La naturalisation en Suisse est le processus administratif et politique par lequel une personne étrangère acquiert la nationalité suisse.
La naturalisation peut prendre deux formes : la naturalisation ordinaire et la naturalisation facilitée. La procédure a lieu en premier lieu au niveau de la commune et du canton dans lequel la personne étrangère pose sa demande de naturalisation.
La nationalité suisse peut s'acquérir aussi par la naturalisation.
Conditions
La naturalisation ordinaire est octroyée lorsque les conditions formelles et matérielles sont remplies.
Conditions formelles
Le droit fédéral dispose de deux conditions formelles : le requérant (celui qui veut se faire naturaliser) dispose d'une autorisation d'établissement (dit permis C)[1]; et il a séjourné pendant au moins dix ans en Suisse, dont trois des cinq ayant précédé le dépôt de la demande[2].
Il existe deux exceptions à la règle des dix ans de séjour. La première s'applique pour les partenaires enregistrés, où seuls cinq ans de séjour en Suisse sont requis[3]; toutefois le requérant doit vivre en partenariat enregistré depuis au moins trois ans[4]. La deuxième concerne les enfants âgés de huit à 18 ans: le temps séjourné en Suisse entre ces deux âges compte double[5]. La durée effective du séjour doit être en revanche au minimum de six ans[6].
Conditions matérielles
La LN prévoit trois conditions matérielles : l'intégration réussie[7] ; la familiarisation avec les conditions de vie en Suisse[8] ; l'absence de danger à la sûreté intérieure ou extérieure de la Suisse[9].
L'intégration au sens de la LN se mesure à l'aide de différents critères, en particulier[10] :
l'encouragement et le soutien à l'intégration de la famille.
Les cantons peuvent prévoir d'autres critères de naturalisation[11]. Cela est par exemple le cas concernant l'aide sociale.
Le respect des valeurs de la Constitution peut se manifester de différentes manières. Le requérant doit respecter les principes de l'État de droit, de même que « l'ordre démocratico-libéral de la Suisse »[12].
Les compétences linguistiques sont mesurées l'aide du Cadre européen commun de référence pour les langues. Le requérant doit avoir la maîtrise d'une langue nationale au minimum au niveau B1 pour l'oral et au niveau A2 pour l'écrit[13]. Les cantons étant souverains dans la détermination de leurs langues officielles[14], la langue requise peut varier d'un canton à l'autre. La preuve de la maîtrise d'une langue nationale est fournie par un diplôme (TEF ou FLE pour le français, Institut Goethe pour l'allemand par exemple[N 1],[15])[16]. Toutefois, si la langue nationale requise est la langue maternelle du requérant (un Autrichien vivant à Berne, ou un Wallon vivant à Fribourg), le requérant est exempté de test ou de certificat de langue[17]. Une autre exception à cette obligation existe aussi pour les requérants ayant fréquenté pendant au moins cinq ans l'école obligatoire dans une langue nationale[18], ou ayant une formation de secondaire II ou du tertiaire dans une langue nationale[19].
La participation à la vie économique se mesure aux revenus et patrimoine du requérant[20]. Alternativement, le requérant peut démontrer lors du dépôt de la demande de naturalisation qu'il est en formation ou en cours de perfectionnement[21]. La législation fédérale fixe aussi que le requérant ne peut avoir perçu d'aide sociale dans les trois ans précédant la demande, à moins qu'il ait intégralement remboursé les sommes perçues[22].
Le requérant, le cas échéant, doit aussi démontrer qu'il contribue à l'intégration de sa famille, notamment dans l'aide à l'acquisition d'une langue nationale[23], à la participation économique ou à l'acquisition d'une formation[24]. De plus, le requérant doit aider sa famille à participer à la vie sociale et culturelle de la population suisse[25].
Une menace à la sûreté intérieure ou extérieure de la Suisse peut être admise en particulier quand le requérant représente une menace à des biens juridiques importants (tels que la vie ou l'intégrité corporelle)[26]. Les requérants se livrant à des activités liées au terrorisme, à l'espionnage ou dans l'extrémisme violent ne sont pas qualifiables pour la naturalisation (ordinaire ou facilitée)[27]. Depuis le début des années 1990, il n'est plus nécessaire au requérant de renoncer à son ancienne nationalité pour devenir suisse[28].
Les autorités prenant doivent prendre compte de manière appropriée la situation d'un requérant en situation de handicap (physique, mental ou psychique)[29], souffrant d'une maladie grave ou de longue durée[30], ou bien souffrant de grandes difficultés à apprendre, à lire et à écrire[25]. Cette prise en compte porte en particulier sur l'évaluation des connaissances linguistiques et de la participation à la vie économique[31].
Une personne n'est pas considérée comme intégrée si elle commet des crimes ou des délits (suivant leur gravité)[32]. Dans ce cadre, le SEM consulte le casier judiciaire du requérant.
Conditions supplémentaires au niveau cantonal
Comme mentionné plus haut, les cantons ont la possibilité d'édicter des mesures plus strictes[11].
Conditions supplémentaires fixées par les cantons lors du dépôt de la demande la naturalisation (au )[N 2]
pas de perception d'aide sociale (allocation chômage y compris) dans les 5 ans précédant la demande ou pendant la procédure, sauf si remboursée intégralement[61]
pas de dettes résultant de la LAMal ou d'impôts dans les 5 ans précédant la naturalisation[62]
pas de perception d'aide sociale dans les 10 ans précédant la demande ou pendant la procédure, sauf si remboursée intégralement[90]
pas d'actes de défaut de bien ou de poursuites dans les 5 ans précédant la demande[91] ; pas de poursuites pour des assurances sociales ou la LAMal dans les 3 ans précédant la demande[92]
La procédure au niveau cantonal et communal est régie par le droit cantonal[111]. Le droit fédéral autorise les cantons à soumettre une demande de naturalisation au vote d'une assemblée communale[112].
Le candidat à la nationalité suisse doit déposer une demande auprès du canton ou de la commune, selon le droit cantonal[113].
Après que le canton, et le cas échéant la commune, a terminé sa procédure au niveau cantonal, il transmet le dossier au SEM[114]. Ce dernier délivre l'autorisation fédérale de naturalisation si les conditions formelles et matérielles sont remplies[115]. Le dossier repart alors au canton, qui rend la décision de naturalisation[115].
L'autorité cantonale a un an pour rendre sa décision de naturalisation après la réception de l'autorisation fédérale[116] ; au-delà, cette dernière échoit. Une fois la décision (positive) de naturalisation, le naturalisé acquiert le droit de cité communal et cantonal, et en même temps la nationalité suisse[117].
Par défaut : Einbürgerungsbehörde (commission sur les naturalisations[N 17])[131] Exception : assemblée communale (si prévu par le droit communal)[132]
La naturalisation n’est pas un droit : les cantons et les communes sont libres de fixer des conditions supplémentaires.
Naturalisation facilitée
L'octroi de la naturalisation facilitée relève exclusivement de la compétence de la Confédération. Le canton et la commune, qui disposent d'un droit de recours, sont préalablement consultés.
Certains critères de la naturalisation ordinaire doivent être remplis pour celle facilitée[181] ; cela concerne en particulier les critères d'intégration. En outre, le requérant ne doit pas compromettre la sûreté intérieure ou extérieure de la Suisse[182].
Conjoint d’un ressortissant suisse
Le conjoint étranger d'un ressortissant suisse peut, sous certaines conditions, bénéficier de la naturalisation facilitée.
Il doit avoir résidé en Suisse pendant cinq ans en tout (dont l'année précédant la demande)[183] et vivre depuis trois ans en communauté conjugale avec un ressortissant suisse[184]. À cet égard, l'union conjugale doit être dans le cadre d'un mariage, et celui-ci doit être vécu dans les faits, avec l'intention de garder l'union stable[185]. Les personnes en partenariat enregistré se retrouvent par conséquent exclues de la naturalisation facilitée. Il ne peut être fait exception au ménage commun que pour des raisons majeures[186]. L'union conjugale doit être d'ailleurs présente lors du dépôt de la demande et lors de la naturalisation[187].
Un étranger peut aussi acquérir la nationalité suisse à travers son conjoint sans séjourner en Suisse. Il doit être en union conjugale depuis au moins six ans[188] et avoir des liens étroits avec la Suisse[189]. Il y a lieu d'admettre des liens étroits avec la Suisse si le requérant séjourne régulièrement en Suisse[190], est capable de communiquer au quotidien dans une langue nationale[191], a des connaissances de bases sur la géographie, la politique et l'histoire suisses[192]. Il doit par ailleurs entretenir des contacts avec des Suisses[193]. Ces connaissances générales et linguistiques de même que ses contacts sont évalués au moyen de personnes de référence domiciliées en Suisse[194].
Dans les deux cas, le conjoint naturalisé acquiert le droit de cité cantonal et communal de son conjoint suisse[195].
Nationalité suisse admise par erreur
Un cas particulier est la naturalisation facilitée à la suite de la nationalité admise dite « par erreur ».
La naturalisation facilitée est possible lorsque trois conditions sont réunies[196] :
un étranger vit en Suisse depuis plus de cinq ans ;
il a vécu pendant cette période convaincu de bonne foi qu'il possède la nationalité suisse ;
il est effectivement traité pendant cette période comme un citoyen suisse par une autorité cantonale ou communale.
Si la procédure aboutit, il acquiert le droit de cité du canton responsable de l'erreur[197].
Enfant apatride
L’enfant mineur apatride peut aussi bénéficier de la naturalisation facilitée.
Il doit avoir séjourné en Suisse depuis au moins cinq ans, ainsi que dans l'année précédant le dépôt de la demande[198].
Il acquiert le droit de cité cantonal et communal de son lieu de résidence[199].
Enfant d’une personne naturalisée
Les enfants étrangers de personnes naturalisées peuvent aussi passer par la naturalisation ordinaire pour devenir suisses.
Ceux-ci peuvent, s'ils n'ont pas encore atteint l'âge de 22 ans, déposer une demande s'ils ont vécu en Suisse depuis au moins cinq ans, dont les trois précédant le dépôt de la demande[200].
Il acquiert le droit de cité cantonal et communal du parent suisse[201].
Étrangers de la troisième génération
Depuis le , les étrangers de troisième génération peuvent bénéficier de la procédure de naturalisation facilitée. Cette possibilité découle de l'adoption du nouvel article constitutionnel (art. 38al. 2Cst.) le par le peuple et les cantons.
L'étranger requérant souhaitant bénéficier de cette procédure doit remplir les conditions suivantes :
au moins un de ses grands-parents est né en Suisse[205] ;
au moins un de ses parents étranger a une autorisation d'établissement (permis C), séjourne en Suisse depuis au moins dix ans et a suivi au moins cinq ans de scolarité obligatoire en Suisse [202].
Si la procédure aboutit favorablement, l'étranger naturalisé acquiert le droit de cité cantonal et communal de son lieu de résidence[206].
Annulation de la naturalisation
Le SEM peut, sous certaines conditions, annuler la naturalisation ou la réintégration.
Pour ce faire, le requérant doit avoir, pendant la procédure, fourni des déclarations mensongères ou avoir dissimulé des faits essentiels[207]. La procédure en annulation doit avoir lieu dans les deux ans après que le SEM a eu connaissance des faits incriminants, toutefois huit ans au plus tard après l'octroi de la nationalité suisse[208]. Ce droit d'annulation incombe aussi aux autorités cantonales dans le cadre d'une naturalisation ordinaire[209].
La décision d'annulation entraine la perte de la nationalité suisse acquise[210]. Des exceptions sont prévues dans certains cas pour les enfants, notamment s'ils devaient tomber dans l'apatridie après l'annulation[211].
Cas sous l'ancienne législation
Réintégration d’anciennes Suissesses : La femme qui, avant l’entrée en vigueur de la modification du , a perdu la nationalité suisse par mariage ou par inclusion dans la libération de son mari peut former une demande de réintégration.
Enfants de mère suisse : L’enfant étranger né avant le et dont la mère possédait la nationalité suisse au moment de la naissance ou l’avait possédée précédemment peut former une demande de naturalisation facilitée s’il a des liens étroits avec la Suisse. Il acquiert le droit de cité cantonal et communal que la mère possède ou possédait en dernier lieu et par là même la nationalité suisse.
Enfant né hors mariage d’un père suisse : L'enfant doit avoir des liens étroits avec la Suisse. La demande peut également être déposée après 22 ans révolus.
Personnalités naturalisées suisses
Voici quelques personnalités ayant été naturalisées suisses :
↑Le SEM, à travers fide (programme suisse pour la promotion de l’intégration linguistique), propose des formations de langue pour remplir cette condition d'intégration.
↑NC signifie ici pas de condition supplémentaire fixée par le canton concerné.
↑Par commune, il est entendu ici commune de dépôt de la demande.
↑Sauf mention contraire, le niveau requis est celui fixé par la Confédération (B1 oral et A2 écrit).
↑Pour les étrangers nés en Suisse, ou si nés à l'étranger, mais ayant fréquenté au moins cinq ans de scolarité obligatoire dans une langue nationale, doivent avoir séjourné 2 ans dans le canton.
↑ L'obligation de résider dans la commune 3 ans sans interruption avant le dépôt de la demande n'est pas applicable pour les jeunes étrangers nés en Suisse ou pour les réquerants déposant leur demande avant l'âge de 22 ans, § 11al. 1KBüG/ZG.
↑La législation cantonale zugoise ne précise pas explicitement la langue que le requérant doit maîtriser pour sa naturalisation. Toutefois, elle dispose (§ 5al. 1KBüG/ZG) que le requérant doit genügende Sprachkenntnisse zur Verständigung mit Behörden und Mitbürgern besitzt (« avoir des connaissances linguistiques suffisantes pour se faire comprendre des autorités et des concitoyens » en allemand).
↑Pour les étrangers de deuxième génération, le canton de Fribourg reconnaît les périodes de séjour dans les cantons suivants : Berne, Vaud, Neuchâtel, Genève, Jura et Zurich (art. 11RDC/FR).
↑Les communes fribourgeoises sont autorisées à fixer le temps de résidence sur leur commune à trois ans (art. 9al. 4LDC/FR)
↑La législation cantonale soleuroise ne précise pas explicitement la langue que le requérant doit maîtriser pour sa naturalisation. Toutefois, elle dispose (§ 15al. 1 lit. d KBüG/SO) que le requérant doit genügende Sprachkenntnisse zur Verständigung mit Behörden, Mitbürgerinnen und Mitbürgern besitzen (« avoir des connaissances linguistiques suffisantes pour se faire comprendre des autorités et des concitoyens » en allemand).
↑La législation cantonale d'Appenzell Rhodes-Extérieures ne précise pas explicitement la langue que le requérant doit maîtriser pour sa naturalisation; elle mentionne seulement la nécessité d'avoir des connaissances linguistiques suffisantes (art. 3al. 1 lit. c KBüG/AR).
↑La législation cantonale argovienne ne précise pas explicitement la langue que le requérant doit maîtriser pour sa naturalisation; elle mentionne seulement la nécessité d'avoir des connaissances linguistiques et civiques suffisantes (§ 3al. 1 lit. b KBüG/AG).
↑La législation cantonale genevoise ne précise pas explicitement la langue que le requérant doit maîtriser pour sa naturalisation. Elle dispose seulement que l'étranger doit « avoir avec le canton des attaches qui témoignent de son adaptation au mode de vie genevois » (art. 12 lit. a LNat/GE).
↑La législation cantonale jurasienne ne dispose pas quelle langue l'étranger doit maîtriser pour la naturalisation.
↑Par assemblée communale (Gemeindeversammlung), on entend l'assemblée de tous les ayants droit de vote de la commune en question.
↑Composée de cinq membre et présidée par un membre du Gemeinderat (exécutif communal).
↑Composée de cinq à treize membres, qui doivent avoir le droit de cité de la commune en question (art. 2al. 3-4KBüV/OW).
↑Composée de onze membres, élus par le Kantonsrat (législatif; art. 6al. 3KBüV/OW).
↑ ab et cLes Bürgergemeinden sont une forme spéciale de commune, comparables aux communes bourgeoisiales en Suisse romande, chargées, entre autres, des naturalisations. Elles coexistent avec les communes politiques (communes dans le langage courant) et sont dotées d'un règlement communal et d'organes politiques propres: à ZG : Bürgerrat (unique organe) ; à BS : Bürgergemeinderat (législatif) et Bürgerrat (exécutif) ; à BL : selon la commune bourgeoisiale, mais toujours avec un Bürgerrat.
↑Le Gemeinderat est l'organe responsable de la commune quand le droit communal ne possède pas de parlement communal. Soleure possède un Gemeinderat de 30 membres, mais pas de Gemeindeparlament ; Olten en revanche dispose d'un Gemeindeparlament et un Stadtrat (exécutif). Le droit cantonal soleurois ne s'exprime pas qui du Stadtparlament ou du Stadtrat est compétent.
↑Comme dans le canton de Soleure, le droit cantonal de Bâle-Campagne ne prévoit pas le cas où la commune est dotée d'un législatif et d'un exécutif communal.
↑Au sens strict, AI n'est pas divisé en communes, mais en districts (Bezirke).
↑Art. 12 al. 1 lit. d LDC/BE: les communes demandent par défaut la langue de leur arrondissement administratif, ou peuvent demander alternativement l'autre langue officielle du canton de Berne.
↑§ 18al. 1 en relation avec § 17al. 1KBüG/LU: sur les cinq années précédant la demande, il doit avoir vécu trois années dont la dernière précédant la demande dans la commune de dépôt.
↑§ 22al. 1KBüG/LU; le niveau requis est celui fixé par la Confédération (B1 oral et A2 écrit).
↑Art. 9 al. 1LDC/FR; les étrangers de deuxième génération doivent avoir vécu deux ans dans le canton, dont l'année précédant immédiatement la demande (art. 9al. 2LDC/FR)