Préludes de Rachmaninov
Les Préludes de Sergeï Rachmaninov (1873-1943) constituent l'ensemble des préludes pour piano composés par le pianiste et compositeur russe Sergueï Rachmaninov. Rachmaninov a écrit trois séries de préludes, le célèbre prélude en do dièse mineur op. 3 n°2 en 1892, l'opus 23 en 1901-1903 et l'opus 32 en 1910. Au total, 24 préludes, écrits dans toutes les tonalités majeures et mineures et répondant ainsi, aux 24 préludes de Frédéric Chopin. La filiation est d'autant plus évidente que l'op. 22 de Rachmaninov n'est autre que les Variations sur un thème de Chopin, en l'occurrence du 20e prélude. L'inspiration de son op. 23, bien qu'écrite au début du XXe siècle, reste d'ailleurs toute empreinte de romantisme, proche du style chopinien. Les préludes de Rachmaninov n'ayant pas de structure les reliant (contrairement aux préludes de Chopin suivant le cycle des quintes), Rachmaninov prend l'habitude de ne jouer qu'une sélection de ses préludes[1]. IntroductionGenre du préludeRachmaninov nous rappelle de quelle façon il conçoit le genre du prélude :
Pourtant, cette conception de « prélude » n'est pas respectée, ni aujourd'hui ni du temps de Rachmaninov : le prélude op. 23 no 10 est un véritable nocturne ; le 6e du même cahier, une Romance. En outre, Rachmaninov jouait son prélude en ut dièse mineur en bis, et des préludes comme les 5e et 12e de l'op. 32 sont souvent joués aujourd'hui comme tels… InspirationYouri Glebov dit en parlant des préludes, qu'ils représentent « le sol originel russe… d’un paysage authentiquement russe, non pas imaginé par un esprit enclin ou pittoresque, mais perçu par l’âme sensible du musicien », ceci étant le cas pour l'op. 23 et à plus forte raison pour l'op. 32[1]. Prélude op. 3 no 2 en ut dièse mineur, Lento - AgitatoExtrait des 5 morceaux de fantaisie op. 3, le Prélude op. 3 n° 2 en do dièse mineur est une des pièces pour piano les plus célèbres de Rachmaninov, qui figure aussi parmi les premières écrites par le compositeur. Rachmaninov explique plus tard avec ironie, ce qui l'inspira pour la composition du prélude : « Quarante roubles. Mon éditeur m'en avait offert deux cents pour cinq morceaux pour piano et le prélude était un des cinq. »[2] Il est en do dièse mineur (quatre dièses à l'armure), de mesure Le prélude est de structure « A–B–A' » :
Cette pièce a été composée en 1892, alors que le jeune Rachmaninov (19 ans) entamait une carrière de virtuose. La célébrité de ce prélude a démarré du vivant même de Rachmaninov, qui pourtant ne le tenait pas spécialement en estime : le public le poussait souvent à le jouer en bis à la fin de ses récitals. Il montait alors sur scène, jouait le prélude rageusement et repartait dans les coulisses tout de suite après[réf. nécessaire]. Bien que non virtuose et parmi les pièces les plus faciles de Rachmaninov, son exécution n'est pas aisée malgré le tempo lent : l'exécution du thème en accords nécessite une bonne force et une bonne coordination dans les doigts et une bonne assise de la main (surtout les doigts externes annulaire et auriculaire) pour atteindre, sans quitter le clavier, toutes les notes de l'accord simultanément. De plus, main droite et main gauche se chevauchent en permanence dans la première partie, ce qui complique (mais pas considérablement malgré tout) la tâche. Le morceau paraît assez éprouvant à jouer, mais ce n'est qu'apparence[3]. De plus, il n'est pas nécessaire d'avoir des mains spécialement grandes pour le jouer, les accords ne dépassant pas l'octave. La popularité du prélude est telle qu'un journal anglais écrivit (nous sommes alors en 1922) : « Ce serait un énorme plaisir d'entendre ce pianiste fin et singulièrement modeste dans une petite salle d'où tous les « maniaques du prélude » auraient été refoulés[4]… » Cette vexation morale (Rachmaninov trouve ce morceau beaucoup trop reconnu pour ce qu'il est) est doublée d'une vexation matérielle, l'auteur ayant oublié de le mettre sous copyright, il n'en fit aucun bénéfice[5] ! Rachmaninov était un amateur de cinéma ; lors d'une visite avec Vladimir Horowitz aux studios Walt Disney, il visionna un film de Mickey, The Opry House, dans lequel la souris joue le rôle d'un pianiste, interprétant le célèbre prélude : « J'ai entendu mon inévitable prélude défendu par quelques-uns des meilleurs pianistes, cruellement massacré par d'autres, mais aucune interprétation ne m'a jamais autant remué que celle du grand maestro Mickey Mouse »[6]. Dix préludes op. 23
1900 marque pour le compositeur la fin d'une période dépressive, favorisée par le relatif échec de sa Première symphonie. Cette année marque un certain renouveau grâce à l'écriture de son second concerto pour piano et de toute une série de partitions dont fait partie son op. 23[7]. Rachmaninov écrit ses premiers préludes op. 23 en 1903 (sauf op. 23 no5) soit peu après son mariage avec Natalia Satine. La création a été faite le par le musicien lui-même, à Moscou. Il en complète la série peu après et publie le tout la même année[8]. L'opus 23 est composé de 10 courtes pièces et sa durée d'exécution totale demande environ une demi-heure. Il est dédié à Alexander Siloti, l'un des professeurs de piano du compositeur, qui l'a soutenu financièrement et qui fut l'un des témoins de son mariage. Prélude op. 23 no 1 en fa dièse mineur, LargoUne œuvre morose et poétique. Heinrich Neuhaus le considère comme le meilleur du recueil. « On y ressent la fraîcheur d'une soirée russe, au bord d'un étang d'où s'élève le brouillard. Ambiance lévitanienne »[9]. Prélude op. 23 no 2 en si bémol majeur, MaestosoCe prélude est souvent joué pour sa virtuosité. Prélude op. 23 no 3 en ré mineur, Tempo di menuettoPrélude op. 23 no 4 en ré majeur, Andante cantabilePrélude op. 23 no 5 en sol mineur, Alla marciaL'un des plus connus, ce prélude a été composé en 1901. Prélude op. 23 no 6 en mi bémol majeur, AndantePrélude op. 23 no 7 en do mineur, AllegroLes notes du prélude en do mineur forment une spirale tout au long du morceau qui fait penser aux Variations sur un thème de Chopin du même compositeur. Il s'achève sur les accords de la cadence finale, qui conclut en do majeur. Prélude op. 23 no 8 en la bémol majeur, Allegro vivacePrélude op. 23 no 9 en mi bémol mineur, PrestoPrélude op. 23 no 10 en sol bémol majeur, LargoCe prélude est un vrai nocturne et conclut le recueil avec la tonalité homonyme du premier prélude (en fa dièse mineur). Treize préludes op. 32
C'est lors de son séjour en Amérique (1909) que Rachmaninov compose « de tête » les préludes op. 32. À son retour en Russie, il doit encore faire découvrir son troisième concerto pour piano. C'est seulement après cela que Rachmaninov pu s'atteler à l'écriture de ces préludes, expliquant donc leur rapidité d'écriture : les préludes no 5, 11 et 12 furent achevés la même journée ! Composés en 1910, la première exécution aurait eu lieu le par le compositeur à Saint-Pétersbourg. Ils seront publiés l'année suivante par Gutheil, en septembre 1911. Prélude op. 32 no 1 en do majeur, Allegro vivaceUn prélude vif et assez court. Prélude op. 32 no 2 en si bémol mineur, AllegrettoUn prélude à la mélodie endolorie, où la tonalité de si bémol mineur ne se dévoile réellement qu'à la fin du morceau. Prélude op. 32 no 3 en mi majeur, Allegro vivacePrélude op. 32 no 4 en mi mineur, Allegro con brioPrélude op. 32 no 5 en sol majeur, ModeratoPrélude op. 32 no 6 en fa mineur, Allegro appassionatoPrélude op. 32 no 7 en fa majeur, ModeratoPrélude op. 32 no 8 en la mineur, VivoPrélude op. 32 no 9 en la majeur, Allegro moderatoPrélude op. 32 no 10 en si mineur, Lento
Le pianiste Benno Moiseiwitsch rapporte une anecdote amusante sur le prélude en si mineur :
Prélude op. 32 no 11 en Si majeur, AllegrettoPrélude op. 32 no 12 en Sol dièse mineur, AllegroCe prélude souvent joué en bis pourrait évoquer le réveil de la nature au début du printemps. Prélude op. 32 no 13 en Ré bémol majeur, Grave - AllegroDiscographieRachmaninov lui-même enregistra quelques-uns de ses préludes :
Le pianiste russe Sviatoslav Richter en joue treize : op. 23, nos 1, 2, 4, 5, 7 et 8 ; et l'op. 32, nos 1, 2, 6, 7, 9, 10 et 12 (1973, Le Chant du monde, mais d'autres versions chez Olympia, Philips/Decca…). Boris Berezovsky a enregistré une intégrale des préludes.Vladimir Ashkenazy a enregistré l'intégrale des Préludes, qui fait figure de référence (1976, Decca). On compte également l'intégrale du pianiste bulgare Alexis Weissenberg, peut-être la plus fidèle à l'esprit du compositeur par son approche lyrique sans être mièvre[Selon qui ?], profonde et passionnée, ou encore par son usage des effets et « brusques » changements de tempi, similaires à ceux réalisés par Rachmaninov dans ses enregistrements. Notes et références
Bibliographie
Liens externes
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