depuis Kigali »[34].
Épilogue
Une fois Laurent-Désiré Kabila installé au pouvoir, la situation changea dramatiquement. Laurent-Désiré Kabila devint rapidement[réf. nécessaire] aussi suspect de corruption[réf. nécessaire] et d'autoritarisme que son prédécesseur. Nombre des forces pro-démocrates[Lesquelles ?] l'abandonnèrent et il s'attela à un vigoureux effort de centralisation, ce qui alimenta le conflit avec les minorités de l'Est, qui réclamaient davantage d'autonomie[réf. souhaitée]. En août 1998, tous les membres d'origine Tutsi se retirèrent du gouvernement lorsque Laurent-Désiré Kabila demanda aux mercenaires rwandais et ougandais de rentrer chez eux. En effet, l'alliance de Laurent-Désiré Kabila avec les Rwandais pour un contrôle militaire et politique le faisait déjà appeler « marionnette de Kigali » par les forces pro-démocratiques congolaises. Ceci poussa Kabila à se retourner contre ses ex-alliés rwandais et ougandais. C'est dans ce contexte qu'éclata la deuxième guerre du Congo.
Références
↑ a et b"Passive Protest Stops Zaire's Capital Cold" par Lynne Duke, Washington Post Foreign Service, mardi 15 avril 1997; Page A14 ("Kabila's forces -- which are indeed backed by Rwanda, Angola, Uganda and Burundi, diplomats say -- are slowly advancing toward the capital from the eastern half of the country, where they have captured all the regions that produce Zaire's diamonds, gold, copper and cobalt.")
↑"Congo Begins Process of Rebuilding Nation" par Lynne Duke, Washington Post Foreign Service, mardi 20 mai 1997; Page A10 ("Guerrillas of Angola's former rebel movement UNITA, long supported by Mobutu in an unsuccessful war against Angola's government, also fought for Mobutu against Kabila's forces.")
↑(en) Thomas Turner, « Angola’s Role in the Congo War », dans John F. Clark, The African Stakes of the Congo War, Palgrave Macmillan, , 249 p. (ISBN978-0-312-29550-9, DOI10.1057/9781403982445), p. 75-92
: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
(en) Tom Cooper, Great Lakes Holocaust : First Congo War, 1996-1997, Helion & Company, coll. « Africa@War » (no 13), , 72 p. (ISBN978-1-909384-65-1, lire en ligne)
(en) Jason Stearns, Dancing in the Glory of Monsters : The Collapse of the Congo and the Great War of Africa, PublicAffairs, , 416 p. (ISBN978-1-61039-107-8, lire en ligne)
Jean-Claude Willame, L'odyssée Kabila. Trajectoire pour un Congo nouveau, Paris, Editions Karthala, coll. « Les Afriques », (lire en ligne)