Lekha Dodi

Partition de Lekha dodi, d'après la Jewish Encyclopedia.

Lekha dodi (en hébreu : לכה דודי, « Va, mon bien-aimé ») est un cantique de la liturgie juive, chanté à la synagogue le vendredi soir à la tombée de la nuit en vue d'accueillir la « fiancée chabbat » avant l'office du soir.

Histoire

Ce chant fut composé au XVIe siècle à Safed, alors partie de l'Empire ottoman, par le kabbaliste Salomon Alkabetz un Juif de Salonique sépharade et se répandit très rapidement au sein de la grande majorité du monde juif chaque communauté adaptant son air. Ainsi il existe des versions séfarades, ashkénazes voire judéo-provençales de ce chant.

Comme il était courant à cette époque, le chant est aussi un acrostiche, avec la première lettre des huit premières strophes formant le nom de l'auteur. L'auteur tire une grande partie de sa phraséologie de la prophétie d'Isaïe de la restauration d'Israël, et six de ses versets sont remplis de pensées auxquelles donne naissance sa vision d'Israël comme l'épouse en ce grand chabbat de délivrance messianique. C'est un des derniers poèmes en hébreu, adoptés dans la liturgie aussi bien par les séfarades, dont fait partie l'auteur, que par les Ashkénazes.

Ancienne mélodie espagnole

Parmi les communautés séfarades, l'hymne est chanté universellement selon une mélodie beaucoup plus ancienne que le texte même de Lekha Dodi. On retrouve dans de vieux livres de prières que ce chant doit être interprété selon la mélodie de Shuvi Nafshi li-Menukhayekhi, une composition de Juda Halevi, mort près de cinq siècles avant Alkabetz. Cette mélodie a été introduite en Israël par des Juifs expulsés d'Espagne en 1492. L'hymne est chanté par l'ensemble des fidèles, le refrain ne servant que d'introduction. À l'opposé, dans les synagogues ashkénazes, les strophes sont chantées de façon élaborée par le Hazzan, et le refrain repris comme réponse par les fidèles.

Anciennes mélodies allemande et polonaise

À certaines périodes de l'année, de nombreuses communautés d'Europe centrale abandonnent des arrangements plus récents en faveur de deux mélodies plus anciennes, rappelant des chansons folkloriques des XVIIe et XVIIIe siècles d'Allemagne et de Pologne. L'air le plus connu, réservé à la période de l'Omer, entre Pessa'h et Chavouot, a été diversement décrit, car certaines de ses tonalités se retrouvent dans la célèbre marche politique "Lillibullero" attribuée à Henry Purcell et dans la cavatine au début des Noces de Figaro de Mozart. Mais c'est dans une chanson populaire allemande de la fin du XVIIe siècle que l'on retrouve les ressemblances les plus marquées et cela tout au long du chant.

Moins utilisée de nos jours, la mélodie traditionnelle, spéciale pour les trois semaines précédant le jour de deuil de Tisha Beav (9 Av), est caractérisée par un charme plus suave, absent de la mélodie d'Eli Tziyyon, qui souvent la remplace. Autrefois, elle était ordinairement chantée dans les communautés d'Europe, et c'est une de ses variantes que Benedetto Marcello choisit pour son interprétation du Psaume XIX dans son "Estro Poetico-Armonico" ou "Parafrasi Sopra li Salmi" publiée à Venise en 1724-1727, où il mentionne pour origine, un air des Juifs allemands. Le chantre Eduard Birnbaum (1855-1920, dans son œuvre liturgiques "Der Jüdische Kantor" publiée après sa mort en 1927-1931, mentionne avoir retrouvé la source de cette mélodie dans un chant folklorique polonais, "Wezm ja Kontusz, Wezm", découvert dans la compilation d'Oskar Kolberg, "Piesni Ludu Polskiego", publiée à Varsovie en 1857.

Une ancienne mélodie, ayant aussi son origine dans une chanson folklorique, était privilégiée à Londres, aux XVIIe et XIXe siècles, et se chantait de deux façons légèrement différentes dans les vieilles synagogues de la ville. Les deux formes sont décrites par Isaac Nathan dans son arrangement des "Hebrew Melodies" (Mélodies hébraïques) de Byron (Londres 1815), ou elles constituent l'air sélectionné pour "She Walks in Beauty", la première strophe de la série. La mélodie est depuis tombée en désuétude dans les communautés juives d'Angleterre et d'ailleurs.

Texte

La version complète de la chanson n'est en général pas chantée dans les synagogues libérales qui omettent les versets 3; 4; 6; 7; et 8 qui font référence à la conception orthodoxe de la rédemption messianique:

# Traduction française Translittération Hébreu
Refrain:
1 Viens, mon bien-aimé, au-devant de la fiancée, Lechah dodi likrat kallah לכה דודי לקראת כלה
2 Allons accueillir le Chabbat.. pnei Shabbat nekabelah פני שבת נקבלה
1er couplet:
3 « Observe » et « souviens-toi » : c’est en une seule parole, Shamor ve-zachor be-dibur echad שמור וזכור בדבור אחד
4 [que] le Dieu Un et Unique nous fit entendre hishmianu E-l hameyuchad השמיענו אל המיחד
5 L’Éternel est Un et son Nom est Un, Adonai echad ushemo echad יי אחד ושמו אחד
6 A Lui Honneur, Gloire, Louange!. Le-Sheim ul-tiferet ve-li-t'hilah לשם ולתפארת ולתהלה
2e couplet:
7 A la rencontre de Chabbath empressons-nous, Likrat Shabbat lechu ve-nelechah לקראת שבת לכו ונלכה
8 Car il est la source de toute bénédiction. ki hi mekor haberachah כי היא מקור הברכה
9 Consacré dès les temps les plus lointains, merosh mikedem nesuchah מראש מקדם נסוכה
10 Clôt la Création, mais pensé dès l'origine [par le Créateur]. sof ma'aseh be-machashavah techilah סוף מעשה במחשבה תחלה
3e couplet:
11 Sanctuaire du Roi, Ville royale, Mikdash melech ir meluchah מקדש מלך עיר מלוכה
12 Debout, relève-toi de tes ruines ! Kumi tze'i mitoch ha-hafeichah קומי צאי מתוך ההפכה
13 Trop longtemps tu es demeurée dans la vallée des pleurs. Rav lach shevet be-eimek habacha רב לך שבת בעמק הבכא
14 Mais voici que Lui éprouve pour toi de la compassion. ve-hu yachamol alayich chemlah והוא יחמול עליך חמלה
4e couplet:
15 Secoue la poussière, relève-toi ! Hitna'ari me-afar kumi התנערי מעפר קומי
16 Revêts, Mon peuple, les vêtements de ta splendeur ! Liv-shi bigdei tifartech ami לבשי בגדי תפארתך עמי
17 Par le fils de Jessé, de Bethléhem, Al yad ben Yishai beit ha-lachmi על יד בן ישי בית הלחמי
18 Mon âme voit s'approcher d'elle le salut. Korvah el nafshi ge-alah קרבה אל נפשי גאלה
5e couplet:
19 Réveille-toi, réveille-toi ! Hitoreri hitoreri התעוררי התעוררי
20 Car ta lumière est venue ! Lève-toi, resplendis ! Ki va oreich kumi ori כי בא אורך קומי אורי
21 Dresse-toi, dresse-toi, entonne un cantique ! Uri uri shir dabeiri עורי עורי שיר דברי
22 Car la gloire de l’Éternel resplendit sur toi. Kevod Ado-nai alayich niglah כבוד יי עליך נגלה
6e couplet:
23 Ne sois plus humiliée, et ne sois plus méprisée ! Lo teevoshi ve-lo tikalmi לא תבושי ולא תכלמי
24 Pourquoi soupirer, pourquoi gémir? Mah tishtochachi u-mah tehemi מה תשתוחחי ומה תהמי
25 Chez toi les pauvres de mon peuple trouveront refuge, bach yechesu aniyei ami בך יחסו עניי עמי
26 et voici que la Ville sur ses ruines sera rebâtie. ve-nivnetah ir al tilah ונבנתה עיר על תלה
7e couplet:
27 Et tes ennemis à leur tour seront foulés aux pieds, Ve-hayu limshisah shosayich והיו למשסה שאסיך
28 Tous tes oppresseurs seront chassés. Ve-rachaku kol mevalayich ורחקו כל מבלעיך
29 Ton Dieu Se réjouira enfin de toi, Yasis alayich E-lohayich ישיש עליך אלהיך
30 Comme le fiancé de sa fiancée. Kimsos chatan al kalah כמשוש חתן על כלה
8e couplet:
31 À droite et à gauche débordera ta joie, Yamin u-smol tifrotzi ימין ושמאל תפרוצי
32 Et le Seigneur tu révéreras. Ve-et Ado-nai ta'aritzi ואת יי תעריצי
33 Grâce à celui qu'on nomme le fils de Péretz Al yad ish ben Partzi על יד איש בן פרצי
34 Nous nous réjouirons et nous exulterons. Ve-nismechah ve-nagilah ונשמחה ונגילה
9e couplet:
35 Sois la bienvenue, toi, couronne de ton Époux; Boi ve-shalom ateret ba'alah בואי בשלום עטרת בעלה
36 Viens, dans la joie et l’allégresse, Gam be-simchah u-ve-tzahalah גם בשמחה ובצהלה
37 Au milieu des fidèles du peuple élu, Toch emunei am segulah תוך אמוני עם סגלה
38 Viens, ma fiancée, viens, ma fiancée! Bo-i chalah boi chalah בואי כלה בואי כלה
Dans le rite séfarade, le dernier couplet est récité ainsi:
9e couplet:
35 Sois la bienvenue, toi, couronne de ton Époux; Boi ve-shalom ateret ba'alah בואי בשלום עטרת בעלה
36 Viens, dans la joie et l’allégresse, Gam be-simchah be-rina u-ve-tzahalah גם בשמחה ברינה ובצהלה
37 Au milieu des fidèles du peuple élu, Toch emunei am segulah תוך אמוני עם סגלה
38 Viens, ma fiancée, viens, ma fiancée! Bo-i chalah boi chalah בואי כלה בואי כלה
39 Au milieu des fidèles du peuple élu, Toch emunei am segulah תוך אמוני עם סגלה
40 Viens ma fiancée! Oh "Reine du Chabbat"! Bo-i chalah Shabbat malketa בואי כלה שבת מלכתא

Dans la culture populaire

Dans le film Les Aventures de Rabbi Jacob, Salomon (Henri Guybet), le chauffeur de Victor Pivert (Louis de Funès), chante le début de Lekha Dodi après avoir déclaré à son patron qu'il refusait de travailler car le chabbat venait de commencer.

Discographie

Ce chant, par son importance dans la liturgie et dans l'estime des fidèles juifs, a été enregistré par de nombreux Hazzans[1], [2],[3],[4](chantres) et chef de chœur de synagogues, avec des tirages plus ou moins confidentiels.

Ci-dessous, quelques enregistrements faisant l'objet de vente dans les circuits normaux de distribution:

  • Noa: Genes and Jeans; Label: Decca;; ASIN: B0013FDTYK
  • Abayudaya Congregation: Abayudaya: Music from the Jewish People of Uganda; solo: J.J. Keki; label: Smithsonian Folkways Recordings; ; ASIN: B00236ADL0
  • Paul Shapiro: It's in the twilight; Label: Tzadik; ; ASIN: B000CQNVVM
  • Andy Statman: Avodas ha Levi; Label: Tzadik; ; ASIN: B0008191M4
  • Giora Feidman: klezmer celebration; Arrangement: Joe Basar; Label: Mosaic Music Distribution; ; ASIN : B00000B78H
  • Golden Voices of Israel Sing and Pray for Sabbath; Chanteur: Leib Glantz; Label: Israel Music; ; ASIN : B00005LZV8
  • Reb Alter: Lecha Dodi – Shabbos; Label: Aderet Music; ASIN: B002YPC5NE
  • Chants Pour La Synagogue; Vol 2; Basse: Gottfried Hermann; Ensemble: Cantemus Choir; Orgue, Piano: Raymond Goldstein; Label: Koch International Classics; ; ASIN : B0000061KW

Notes et références

Annexes

Source

Bibliographie

  • (en): Reuven Kimelman: The Mystical Meaning of "Lekhah Dodi" and "Kabbalat Shabbat"; The Hebrew University Magnes Press et Cherub Press; 2003

Liens externes