Monastère bénédictin de Kep

Monastère bénédictin de Kep
Le monastère bénédicitin de Kep était installé en bordure de mer, le long de la côte d'Opale.
Le monastère bénédicitin de Kep était installé en bordure de mer, le long de la côte d'Opale.

Ordre Bénédictin
Abbaye mère La Pierre-qui-Vire
Fondation 1952
Fermeture 1975
Diocèse Phnom-Penh
Fondateur Ernest Drouet (Prieur)[1] et quatre autres moines
Localisation
Pays Drapeau du Cambodge Cambodge
Ville Kep

Le monastère bénédictin de Kep appelé également monastère de la mer Tranquille[2] (Santa-sakor-aram[3] en phonétique cambodgienne) était un monastère bénédictin situé au Cambodge dans la ville de Kep[4].

Il fut fondé par des moines de l’Abbaye Sainte-Marie de la Pierre-qui-Vire en 1952 et détruit par les Khmers rouges[5],[6] en 1975.

Il s’agissait du dernier ordre catholique à être arrivé au Cambodge avant la prise du pays par les Khmers rouges[7] et l’éradication de toute présence religieuse qui s’est ensuivie.

Historique

Origine

Le père Joseph Chhmar Salas, en procession dans la cloître du monastère, remplit le rôle de prêtre assistant, dans la célébration de la grand messe solennelle, après l'ordination d'un des moines portant la tonsure.

En 1950, l’Abbaye Sainte-Marie de la Pierre-qui-Vire envoya quatre moines au Vietnam pour fonder une nouvelle communauté. Tentant une installation à Bình Đại (en) en Cochinchine au Viêt Nam dans la province de Bến Tre, la communauté ne resta finalement que deux ans avant de s'installer en 1952 au Cambodge avec un frère bénédictin vietnamien[1].

Kep, sous la juridiction catholique du Vicariat apostolique de Phnom-Penh avec à sa tête Mgr Jean-Baptiste Chabalier des Missions étrangères de Paris[8], fut alors choisie pour être la troisième fondation bénédictine en Asie après celle de sur les hauts-plateaux de Dalat en 1936 supprimée en 1856, et celle de Thien An près de Hué en 1940[9]. Un père spiritain fit don de son terrain[10]. Mgr Jean-Baptiste Chabalier désirait une présence monastique chrétienne dans un pays profondément imprégné par le monachisme bouddhiste[1],[N 1] afin d' "accoutumer le monachiste chrétien en pays khmer"[12].

Le monastère devint un prieuré[13] quelque temps après l'installation des moines, étant ainsi subordonnée à l'Abbaye Sainte-Marie de la Pierre-qui-Vire et rattachée à la province française de la Congrégation de Subiaco[14].

En 1967, face à l'évolution des évènements au Vietnam et au Cambodge, la retraite annuelle des frères de Kep est prêchée sur le thème du martyre dans la tradition monastique[15].

De 1970 à 1975

Mgrs Yves Ramousse et Paul Tep Im Sotha concélébrant la Sainte Eucharistie en langue khmère à la chapelle du monastère de Kep après la réforme liturgique du Missel de 1970.

Au début de l’année 1970, la communauté comptait 19 moines et une dizaine de postulants (en), répartis en quatre nationalités : française (dont un prêtre des Missions étrangères de Paris[16]), vietnamienne, chinoise et khmère. Quatre moines et trois postulants étaient khmers[17]. Pour Dom Jean Leclercq, il s'agissait là d'une certaine "pentecôte cambodgienne"[18].

Durant la République khmère instaurée par Lon Nol le , de nombreuses persécutions anti-vietnamiennes traversèrent le pays[19], affectant considérablement l'Église catholique au Cambodge, essentiellement composée de Vietnamiens[N 2]. Tous les moines d’origine vietnamienne furent alors contraints de quitter le Cambodge. Il ne restait que onze moines, français et khmers, dans le monastère[20].

Devant la situation dramatique engendrée par la guerre civile cambodgienne, les moines quittèrent Kep pour se réfugier au Grand Séminaire de Phnom Penh[N 3].

La fin

Le , Mgr Yves Ramousse, vicaire apostolique de Phnom Penh depuis 1963, célébra une dernière messe dans la cathédrale de Phnom Penh et ordonna Joseph Chhmar Salas évêque coadjuteur de Phnom Penh. Les moines furent présents à cette cérémonie[21].

Le , lors de la prise de Phnom Penh par les Khmers rouges, les moines furent emmenés à Prek Phneou, à quelques kilomètres au nord de Phnom Penh. Les Khmers Rouges séparèrent les moines français des moines khmers[22].

Tous les moines non khmers furent alors forcés de quitter le pays sous peine d’être tués[23] et partirent pour le Viêt Nam ou la France[24].

Depuis 1975

Il ne reste plus rien du monastère de Kep, celui-ci ayant été rasé par les Khmers rouges, si ce n’est une partie du porche de l’entrée de la chapelle. Un orphelinat d’Enfants d’Asie a été construit sur les ruines[25].

Les moines survivants ne sont jamais revenus au Cambodge[N 4],[N 5], à l'exception d'un frère, actuellement moine de l'Abbaye Saint-Guénolé de Landévennec, venu y célébrer une messe en 2019 pour le 50e anniversaire de sa profession religieuse, qu'il avait faite en ce monastère de Kep. Il est actuellement (en 2020) le dernier survivant de la communauté de Kep.

Inculturation au Cambodge

Rapprochement du monastère avec le milieu khmer

Dans les années 1960, sous l'impulsion du Concile Vatican II et de Mgr Yves Ramousse, l’Église catholique présente au Cambodge, cherchait à mieux se faire connaître auprès des populations khmères par le biais de l'inculturation. Le monastère créa une série de chants religieux en Khmer, une première pour un pays habitué à avoir des chants vietnamiens ou français[26].

Le monastère comprenait, au cours de son existence, quatre religieux khmers : un prêtre et trois frères profès et chercha à mieux connaître le Bouddhisme notamment par le dialogue et la rencontre avec les moines bouddhistes[N 6],[27].

Sa notoriété s'accrut auprès des bouddhistes surtout durant la guerre civile cambodgienne[28].

Le père Jean Badré

Le père Jean Badré fut moine au Monastère bénédictin de Kep. Dans les années 1960, avec l'accord de la communauté, il quitta le monastère pour tenter de fonder un monastère à Chomnom, village situé près de Battambang[27], afin d'expérimenter un type de vie monastique plus proche des populations cambodgiennes locales[29]. Étant le seul moine français choisissant de rester au Cambodge après la prise du pays par les Khmers rouges, il fut assassiné, en même temps que le Préfet apostolique de Battambang de l'époque, Mgr Paul Tep Im Sotha, par les Khmers rouges le , près de la frontière thaïlandaise[30].

Procès de béatification

Le , Mgr Olivier Schmitthaeusler, vicaire apostolique de Phnom Penh depuis 2010, a ouvert le processus de béatification de trente-cinq personnes chrétiennes mortes sous le régime des Khmers rouges[31]. Parmi ces personnes figurent quatre moines bénédictins de Kep : le père Bernard Chhim Chunsar (ប៊ែណា ជីមជុនសា), deux frères profès, Dany Seng Nimith (ដានី សេងនិមិត្តរំដួល) et André Rath Rumchuor (អានតេរេ ស៊ុនស៊ូរ៉ាវី) et le père Jean Badré[32].

Bibliographie

  • Arnaud Dubus, Cambodge. La Longue Marche des chrétiens khmers, Chambray-lès-Tours, Éditions CLD, 2004
  • François Ponchaud, La Cathédrale de la Rizière - 450 ans d’histoire de l’Église au Cambodge, Paris, Le Sarment-Fayard, 1990 (réédité en 2006 aux éditions CLD)
  • François Ponchaud, L’Impertinent du Cambodge - Entretiens avec Dane Cuypers, Paris, Magellan & Cie, 2013

Notes et références

Notes

  1. Encore de nos jours, le bouddhisme Theravada est pratiquée par plus de 95 % de la population[11].
  2. 60 000 catholiques quittèrent le Cambodge pour le Viêt Nam. Il ne restait, à la suite de ces persécutions, que 5 000 catholiques au Cambodge. (G. Vogin, octobre 2014). 1989-2014 : Renaissance de l’Église au Cambodge. Missions étrangères de Paris. Vol 498, p. 21-29)
  3. Ce séminaire ouvert en 1964, achevé d'être construit en 1966, a fermé à partir de 1970 à la suite des violences anti-vietnamiennes sous Lon Nol. Un séminaire a été construit en 1998 à Phnom Penh mais sur un autre site. (V. Sénéchal, octobre 2015). Former des prêtres au Cambodge : un acte de foi malgré l'adversité. Missions étrangères de Paris. Vol 509, p. 45-59)
  4. Les chrétiens au Cambodge obtiennent officiellement la liberté religieuse en 1990 (Ponchaud 1995) p. 207
  5. En 2015, trois prêtres au Cambodge ont cherché à refonder un monastère bénédictin contemplatif en effectuant des séjours dans deux abbayes bénédictines en France. Le projet n'a finalement pas abouti. (B. Cosme, octobre 2016), Septembre 2015-septembre 2016. Un chemin de réflexion. Missions étrangères de Paris, Vol. 520, p. 64-66)
  6. « Dans le bouddhisme, selon ses formes variées, l’insuffisance radicale de ce monde changeant est reconnue et on enseigne une voie par laquelle les hommes, avec un cœur dévot et confiant, pourront acquérir l’état de libération parfaite, soit atteindre l’illumination suprême par leurs propres efforts ou par un secours venu d’en haut ». Paul, Évêque, Serviteur des serviteurs de Dieu, avec les Pères du Saint Concile, pour que le souvenir s'en maintienne à jamais. (28 octobre 1965). Déclaration sur les relations de l’Église avec les religions non chrétiennes. Nostra Ætate (En ligne) [Consulté le 24 novembre 2016]

Références

  1. a b et c Ponchaud, 1995, p. 126
  2. Sénéchal, 2015
  3. G. Ever, Zur Lage der Religionsfreiheit im Königreich Kambodscha (La liberté religieuse au royaume du Cambodge), 2004 (En ligne) [Consulté le 16 novembre 2016]
  4. Abbaye Sainte-Marie de la Pierre-qui-Vire, Connaître l'histoire de l'Abbaye (En ligne) [consulté le 16 novembre 2016]
  5. Bulletin EDA no 342, 2001 : Dimanche 9 décembre 2001, les ordinations sacerdotales de quatre jeunes diacres seront les premières ordinations de candidats au sacerdoce formés au Cambodge depuis près de 30 ans. (En ligne) [Consulté le 16 novembre 2016]
  6. Églises d'Asie, 2011 : Cambodge: Premières ordinations sacerdotales depuis trente ans. Dimanche 9 décembre, quatre nouveaux prêtres (En ligne) [Consulté le 16 novembre 2016]
  7. Y. Ramousse, Missions étrangères de Paris. Pays de mission. Le Cambodge (En ligne) [Consulté le 16 novembre 2016]
  8. Jean-Baptiste Chabalier, Archives des Missions étrangères de Paris (En ligne) [Consulté le 16 novembre 2016]
  9. Patrice Cousin, Précis d'histoire monastique, Bloud & Gay, (lire en ligne), p. 510
  10. Frère Ernest - Hugues Drouet, Nouvelles de la Pierre-qui-Vire, Vol 2, 2015, p. 20-24
  11. (en) United Nations Statistics Division, « Population by religion, sex and urban/rural residence », Cambodia * 2008, sur UNData (consulté le ).
  12. Les relations Eglises-Etat en situation poscoloniale, KARTHALA Editions, (ISBN 978-2-8111-3747-2, lire en ligne), p. 77
  13. Index K du DHGE, Revue d’histoire ecclésiastique. Louvain Journal of Church History (En ligne) [Consulté le 16 novembre 2016]
  14. C-J. Nesmy, Saint Benoit et la vie monastique, (1re édition), Bourges, « Maîtres spirituels », Seuil, 1959, p. 167
  15. (en) The American Benedictine Review, American Benedictine Review, Incorporated, (lire en ligne), p. 12
  16. André Hugueny, Archives des Missions étrangères de Paris (En ligne) [Consulté le 16 novembre 2016]
  17. Ponchaud, 1995, p. 127
  18. Jean Leclercq, Lettere di dom Jean Leclercq (1911-1993), Badia de Santa Maria del Monte, (lire en ligne), p. 1218
  19. Dubus, 2004, p. 9
  20. Ponchaud, 1995, p. 141
  21. Dubus, 2004, p. 33
  22. Ponchaud, 1995, p. 160
  23. K. Amel, Contemplation et dialogue : quelques exemples de dialogue entre spiritualités après le concile Vatican II, Swedish Institute of Mission Resaerch (En ligne) [consulté le 16 novembre 2016]
  24. Cosme, 2016
  25. Père Jean-Baptiste de la Pierre-qui-Vire, Cambodge. Monastère bénédictin de Kep,, juillet 2007.
  26. Dubus, 2004, p. 13
  27. a et b Ponchaud, 2013, p. 254
  28. M. Zago, Report on the sedos seminar on dialogue with buddhists, Sedos Bulletin no 17/83, 2016, p. 320-337 (En ligne) [Consulté le 16 novembre 2016]
  29. Ponchaud, 1995, p. 129
  30. Ponchaud, 1995, p. 167
  31. Églises d'Asie, Cambodge. Morts sous Pol Pot et bientôt béatifiés par l’Église, 2015 (En ligne) [Consulté le 16 novembre 2016]
  32. P. Chatsirey Roeung, Martyrs of Cambodia (1971-78), 2015 (En ligne) [Consulté le 16 novembre 2016]

Articles connexes

Sur l'Église catholique au Cambodge

Sur le monachisme bénédictin

Liens externes