Une paréidolie est le processus qui survient, sous l'effet de stimuli visuels ou auditifs, et qui porte à reconnaître une forme familière dans un paysage, un nuage, de la fumée, une tache d'encre, etc., une voix humaine dans un bruit, ou même des paroles (généralement dans sa propre langue) dans une chanson ou un discours prononcés dans une langue qu'on ne comprend pas.
Composé de la préposition παρά (pará) (« à côté de, auprès de ») suivie du nom εἴδωλον (eídôlon) (« simulacre, fantôme »), diminutif de εἶδος (eîdos) (« apparence, forme »).
Origines
Le cerveau structure son environnement en permanence, en rapportant les informations qu’il reçoit à des objets connus. La paréidolie est une expression de cette tendance du cerveau à créer du sens en assimilant des formes aléatoires à des formes qu’il a déjà référencées. Le siège cérébral de la fonction permettant de déceler des formes, extrêmement importante pour la socialisation et le développement de l’espèce, se situe dans le lobe temporal. Une lésion de celui-ci peut entraîner des agnosies visuelles aperceptives (par exemple une prosopagnosie, c’est-à-dire l’impossibilité d’identifier un visage) et occasionner, en réaction, des paréidolies.
Bien qu'elle puisse apparaitre à la suite d'un dysfonctionnement cérébral, la paréidolie est généralement causée par la tendance naturelle de l’être humain à assimiler des perceptions nouvelles à celles déjà connues et répertoriées. Elle est la plupart du temps utile pour classer un objet nouveau dans une catégorie connue, mais elle peut aussi être source d’erreurs[2]. On trouve dans l'effet Stroop un autre exemple de cette même tendance des sens à interpréter une perception en la comparant à des objets déjà connus. Il est possible que cette préférence découle de l’avantage évolutif conféré par une très forte capacité à détecter une présence, qui favorise la survie mais pas nécessairement la précision[3]. Ainsi, les erreurs se font presque toutes dans la même « direction » : des faux positifs (reconnaître une présence qui n'est pas là) plutôt que des faux négatifs (ne pas reconnaître une présence)[4].
À la différence des autres illusions visuelles, qui sont créées par les mécanismes de la perception, les paréidolies sont subjectives : chacun peut voir une chose différente. L'être humain a souvent tendance à voir un visage dès qu'un objet y ressemble[5]. Les attentes, les prédispositions, la culture de chacun a un impact sur ces « projections ». Le test de Rorschach est basé sur cette fonction cognitive. Les paréidolies relèvent donc de phénomènes cognitifs complexes.
Pour expliquer les phénomènes de paréidolie, les spécialistes des sciences neuro-cognitives invoquent la neurophysiologie de la perception et les travaux sur les reconnaissances prototypiques du visage de l'espèce[6].
Dans la paréidolie visuelle, les stimuli sont organisés en une structure signifiante.
La masse d’informations qui nous parvient par Internet favorise la paréidolie, ce phénomène étant diffusé par un biais cognitif très fréquent, le biais de confirmation[7].
Dans L’Énergie spirituelle, Henri Bergson expose l’hypothèse selon laquelle c’est par une paréidolie, à partir des phosphènes naturels qui apparaissent lorsqu’on ferme les yeux, que sont élaborées les images des rêves.
L’identification de visages, d'animaux ou de structures diverses dans les nuages est un exemple classique de paréidolie.
En 2004, un toast sur lequel avait été perçue l'image d'un personnage assimilée par certains à celle de la Vierge Marie a été vendu pour 28 000 dollars[10].
Le cartographe et infographiste français Jules Grandin partage régulièrement sur Twitter des paréidolies, qu'il nomme « thingsmap » dont le mécanisme repose sur l'identification de formes géographiques dans les objets du quotidien, les nuages, les taches[11].
Profil perdu et buste de femme avec chapeau, manteau à collet et capuche, dans les gorges de Daluis (arrière-pays niçois, France), dite « la Gardienne des Gorges ».
Figure anthropomorphe dite « le visage à la grimace », vue de trois quarts face, schiste rouge, dans les gorges du Cians (Alpes-Maritimes, France).
Photo satellite d’un rocher sur Mars, dont les ombres créent le visage de Mars.
Image fournie par la NASA, via Hubble : une lentille gravitationnelle située à 4,5 milliards d’années-lumière de la Terre donne l’impression d’un gigantesque smiley.
Les Incas voyaient dans la silhouette des montagnes derrière le Machu Picchu le profil de la momie de l'empereur, le Grand Sapa Inca couché, son coude dressé sur sa poitrine.
En bas de l'image à gauche, près des Qollqa (ou greniers de l'Inca, à droite) d'Ollantaytambo, les Précolombiens voyaient dans cette roche creusée le profil (plutôt effrayant ici) de l'Inca Pachacutec ou du dieu créateur Viracocha. Une petite construction au sommet figure sa couronne et complète l'image imaginaire.
Corps de 4 membres d'une carotte ; on voit même représentée ici l'ébauche du sexe (masculin).
La Raie de Chardin (1728) avec son fameux faux « sourire » énigmatique ou "cruel"[13].
À partir d'éléments artificiels
Une des plus fameuses paréidolies photographiques, où l'on voit un visage masculin barbu et aux cheveux longs apparaître, alors qu'il s'agit en réalité d'un bébé coiffé d’un chapeau, simplement assis sur les genoux de son père, le tout sur fond de nature.
Autre exemple plus ordinaire de paréidolie : un réveil-matin pouvant être perçu comme un visage triste.
Une vieille pièce de mécanisme, évoquant la tête d’une bête fantastique.
Une prise murale suggérant l'idée d’un visage souriant.
Des défauts de goudron suggérant une partie de l’Europe occidentale.
↑Il ne s'agit pas d'un équivalent du sourire humain comme chez les chimpanzés ou parfois chez les chiens mais d'une paréidolie par projectionanthropomorphique, bien sûr, car la raie est loin de sourire ; voir un reportage commenté et critique sur ce phénomène du « sourire de la raie » ici : Laïma A. Gérald, « On va se le dire », sur facebook.com, (consulté le ). Voir aussi cette photo : « Selfie avec une raie manta heureuse », sur koreus.com (consulté le ).
Bibliographie
: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.