Mouktse
Mouktse (hébreu : מוקצה « mis à part ») est le nom donné par les docteurs des Talmuds à une ordonnance rabbinique afin d’améliorer l’observance des jours sanctifiés par le judaïsme, en vertu de laquelle certains ustensiles, objets, corps et les êtres vivants ne peuvent être déplacés pendant le chabbat et les jours saints, même sans les transporter d’un domaine à l’autre ou dans le domaine public (en). Bien que rabbinique, cette ordonnance est communément perçue comme l'un des fondements du chabbat, et est elle-même à l’origine de volumineux développements sur sa bonne pratique. Le mouktse dans les sources juivesLes prémisses du mouktse dans les sources tannaïtiquesLe termeLe terme mouktse — de la racine קצ"י (ḳ-ṣ-y) ou קצ"ה (ḳ-ṣ-h) dont le sens premier est “trancher”[1] —, et ses déclinaisons apparaissent plus de cinquante fois dans les écrits des docteurs de la Mishna. Les deux sens qu’ils y ont, ne sont pas celui que leur donneront les docteurs du Talmud, en particulier babylonien : le premier est celui d'un animal « retranché » du service divin car consacré à l’idolâtrie (« du menu bétail, cela exclut la bête mouktsa » — Sifra Vayikra parasha 2:11), le second est celui d’une aire de séchage pour les figues (hébreu : קיץ ḳayṣ)[2] qui sert aussi à l'entrepôt de fruits, de la récolte, de bois, etc. (« Rabbi Eliezer a dit : on se tient sur le mouktse les veilles de shabbat [lors] de l’année sabbatique, en disant qu’on mangera de ce qu’il y a ici le lendemain » — mishna Beitsa (en) 4:7)[3]. C'est par extension de cette dernière acceptation qu’il désigne, dans le Talmud de Jérusalem, les fruits qu’on y a laissés à sécher, appelés ici mouktse sheyavash (« mouktse qui a séché ») ou mouktse degrogrot vetsimoukim (« mouktse des figues et raisins secs ») dans le Talmud de Babylone (Shabbat 45b). Ces fruits ne peuvent être utilisés ni même touchés lors des jours saints, à cause de la mauvaise odeur qu’ils dégagent (TJ Beitsa 4:1 [62b]), et servent de prototype à “tout ce qui n'est pas prêt à l'emploi ou en a été exclu”[4]. Le conceptBien que la règle ne figure pas dans la Mishna (compilation de la loi orale en cours à l'ère du Second Temple qui sert de base aux Talmuds), elle est énoncée dans son « Complément, » la Tossefta : « Tout ce qui est de ce qui est prêt (min hamoukhan), on le déplace et tout ce qui n'est pas de ce qui est prêt (eino min hamoukhan), on ne le déplace pas » (t. Shabbat 14:8). Il est également dit, deux articles plus loin : « Les bottes de paille, les bottes de bois et les bottes de brindilles, si on les a destinées au fourrage, on les déplace, et si on ne les a pas destinées, on ne les déplace pas » (t. Shabbat 14:10 ; la paille est cependant déplacée sans restriction pour enfouir les plats afin d'en conserver la chaleur (he) mais celle qui remplit la couche du lit, doit avoir été recouverte d'un drap ou d'un coussin pour être manœuvrée — m. Shabbat 4:1-2 et m. Shabbat 20:5). Ce concept de préparation à l'emploi et au déplacement, est tributaire d'une lecture tannaïtique d'Exode 16,5 (« Le sixième jour (he), lorsqu’ils prépareront ce qu’ils auront apporté ») qui ne se trouve cependant pas dans les Collections de Rabbi Ishmaël ni de Rabbi Shimon[5]. Les Tannaïm, autorités citées dans la Mishna et la Tossefta, en ont élargi le sens, de même que l'ensemble des courants juifs de la période du Second Temple, pour autoriser l'emploi et le déplacement d'aliments et de fourrage (m. Shabbat 18:1, t. Beitsa 1:3) mais aussi de matériaux (m. Shabbat 4:1-2) et d'objets, récipients comme outils, si on leur trouve un emploi permissible, quand bien même ce ne serait pas leur fonction originale (les sources tannaïtiques décrivent ici un processus d'allègement progressif : ne sont originellement déplaçables que trois outils requis pour la table car les réprimandes d'Isaïe 58,13, Jérémie 17,21-22 et Néhémie 10,32 & 13,15-19 contre le transport de charges le chabbat, résonnent encore[6] mais les rabbins, adoptant progressivement une définition relativement large de ce qui constitue un usage permissible, finissent par autoriser d'utiliser et déplacer un maillet pour casser des noix, une hache pour couper un gâteau de figues, une scie pour découper du fromage, une bêche pour ramasser des figues sèches, un roseau ou la navette d’un fuseau pour saisir les aliments, etc. Seuls certains outils très spécifiques comme une grande scie ou un soc de charrue demeurent interdits ; l'école de Hillel permet en outre le transport dans le domaine public (en) d'un pilon ou d'une peau de bête lors des jours saints, même sans en faire usage, et le déplacement d'objets dans l'espace domestique à chabbat, même sans usage spécifique — m. Shabbat 17:2-3 et m. Beitsa 1:5, t. Shabbat 14:1). Les loisIl ressort de l'ensemble des sources tannaïtiques qu'on considère comme moukhan ce qui est en état d'être utilisé à l'orée du chabbat ou du jour saint, pour un usage permissible et communément accepté, et ce pour autant que l'usage et le déplacement de la chose ne contreviennent à aucun interdit légal[8]. Cette lecture est cependant tributaire de l'interprétation de ces lois par les docteurs du Talmud, et d'autres sont possibles : les articles du premier chapitre de la Mishna Beitsa, pourraient ainsi suivre l'ordre chronologique des actions au cours de la journée (sainte) : apport d'une échelle au poulailler, sélection de la volaille ou la bête destinée à l'abattage, ouverture de la boutique, abattage de l'animal, récupération de sa peau (he) après dépouillement (he), prélèvement des portions de la viande réservées aux prêtres (en), préparation des condiments, tri des grains (he) et envoi d'aliments pour réjouir les amis[9]. Ce qui est en état d'être utilisé à l'orée du chabbat ou du jour saint, exclut notamment l'œuf pondu le jour saint (mishna Beitsa 1:1), l'eau laissée à découvert en raison des risques qu'elle est censée faire peser sur la santé (t. Shabbat 14:7), etc. Moukhan apparaît aussi dans deux occurrences inhabituelles, la mishna Shabbat 17:1 qui permet de déplacer, sans faire mention d'un quelconque emploi, les meubles et leurs portes, et la mishna Keilim 28:2 qui utilise le terme comme critère de pureté ou impureté rituelle pour des chiffes de petites dimensions, alors que l'état de pureté n'influe pas sur la possibilité de déplacer une tige creuse pour olives pourvue ou non d'un nœud (m. Shabbat 17:4)[11]. Notes et références
AnnexesBibliographie
|
Portal di Ensiklopedia Dunia