Pièces et main d'œuvrePièces et main d'œuvre, souvent abrégé en PMO, est un groupe grenoblois engagé dans une critique radicale de la recherche scientifique, du complexe militaro-industriel, du fichage, de l'industrie nucléaire, des biotechnologies et des neurotechnologies[1], des nanotechnologies[2],[3],[4] et du transhumanisme[5]. Du fait de ses références bibliographiques, des textes qu'il publie et du type d'analyse qu'il développe, PMO participe de la mouvance technocritique et anti-industrielle. PMO fait par ailleurs l'objet de nombreuses critiques[Par qui ?] quant à ses positionnements jugés essentialistes, transphobes, misogynes, homophobes, racistes et antisémites[Information douteuse]. Ces attaques émergent à la fin des années 2010 dans certains courants postmodernes et déconstructivistes[6] qui visent le courant anti-industriel [archive]. HistoriqueIls dénoncent depuis 2000[7] les risques à la fois sociaux et environnementaux que feraient courir les nouvelles technologies tout en essayant d'analyser les conditions historiques et sociales qui permettent et favorisent leur mise en œuvre dans les sociétés contemporaines. Un des fondateurs et principaux animateurs du site est Yannick Blanc, ancien journaliste au magazine Actuel[8]. Ils ouvrent le site Pièces et main d’œuvre[9] en mai 2002. PMO enquête depuis Grenoble et a consacré de nombreux textes aux activités de la « Silicon Valley européenne », surnom par lequel est souvent désigné Grenoble en raison des nombreux sites de R & D implantés sur son territoire, dont Minatec. Ils diffusent leurs textes dans les événements de vulgarisation scientifique de la technopole et lors d’actions plus spectaculaires, comme l’occupation d’une grue sur le chantier de Minatec en 2004[10]. En 2005, Pièces et main d’œuvre fait une tournée de réunions-débats dans toute la France pour dénoncer l’ouverture l’année suivante à Grenoble du pôle européen de nanotechnologies Minatec. Avec les opposants grenoblois, PMO participe à l’organisation de la première manifestation contre les nanotechnologies, le 1er juin 2006 à Grenoble. Un millier de manifestants dans une ville bouclée par la police[11] Le collectif cherche à « [faire] feu de tout bois pour dénoncer l' “emprise technicienne” »[12]. Leur approche est qualifiée de « technophobe » par leurs contradicteurs[13]. Le , ils ouvrent le site Web « Aujourd'hui le nanomonde »[14] pour offrir un espace de débat public alternatif autour de la question des nanotechnologies à l'occasion du lancement par le gouvernement français d'un « débat public national sur les nanotechnologies » de quatre mois[15] qu'ils jugent comme « un simple exercice de légitimation sociale »[15]. Alors que PMO estime que « participer [à ce débat] c'est accepter les nanotechnologies », le président de la commission chargée d'organiser ce débat « souhaite que toutes les opinions, y compris celles qui voient dans les nanotechnologies l'avènement d'une société totalitaire, puissent s'exprimer »[15]. Pour PMO, les jeux sont déjà faits mais l'État « veut à tout prix éviter le “syndrome OGM”, c'est-à-dire “un rejet par l'opinion d'une révolution technologique qui révolutionne nos vies d'une façon qui ne nous convient pas” »[16]. Sur les 17 réunions organisées dans toute la France, 12 sont perturbées ou annulées[17]. Le site « Aujourd’hui le nanomonde » est piraté quelque temps plus tard et disparaît. En 2010, les Big Brother Awards décernent un « Prix Voltaire » à PMO pour « son minutieux travail d’information et de réflexion sur les relents totalitaires des techno-sciences »[18]. En 2013, Pièces et main d’œuvre publie plusieurs enquêtes sur la biologie de synthèse et perturbe, avec les Chimpanzés du futur, le premier Forum de la biologie de synthèse organisé par le Conservatoire des arts et métiers de Paris[19]. Ils en tirent un film, « La révolte des chimpanzés du futur ». Entre 2015 et 2018, PMO anime de nombreuses réunions publiques en France contre les compteurs communicants Linky et la « smart city »[20] Au sein des éditions L'Echappée, les publications de PMO sont réunies dans la Collection « Négatif » : « Négatif ! Comme on dit « non ! je ne marche pas ! » Refus de croire et d’obéir. Négatif. Parce qu’on ne peut qu’être contre tout, parce qu’il n’y a rien de bien dans une société négative dès son principe. Négatif. Comme l’envers, la réalité et la révélation des apparences pseudo-positives. Nous tâcherons d’être purement négatifs et d’exprimer ici les raisons de notre refus total. Verlaine à Rimbaud, le : « J’en appelle à ton dégoût lui-même de tout et de tous, à ta perpétuelle colère contre chaque chose, juste au fond cette colère, bien qu’inconsciente du pourquoi. » »[21] En 2017, Pièces et main d’œuvre dénonce son contrat avec Le Seuil pour la publication de son livre contre le transhumanisme, en raison des pressions et de la censure imposée par l’éditeur[22]. PMO crée alors sa maison d’édition, Service compris. Pendant la pandémie de Covid-19, PMO publie plusieurs enquêtes sur la « mutation technologique » qu’accélère la crise sanitaire et sur l’origine du virus, creusant l’hypothèse d’une fuite accidentelle de laboratoire[23]. L'enquête critiquePièces et main d’œuvre se présente comme une activité d’enquête critique, condition première selon eux à la production d’idées et à l’action. « Il est trop paresseux de se contenter de condamnations de principe théoriques, altière et intemporelle – top down – du monde tel qu’il va. (…) Il faut rentrer dans la réalité concrète, factuelle et fastidieuse – bottom up – de la machine pour saisir et troubler, si peu que ce soit, son fonctionnement[24]; " On ne nait pas anti-industriel, on le devient " épisode 2 du podcast " Face au monde-machine "[25] Technique et technologieContrairement à certains penseurs technocritiques, le groupe Pièces et main d'œuvre fait un distinguo entre la technique (du grec tekhnê), qui serait plutôt le savoir-faire et certains outils, « l'art de faire du feu ou un marteau[26][source insuffisante] », et la technologie qui aurait plus à voir avec le machinisme industriel et ce que Jacques Ellul appelait le système technicien. Ils distinguent entre l’autonomie que confère la technique (que chacun peut s’approprier) et l’hétéronomie qu’impose la technologie avec ses processus complexes voire dangereux, sa division du travail et la hiérarchie entre experts et exécutants, sa consommation d’énergie et de ressources[27]. TechnocratieDans une relecture critique de l’analyse sociologique marxiste, PMO s’intéresse à ce qu’il nomme « la classe puissante à l’ère technologique », la technocratie. Selon son analyse, la technocratie est la « classe du savoir, de l’avoir et du pouvoir »[28]. Cette classe d’experts, ingénieurs, techniciens, cadres et financiers, serait la classe dominante du techno-capitalisme, mais aussi du techno-communisme ou de tout autre régime à l’ère technologique, la technologie étant « la poursuite de la politique par d’autres moyens »[29] Critique des techniques artificielles de reproductionPièces et main d’œuvre est critique des techniques artificielles de reproduction humaine et publie plusieurs textes et brochures portant sur ce sujet, notamment Ceci n'est pas une femme. À propos des tordus « queer » et Alertez les bébés ! Objections aux progrès de l'eugénisme et de l'artificialisation de l'espèce humaine. Matthijs Gardenier, docteur en sociologie de l'université Paul-Valéry, écrit à propos de ce texte : « On constate ici que la critique de la technologie amène le courant "anti-tech" à s’inscrire dans une défense de la "naturalité" dans ce qui concerne la contraception, la PMA, la GPA, etc. », et ajoute : « Nous constatons ici que Pièces et main-d’œuvre, pourtant proche des milieux anarchistes et autonomes, se fait le relais de thématiques proches des argumentaires de la Manif pour tous… »[30]. Toutefois PMO a explicitement critiqué la Manif pour tous dans un texte d'octobre 2014. " En dépit de la récupération du vocabulaire anti-capitaliste et écologiste, la Manif pour tous n'a jamais protesté contre la marchandisation du vivant, dont elle s'accommodait fort bien jusqu'à la loi sur le mariage gay[31]". Pièces et main d’œuvre estime que les technologies reproductives sont eugénistes et critique la fécondation in vitro, arguant que la possibilité de choisir entre plusieurs embryons mène à ce que les trisomiques soient « éliminés à 97 % par diagnostic prénatal ». Pour PMO, la fécondation in vitro fait partie d'un programme dont la suite serait en attente d'un feu vert politique : « Bébés génétiquement modifiés ; création de gamètes artificiels à partir de cellules souches, permettant de s’affranchir du don de gamètes ; puis, à terme, utérus artificiel permettant d’éliminer toute contribution humaine »[32]. TranshumanismeDans ses premiers textes contre les nanotechnologies, PMO dénonce le projet transhumaniste d’« homme augmenté » par la technologie[33]. Il développe ensuite sa critique dans de nombreux textes et livres (voir Trois jours chez les transhumanistes en 2014[34] et le Manifeste des chimpanzés du futur contre le transhumanisme). Selon Pièces et main d’œuvre, le transhumanisme est le nouveau nom de l’eugénisme en milieu scientifique. Il vise à « remplacer la lutte des classes par la lutte d’espèces » en créant une humanité supérieure, à la puissance décuplée par les moyens technologiques (hybridation homme-machine ou modifications génétiques) et une humanité inférieure, les « chimpanzés du futur » (d’après l’expression du cybernéticien anglais Kevin Warwick (« Kevin Warwick : l’Homo-machinus », Libération, 11/05/2002[35] ). Dans un « Appel des chimpanzés du futur » diffusé en 2014, PMO écrit : « Ces progressistes au plan technologique sont des régressistes au plan social et humain, des partisans de la pire régression sociale et humaine ; ce qu’en langage commun on nomme des réactionnaires. (…) Pour les transhumanistes et les collabos de la machine, l’humain est l’erreur. L’humain est faible et faillible, l’humain est fini. L’humain leur fait honte. Ils aspirent à la perfection, au fonctionnement infaillible et à l’infinité du système technologique ; à se fondre dans cette totalité autonome. (…) Cependant, nous les chimpanzés du futur, nous n’avons pas perdu, et la machine n’a pas gagné. L’Humain reste une bataille en cours tant qu’il ne s’abandonne pas, et il ne s’abandonne pas tant qu’il pense les choses et les dit avec des mots. Nommer une chose, c’est former une idée, et les idées ont des conséquences inévitables. Nous devons garder les mots et nommer les choses du mot juste. Nous devons former des idées avec leurs conséquences inévitables[36]. Publications
Podcast
Filmographie
Notes et références
Voir aussiDocumentaire
Articles connexes
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