La physique statistique hors d'équilibre étudie les phénomènes de relaxation et de transport au voisinage de l'équilibre thermodynamique. Il s'agit là de phénomènes dissipatifs donc irréversibles, liés à une augmentation de l'entropie.
À la différence de la thermodynamique hors équilibre les méthodes utilisées relèvent du domaine de la physique statistique et permettent de donner les lois caractérisant un phénomène ainsi que les coefficients présents dans ces lois par l'étude des fluctuations dans le milieu au voisinage de l'équilibre thermodynamique.
Ensemble de Gibbs, variables conservatives, fluctuations
Les systèmes auxquels on s'intéresse, qu'ils soient solides, liquides ou gazeux, sont constitués d'un très grand nombre de particules. À l'équilibre il est décrit par un nombre faible de variables extensives (conservatives) décrivant une collection d'états du système appelé ensemble de Gibbs. L'ensemble des états microscopiques contenus dans cet ensemble est décrit à chaque instant par une fonction de distribution (densité de probabilité conjointe) dans l'espace des phases que l'on supposera normalisée à 1. Si l'on se limite à des particules sans degré de liberté interne, celles-ci sont décrites par leurs positions et leur quantité de mouvement. Les valeurs macroscopiques temporelles de chaque variable conservative sont définies par les moments :
Outre la généralité de cette distribution telle que l'établit le théorème central limite, celle-ci peut être obtenue à partir d'arguments thermodynamiques.
Obtention de la distribution
À l'équilibre thermodynamique, la loi de Boltzmann permet de lier la fonction de distribution à l'entropie par :
est une fonction positive, concave, continûment différentiable[14] et l'équilibre est défini par
La fluctuation relative de la température peut être calculée ():
Processus temporel
Processus aléatoires gaussiens
L'évolution de l'ensemble de Gibbs en obéit à un processus aléatoire (ou stochastique) caractérisé par l'évolution . Dans nombre de cas ce processus peut être supposé :
gaussien : les densités conjointes sont des distributions maxwelliennes (gaussiennes) ;
stationnaire : les densités sont indépendantes de l'échantillonage en temps ;
ergodique en moyenne : toute réalisation du processus (échantillon) caractérise complètement celui-ci. Ceci s'exprime en disant que la moyenne
est indépendante de .
De plus l'analyse harmonique[17] montre que les descriptions temporelle et en moyenne d'ensemble sont équivalentes :
Fonction de corrélation, densité spectrale
On peut décomposer la distribution composée par une réalisation dans l'intervalle et 0 au dehors en série de Fourier[17] :
On peut alors définir la transformation du processus dont est une réalisation par :
Les coefficients sont des combinaisons linéaires des . Ce sont des variables aléatoires indépendantes.
La fonction de corrélation pour les fluctuations des processus est définie par :
On s'intéresse plus particulièrement aux fonctions d'autocorrélation qui permet de mesurer l'étendue temporelle des corrélations. Dans le cas d'un processus gaussien :
On cherche à connaître la réponse de à une telle fluctuation, dans le domaine linéaire. Celle-ci est le produit de convolution :
est la fonction de réponse invariante en temps et causale : elle ne dépend que de et est nulle pour . En supposant une perturbation impulsionnelle, on peut intégrer l'équation :
La puissance instantanée reçue par le système soumis au champ harmonique est :
dont la valeur moyenne vaut :
La dissipation est donc liée à la partie imaginaire de la fonction d'autocorrélation de la fluctuation : c'est le théorème de fluctuation-dissipation.
Un exemple classique : le mouvement brownien
Le mouvement brownien se définit par le mouvement stochastique d'une particule de faible dimension dans un fluide. Il est représenté par l'équation de Langevin :
vitesse ;
masse ;
coefficient lié à la traînée (donnée par exemple par la loi de Stokes) ;
force aléatoire résultant des chocs avec les molécules.
On suppose que :
est de moyenne nulle :
,
obéit à un processus gaussien de temps caractéristique . On assimilera donc la fonction d'autocorrélation à une fonction de Dirac :
La résolution de l'équation de Langevin pour une vitesse initiale est la suivante[18] :
Soit en moyenne :
La vitesse moyenne relaxe vers 0 avec un temps caractéristique .
On peut également calculer la variance :
Aux temps grands :
On peut également écrire la variance sous la forme :
L'énergie moyenne est :
La limite de cette quantité aux temps longs est :
L'équipartition de l'énergie avec les particules environnantes permet d'écrire :
D'où l'expression de :
Cette relation qui lie le coefficient de frottement à la fonction d'autocorrélation illustre la relation de Green-Kubo.
↑Marian Smoluchowski, « Sur le chemin moyen parcouru par les molécules d'un gaz et sur son rapport avec la théorie de la diffusion », Bulletin International de L'Académie de Cracovie, vol. 1, , p. 202-213 (lire en ligne).
↑(de) Albert Einstein, « Theorie der Opaleszenz von homogenen Flüssigkeiten und Flüssigkeitsgemischen in der Nähe des kritischen Zustandes », Annalen der Physik, 4e série, vol. 33, , p. 1275–1298 (lire en ligne).
↑(en) Ryogo Kubo, « Statistical-Mechanical Theory of Irreversible Processes. I. General Theory and Simple Applications to Magnetic and Conduction Problems », Journal of the Physical Society of Japan, vol. 12, , p. 570–586.
(en) Dimitrii Zubarev, Vladimir Morozov et Gerd Röpke, Statistical Mechanics of Nonequilibrium Processes : Basic Concepts, Kinetic Theory, Academie Verlag, , 375 p. (ISBN978-3-05-501708-7)
(en) Dimitrii Zubarev, Vladimir Morozov et Gerd Röpke, Statistical Mechanics of Nonequilibrium Processes : Relaxation and Hydrodynamic Processes, Academie Verlag,