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Son règne, marqué dans un premier temps par la guerre de Succession et l'affermissement de son trône, inaugure aussi une ère de réformes, modifiant profondément l'organisation territoriale des royaumes hispaniques par l'abolition des royaumes de Castille et d'Aragon. De roi des Espagnes, il le devient à la suite des décrets de Nueva Planta en 1716 roi d'Espagne.
Biographie
Enfance française et enjeux successoraux espagnols
Son père et son frère aîné étant les héritiers présomptifs de la couronne, le duc d'Anjou n'est pas élevé dans la perspective de régner. Après avoir été confié aux soins de la gouvernante des enfants de France, Louise de Prie, Philippe passe aux hommes en 1690 : le duc de Saint-Aignan est désigné comme son gouverneur, et celui-ci s'adjoint un précepteur, le grand théologien et pédagogue Fénelon. La même année, le duc d'Anjou perd sa mère, la dauphineMarie-Anne de Bavière.
À la fin des années 1690, le problème de la succession d'Espagne devient aigu[4]. Le dernier souverain espagnol de la maison de Habsbourg, Charles II, surnommé el Hechizado (« l'Ensorcelé »), est un homme malingre et contrefait, de santé très délicate, victime de la politique matrimoniale endogamique de son lignage. Incapable d'engendrer des enfants malgré deux mariages consommés, il n'a pas d'héritier direct. Avant même sa mort, les grandes puissances européennes tentent de s'entendre pour partager ses nombreuses couronnes, ne pouvant se satisfaire que soit conservée l'intégrité de l'immense empire espagnol[a].
Quoique arrière-petit-fils et petit-fils de deux infantes d'Espagne, Anne d'Autriche et Marie-Thérèse d'Autriche[b], les droits du duc d'Anjou à la succession espagnole ne sont tout d'abord pas envisagés. En effet son père le dauphin et son frère aîné le duc de Bourgogne détiennent davantage de droits que lui, si était remise en cause la validité de la renonciation de Marie-Thérèse à ses droits sur la couronne espagnole au moment de son mariage avec Louis XIV. D'ailleurs, ce dernier et les autres monarques européens s'étaient accordés pour déclarer que l'héritier du trône d'Espagne serait, dans le cas de la mort sans héritier de Charles II, Joseph-Ferdinand de Bavière.
Ce premier traité de partition, confirmé à La Haye en 1698, accordait à Joseph-Ferdinand les royaumes de la péninsule espagnole (sauf le Guipuscoa), la Sardaigne, les Pays-Bas espagnols et les territoires américains ; à la France revenait le Guipuscoa, Naples et la Sicile ; à l'Autriche, le Milanais. À la mort prématurée du candidat bavarois en 1699, fut conclu un nouveau traité de partition, à Londres, en 1700, sans l'accord de l'Espagne. La France, la Hollande et l'Angleterre reconnaissaient comme roi l'archiducCharles d'Autriche, à qui étaient dévolus les royaumes de la péninsule, les Pays-Bas et les Indes occidentales ; le duc de Lorraine, Léopold Ier (gendre de Monsieur, frère de Louis XIV), recevait le Milanais à condition de céder la Lorraine et le Barrois au dauphin, qui recevait par ailleurs Naples, la Sicile et la Toscane. Mais l'archiduc Charles protesta, réclamant la totalité de l'héritage espagnol.
Cependant, pressé par son principal conseiller, le cardinal Portocarrero, et après avoir demandé l'avis du pape Innocent XII, Charles II opte pour la solution française. Son espoir et celui de ses ministres était que la puissance française saurait prémunir l'empire espagnol de tout éclatement et que Louis XIV pourrait préserver cette intégrité au profit de son petit-fils.
Le , Charles II d'Espagne fait du jeune duc d'Anjou, 16 ans, son légataire universel[c]. Il meurt peu de temps après, le .
Roi d'Espagne
Proclamation et préparatifs
La nouvelle de la mort de Charles II parvient à la cour de France, qui séjournait alors au château de Fontainebleau[6], le . Le , de retour à Versailles, Louis XIV annonce publiquement qu'il accepte le testament de son « cousin, beau-frère et neveu[d] ». Il présente alors son petit-fils, âgé de 16 ans, à la cour, par ces mots : « Messieurs, voici le roi d'Espagne ». Puis il déclare à son petit-fils : « Soyez bon Espagnol, c'est présentement votre premier devoir ; mais souvenez-vous que vous êtes né Français pour entretenir l'union entre nos deux nations ; c'est le moyen de les rendre heureuses et de conserver la paix de l'Europe. » Le marquis de Castel dos Rios, ambassadeur d'Espagne, aurait ajouté : « Il n'y a plus de Pyrénées »[e]. À la suite de l'événement, toutes les monarchies européennes, à l'exception de l'Empire, reconnaissent le nouveau roi.
Immédiatement, Louis XIV traite son petit-fils en souverain : Philippe V quitte son appartement de l'aile du Nord, et loge au sein du grand appartement, installant sa chambre à coucher dans le salon de Mercure. Associé par son grand-père aux séances du conseil, le nouveau roi d'Espagne n'a que quelques semaines pour bénéficier des enseignements de son grand-père. Ces dernières semaines françaises sont aussi l'occasion de la commande de deux portraits emblématiques : l'un de Louis XIV en costume de sacre, et l'autre de Philippe V vêtu à l'espagnole. Ces œuvres, peintes par Hyacinthe Rigaud, étaient destinées pour la première à suivre Philippe en Espagne, en forme de souvenir de son grand-père, et pour la seconde à jouer le même rôle à Versailles[7].
L'arrivée à Madrid
Philippe quitte finalement le palais de son enfance le , quelques jours avant son dix-septième anniversaire, pourvu d’Instructions en 33 articles, écrites par Louis XIV lui-même et résumant sa conception du pouvoir. Accompagné d'une suite française, il pénètre en territoire espagnol le par la ville d'Irun, et fait son entrée triomphale dans Madrid le 18 février suivant.
Le jeune homme de 17 ans, propulsé sur l'un des plus importants trônes d'Europe, ne parle pas la langue de ses sujets et découvre à l'Alcazar de Madrid une atmosphère pesante. Au fil des années, suivant le modèle versaillais et sous l'influence de la princesse des Ursins, Philippe parviendra à imposer ses réformes à la cour : dès 1703, il introduit les audiences royales, le dîner en public, les concerts ouverts à tous ; en 1705, il instaure une garde du corps et exige que le capitaine de cette unité soit assis à ses côtés à la chapelle, ce qui irrite les grands ; en 1709 enfin, une nouvelle étiquette est adoptée, compromis entre les anciens usages et ceux de la cour de France.
Le coup de tonnerre diplomatique constitué par l'accession au trône d'Espagne (et de ses possessions en dehors de la péninsule) d'un prince français[8] est accentué, au cours des mois suivants par une accumulation de motifs de tensions, notamment avec l'empereurLéopold Ier :
le , le Parlement de Paris rappelle par lettres patentes, que Philippe V conserve tous ses droits à la couronne de France[9]. Quand bien même le risque de réunion des couronnes française et espagnole semble minime[f], les monarchies européennes craignent de voir l'Espagne devenir un protectorat français ;
toujours au mois de février, Louis XIV, à la demande du conseil de régence espagnol, envoie des troupes occuper des garnisons hollandaises sur la frontière des Pays-Bas espagnols, garnisons installées en vertu d'un traité bilatéral signé en 1698 ;
par surcroît, à la mort en exil de Jacques II Stuart au mois de septembre 1701, Versailles reconnaît le fils de celui-ci, Jacques-François, comme nouveau roi d'Angleterre et d'Écosse, causant le courroux de Londres ;
dernière inquiétude pour les Habsbourg, Louis XIV pousse Philippe V à épouser le 2 novembre 1701 Marie-Louise-Gabrielle de Savoie. Le double mariage Bourbon-Savoie (le duc de Bourgogne ayant déjà épousé la sœur de Marie-Louise-Gabrielle[10]) solidifiait, dans l'esprit des politiques du temps, les liens entre les deux familles, mais aussi entre les deux États. Le duché de Savoie risquait ainsi de tomber dans l'orbite de son puissant voisin, et de mener avec lui une politique anti-impériale.
À l'échelle européenne, jusqu'en 1704, le camp franco-espagnol conserve l'initiative stratégique et repousse ses ennemis aussi bien aux Pays-Bas, qu'en Allemagne et qu'en Italie du Nord. L'Autriche se trouve même gravement menacée. Cependant, à partir de 1706, les coalisés renversent la situation, au point que Louis XIV doit se résoudre à demander la paix en décembre 1708. La coalition exigeant l'abandon de Philippe V et l'appui de la France aux opérations qui doivent chasser d'Espagne son petit-fils, Louis XIV, offusqué, repousse ces conditions humiliantes et lance un appel à ses sujets.
Le sursaut prend et le rapport de forces bascule : à Malplaquet, en septembre 1709, l'armée française commandée par Villars, bien que vaincue tactiquement, inflige de telles pertes aux Anglo-Prussiens qu'elle les oblige à se replier et à abandonner l'invasion de la France. Une contre-offensive permet aux forces françaises de repasser le Rhin et de prendre Fribourg-en-Brisgau en 1713.
La guerre de Succession d'Espagne est non seulement un conflit international entre puissances européennes mais également une grave guerre civile :
de l'autre, la majeure partie de la couronne d'Aragon, et notamment la Catalogne, donne son appui au candidat autrichien.
En Espagne, les combats sont favorables aux troupes « philippistes », parfois au prix de massacres et de destructions, comme lors du siège de Xàtiva, ville incendiée en 1707. Philippe V sauve ainsi son trône, grâce aux victoires d'Almansa en 1707 (due au maréchal de Berwick), de Villaviciosa et de Brihuega en 1710 (dues au général de Vendôme).
En 1713, les puissances européennes, épuisées par la guerre et craignant, comme l'archiduc Charles vient d'être élu empereur, que les Habsbourg obtiennent un pouvoir trop important, retirent leurs troupes et signent la paix d'Utrecht. Philippe V est confirmé sur le trône d'Espagne, conserve l'immense empire colonial, et sa couronne lui est reconnue par toutes les chancelleries européennes[g]. Le traité lui impose cependant d'importantes concessions :
la renonciation au trône de France pour lui et pour ses descendants ;
la renonciation au trône d'Espagne de tous les membres français de la maison de Bourbon ;
de lourdes pertes territoriales : Gibraltar et Minorque passent sous domination britannique, les territoires d'Italie sont attribués aux maisons de Savoie et de Habsbourg, et les Pays-Bas espagnols deviennent également autrichiens.
L'Espagne reste cependant sous influence française, par l'intermédiaire de Jean Orry, chargé des finances, qui mène une politique de centralisation administrative.
La guerre de succession d'Espagne, 1701-1705.
Carte de la guerre de succession d'Espagne en 1706.
Carte de la guerre de succession d'Espagne de 1707 à 1709.
Carte de la guerre de succession d'Espagne de 1710 à 1715.
Une politique extérieure mouvementée (1715-1746)
La reconquête de l'Italie
Jusqu'en 1736, la restauration de l'influence espagnole en Italie constitue l'axe principal de la politique extérieure du roi. Sous l'influence de sa seconde épouse Élisabeth Farnèse et de son Premier ministre Giulio Alberoni, Philippe V développe une ambitieuse politique, qui se concrétise par l'invasion de la Sardaigne autrichienne en 1717, puis de la Sicile des Savoie en 1718. En réaction, la Quadruple-Alliance[11], à laquelle se joint le duché de Savoie, entre en guerre contre l'Espagne. Cette dernière est vaincue : par le traité de La Haye de 1720, Philippe V doit éloigner Alberoni, mais il obtient cependant la reconnaissance des droits dynastiques sur les duchés italiens pour son second fils, l'infantCharles.
L'Espagne se rapproche alors de la France par une politique de triple mariage, conclue par un traité de fiançailles signé à Paris le : le jeune roi de FranceLouis XV, douze ans (neveu de Philippe), est promis à l'infante Marie-Anne-Victoire d'Espagne, sa cousine de quatre ans ; l'héritier du trône espagnol Louis et l'héritier des duchés italiens Charles sont promis à deux filles du régentPhilippe d'Orléans, respectivement Louise-Élisabeth et Philippine-Élisabeth. Le prince Louis épouse effectivement Louise-Élisabeth en 1722, et, deux ans après, Philippe Vabdique en sa faveur, mais le nouveau roi d'Espagne meurt de la variole, après seulement sept mois de règne, contraignant son père à reprendre la couronne[12].
Le , les Français rompent les fiançailles de Louis XV avec l'infante Marie-Anne-Victoire[h], et en représailles la reine Louise-Élisabeth, veuve de Louis Ier d'Espagne, et Philippine-Élisabeth, la fiancée de Charles, sont renvoyées en France. Élisabeth Farnèse décide alors de traiter avec l'Autriche qui est le principal obstacle à l'expansion espagnole dans la péninsule italienne. Elle propose de fiancer ses fils aux filles de l'empereur Charles VI : l'infant Charles avec l'archiduchesse Marie-Thérèse et Philippe, son second fils, avec l'archiduchesse Marie-Anne. L'alliance entre les deux puissances est confirmée par le traité de Vienne du , qui prévoit la renonciation définitive de Charles VI au trône d'Espagne au profit de Philippe V et son soutien à une tentative pour libérer Gibraltar de l'occupation britannique. Mais la guerre anglo-espagnole (1727-1729) se conclut par le maintien de la souveraineté britannique sur le rocher et, au cours des négociations de paix, Charles VI abandonne le principe du mariage de ses filles avec les infants espagnols.
Par conséquent, Philippe V rompt l'alliance avec l'Autriche et conclut avec la Grande-Bretagne et la France, le , le traité de Séville qui garantit à son fils Charles le droit d'occuper le duché de Parme et Plaisance et le grand-duché de Toscane, au besoin par la force. Justement, le duc Antoine Farnèse meurt le , mais il a nommé comme successeur le « ventre enceint » de son épouse Enrichetta d'Este, ce qui écarte provisoirement Élisabeth Farnèse de la succession. La duchesse est examinée par un groupe de médecins et de sages-femmes qui la déclarent enceinte de six mois, mais la reine d'Espagne fait constater qu'il s'agit d'une mise en scène. En adhérant, le , au deuxième traité de Vienne, elle obtient de l'empereur, qui a fait occuper le duché par le comte Carlo Stampa, son lieutenant en Italie, la cession de Parme et Plaisance au jeune infant[i]. Le , le gouvernement du duché est confié à Dorothée-Sophie de Neubourg, grand-mère maternelle et tutrice de l'infant Charles.
Les rivalités avec la Grande-Bretagne
Le règne de Philippe V est également marqué par la rivalité maritime avec la Grande-Bretagne. L'Espagne se bat contre les avantages acquis par les Anglais au traité d'Utrecht, et le règne de Philippe V est émaillé d'incidents maritimes, comme en 1739-1748, lors de la guerre de l'oreille de Jenkins.
Au cours du règne de Philippe, l'Espagne redevient une grande puissance maritime. La marine tient la Méditerranée occidentale, bien que les Anglais occupent toujours Gibraltar et Minorque.
Les pactes de famille
La France et l'Espagne passent plusieurs accords d'alliance, appelés communément « pactes de famille », dont le but est principalement l'opposition à l'Autriche ou à la Grande-Bretagne :
La politique du règne de Philippe V est marquée par le modèle « louis-quatorzien » de l'État absolutiste et centralisateur. Les réformes engagées représentèrent un changement radical par rapport au système précédemment mis en place par la maison d'Autriche. Ils marquent une étape fondamentale dans l'élaboration d'un esprit national, notamment par l'imposition du castillan comme langue exclusive dans l'administration et le gouvernement, et la modernisation de l'appareil d'État espagnol.
Mais il faut remarquer que, si Philippe V tenta de se comporter en monarque absolu, il ne le fut jamais véritablement. Il était sujet, depuis l'adolescence, à des crises de dépression, de neurasthénie et de mélancolie — que sa femme Élisabeth Farnèse prétendit soigner en faisant venir le chanteurcastratFarinelli. Philippe V ne put, à plusieurs reprises, assumer personnellement la charge du pouvoir, et il fut alors le jouet de ses ministres ou de courtisans, comme la princesse des Ursins. Le à Guadalajara, il épouse grâce à l'entremise de l'abbé Giulio Alberoni la nièce du duc de Parme, Élisabeth Farnèse, qui fait renvoyer prestement la princesse des Ursins. Philippe V passe alors sous la coupe de son épouse et d'Alberoni, nommé ministre.
Réforme administrative
Le gouvernement fut recomposé de secrétaires d'État, dont les charges étaient occupées par des fonctionnaires nommés par le roi.
Mais l'exemple le plus éclatant de réforme centralisatrice et autoritaire sont les décrets de Nueva Planta, pris entre 1707 et 1716 (décret de 1707 pour l'Aragon et Valence, de 1715 pour Majorque et de 1716 pour la Catalogne), qui sont une série d'ordonnances royales (reales cédulas) établissant la « nouvelle base » (« nueva planta ») des audiences royales contrôlant les territoires des deux couronnes. Les décrets furent précédés de l'abolition des institutions propres à chaque région : abolition des fors des royaumes de la couronne d'Aragon qui avaient pris parti contre lui lors de la guerre, dissolution de l'organisation territoriale des royaumes de la couronne de Castille et annulation des privilèges en vigueur dans ses municipalités. Ces décrets imposaient ensuite un modèle juridique, politique et administratif commun à toutes les provinces d'Espagne[j].
L’État fut organisé en provinces, gouvernées par un Capitaine général (Capitán General) et une Cour de justice, chargés de l'administration et devant répondre directement au gouvernement de Madrid. Pour l'administration économique et financière furent établies, sur le modèle français, les Intendances provinciales (Intendencias provinciales). Les Conseils des territoires disparus ou perdus par la Couronne, c'est-à-dire d'Aragon, de Flandre et d'Italie, furent abolis, et concentrés dans le seul Conseil de Castille ; seuls perdurèrent les Conseils de Navarre et des Indes. Progressivement, les Cortes de Castille intégrèrent les représentants des anciens territoires aragonais ; le pouvoir des Cortes en tant que tel, vu comme un frein au pouvoir royal, diminua.
Réformes économiques
Philippe V fut confronté à la situation économique et financière d'un État ruiné. Il lutta contre la corruption. Dans le domaine fiscal, il s'efforça de ne pas établir de nouveaux impôts afin de rendre plus équitable la charge fiscale.
Dans le domaine économique, il opta pour des positions mercantilistes :
il favorisa l'agriculture, et interdit l'exportation des grains ;
il interdit l'importation de produits textiles et créa des manufactures royales ;
il s'efforça de réorganiser le commerce colonial par la création de compagnies de commerce dotées de privilèges, sur les modèles anglais et néerlandais.
Réforme de l'armée
Comme conséquence des nécessités de la guerre et suivant le modèle français, Philippe V réalisa une profonde réorganisation de l'armée. Il substitua aux anciens tercios une nouvelle organisation militaire en brigades, régiments, bataillons, compagnies et escadrons. On introduisit plusieurs nouveautés, comme les uniformes ou les fusils à baïonnette.
Philippe V s'attaqua également à la reconstruction de la marine espagnole. Il fit construire de nouveaux navires modernes et mieux équipés. Il regroupa également les différentes flottes dans l'Armada Española en 1717. Dans cette œuvre, il s'appuya particulièrement sur l'action de son intendant général de la Marine, José Patiño Rosales.
Philippe V a favorisé et promu le commerce atlantique de l'Espagne avec ses possessions américaines. Au cours de ce commerce atlantique se sont élevées des figures importantes de l'histoire navale de l'Espagne, parmi lesquelles se distingue le corsaireAmaro Pargo. Philippe V couvrit fréquemment les incursions commerciales du corsaire : il donna un ordre royal au Palais du Pardo à Madrid en , dans lequel il le nomma capitaine d'un navire commercial à destination de Caracas[13]. Le roi intercéda également dans la libération d'Amaro pendant sa détention par la Casa de Contratación de Cadix[14],[15] et l'autorisa à construire un navire à destination de Campeche, qui était armé comme un bateau corsaire[14].
Politique artistique et culturelle
Suivant l'exemple de Louis XIV, qui considérait la culture et les arts comme un moyen de montrer la grandeur royale, Philippe V s'efforça de développer les arts. Il ordonna ainsi la construction du palais royal de la Granja de San Ildefonso, inspiré par le style classique français. Pour décorer la Granja, Philippe V fit l'acquisition de la collection de sculptures de Christine de Suède. Il s'occupa aussi de la reconstruction du palais royal de Madrid, après l'incendie de l'Alcázar, et du palais d'Aranjuez. Le goût italien fut cependant prépondérant à la cour espagnole, sous l'influence d'Élisabeth Farnèse. Le règne de Philippe V correspond également à l'introduction du style rococo.
Philippe V s'occupa enfin de la fondation d'institutions culturelles chargées d'établir un contrôle sur l'évolution des sciences et des arts, comme l'Académie royale espagnole, approuvée en 1714, dont la tâche consiste à normaliser la langue espagnole, dans l'intention de « fixer les sons et les mots de la langue castillane dans leur plus grande propriété, élégance et pureté »[16], ou encore l'Académie royale d'histoire, chargée d’étudier l’histoire « antique et moderne, politique, civile, ecclésiastique, militaire, de la science, des lettres et des arts, c’est-à-dire, des diverses branches de la vie, de la civilisation et de la culture du peuple espagnol », fondée en 1735. Il faut remarquer que ces fondations se font sur le modèle français[k].
L'intermède de Louis Ier (1724)
Le , Philippe V confirma par décret qu'il abdiquait en faveur de son fils Louis Ier. Le prince reçut les documents le 15 et les fit publier le lendemain. Les motifs de cette abdication ne sont pas véritablement éclaircis. Certains historiens ont pu avancer qu'il se préparait à monter sur le trône de France, profitant de la mort attendue de Louis XV ; d'autres qu'il était conscient de son incapacité à gouverner à cause de sa maladie. Mais Louis Ier étant trop jeune et insouciant, ce sont ses parents qui continuèrent à s'occuper du gouvernement.
Louis Ier ne régna que sept mois. À sa mort, Philippe V redevint roi, malgré les droits de son deuxième fils, Ferdinand, alors prince des Asturies.
Mort
Philippe V meurt le et, contrairement à la tradition qui, depuis Charles Quint, veut que les monarques espagnols soient enterrés au palais de l'Escurial, est enterré en son palais San Ildefonso.
Il est notable qu'en 1713, Philippe V avait instauré, par la Pragmatique Sanction, la loi salique en Espagne, contrairement à la tradition espagnole qui permettait qu'une fille de roi devienne reine — comme le fut d'ailleurs Isabelle la Catholique, reine de Castille et León de 1474 à 1504. La révocation de ce décret par Ferdinand VII, bien plus tard au XIXe siècle, fut responsable des trois guerres civiles carlistes entre les isabellistes (puis alphonsistes), partisans d'Isabelle II (puis de son fils Alphonse XII) et les carlistes, partisans de son oncle l'infant Charles (puis de ses descendants), de 1833 à 1840, 1846 à 1849 et 1872 à 1876.
Charles III d'Espagne (Madrid, - Madrid, ), duc de Parme et Plaisance (1731-1736), roi des Deux-Siciles (1735-1759) et roi des Espagnes et des Indes de 1759 à 1788 ;
Louis Antoine d'Espagne ( - ), archevêque de Tolède, primat d'Espagne et cardinal jusqu'à l'âge de 8 ans, il devint comte de Chinchon ; en 1776, il épousa Marie-Thérèse Vallabriga (1758-1785) par un mariage inégal ;
À sa naissance, en qualité de fils de France, le futur Philippe V n'avait pas d'autre nom que celui de France. S'il avait vécu dans son royaume d'origine et qu'il y avait fait souche, sa descendance aurait alors pris le nom d'Anjou, en référence à son apanage. À la différence de la maison d'Autriche, appelée indifféremment casa de Austria ou casa de Habsburgo en espagnol, l'usage du nom de Bourbon s'est cependant imposé en Espagne plutôt que celui de France, et la maison royale a adopté ce nom (Casa de Borbón en espagnol). L'appellation de maison de Bourbon-Anjou (Casa de Borbón-Anjou) est également fréquemment utilisée s'agissant de sa descendance à la nationalité espagnole issue des mâles.
Titres
1683-1700 : Son Altesse royale le duc d'Anjou ;
1700-1724 : Sa Majesté le roi ;
- : Sa Majesté le roi Philippe V(durant le règne de son fils) ;
↑L'enjeu est effectivement important : si l'Espagne allait aux Bourbons, le dauphin étant l'héritier le plus direct et l'aîné des neveux de Charles II, cela augmenterait l'influence déjà immense de Louis XIV, fils d'Anne d'Autriche (elle-même fille aînée de Philippe III d'Espagne) et époux de Marie-Thérèse d'Autriche (elle-même fille de Philippe IV d'Espagne). Si l'Espagne allait à la maison de Habsbourg d'Autriche, (dont le roi d'Espagne est membre) l'empire de Charles Quint serait reconstitué et la France, de nouveau encerclée (cette théorie de l'encerclement connue son essor à la fin du XIXe siècle lorsque la question de la succession d'Espagne se posa en 1870, et que la famille des Hohenzollern de Prusse proposa son candidat).
↑En cas de mort sans descendance légitime ou d'accession au trône de France du duc d'Anjou, la couronne espagnole devait revenir à son frère cadet, le duc de Berry, puis à l'archiduc Charles, et à défaut au duc de Savoie, au détriment de « Monsieur », duc d'Orléans, dont les droits hérités de sa mère l'infante Anne auraient dû lui assurer d'être placé juste après le duc de Berry et avant l'archiduc Charles. Le frère de Louis XIV protestera contre cette injustice par devant deux notaires le [5].
↑Charles II et Louis XIV étaient cousins car la mère de Louis XIV, Anne d'Autriche, et le père de Charles II, Philippe IV, étaient frère et sœur. Charles II était le beau-frère de Louis XIV, car sa sœur Marie-Thérèse avait épousé le roi français. Enfin, Charles II était neveu de Louis XIV pour avoir épousé en premières noces la nièce de ce dernier, Marie Louise d'Orléans, fille de Philippe Ier d'Orléans, frère du roi.
↑Cette phrase, attribuée par le Mercure galant au marquis de Castel dos Rios, n’a vraisemblablement jamais été prononcée.
↑Le Grand Dauphin est en âge de régner et en parfaite santé, et son fils Louis, grand-frère de Philippe V, est lui aussi marié et en âge de régner.
↑Excepté l'Autriche, qui maintient ses réclamations jusqu'en 1725.
↑Âgée de sept ans, l'« infante-reine » Marie-Anne-Victoire est trop jeune pour être mère, alors que la France a rapidement besoin d'un dauphin.
↑En contrepartie, elle reconnait la Pragmatique Sanction, document qui permet à l'archiduchesse Marie-Thérèse de succéder à son père sur le trône des Habsbourg. La Pragmatique Sanction devait être reconnue par toutes les puissances européennes pour prendre effet. C'est pourquoi Charles VI, déterminé à assurer l'avenir de sa dynastie, fut amené à faire des compromis en vue d'obtenir une approbation générale du document.
↑Seules les provinces basques, navarraises et aranaise, qui avaient démontré leur fidélité durant la guerre, purent conserver leurs institutions forales anciennes.
↑L'Académie royale espagnole est clairement fondée sur le modèle de l'Académie française.
↑Catherine Désos, « Chapitre 1. L’Espagne de 1701 offre-t-elle un terreau favorable à une implantation française ? », dans Les Français de Philippe V : Un modèle nouveau pour gouverner l'Espagne (1700-1724), Presses universitaires de Strasbourg, coll. « Sciences de l’histoire », , 21–57 p. (ISBN979-10-344-0425-4, lire en ligne)
↑En droit français de l'époque, la couronne n'appartient pas à la personne du roi, elle est au-dessus de la personne royale ; en conséquence de quoi Philippe V n'avait pas le droit de renoncer à la couronne si celle-ci devait lui échoir, et il était en théorie obligé de l'accepter. En pratique il y renoncera en 1712, car c'était une condition sine qua non des négociations de paix imposées par la Grande-Bretagne après onze années de guerre. La renonciation de Philippe V, discutable d'un point de vue juridique mais enregistrée dans les traités d'Utrecht, est l'une des pierres d'achoppement dans la querelle entre orléanisme et légitimisme.
↑Philippe Erlanger, « Philippe V d'Espagne : un roi baroque, esclave des femmes », Paris, Perrin, 1978, 408 p. (ISBN2-262-00117-0)
Marquis de Dangeau, Journal d'un courtisan à la Cour du Roi Soleil, t. 15 : La guerre de succession d'Espagne (1702), Editions Paléo
Antoine-Marie Augoyat, Siège du château d'Alicante et surprise de Tortose, pendant la guerre de succession en Espagne,
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