Meurtre de journalistes pendant la guerre Israël-HamasLe meurtre de journalistes pendant la guerre Israël-Hamas, ainsi que d’autres actes de violence contre les journalistes, marquent la période la plus meurtrière pour les journalistes dans le conflit israélo-palestinien depuis 1992 et le conflit le plus meurtrier pour les journalistes au XXIe siècle[1]. Selon le Comité pour la protection des journalistes, au 5 avril 2024, le conflit à Gaza, en Israël et au Liban a coûté la vie à 108 journalistes palestiniens, 3 journalistes libanais et 2 journalistes israéliens[note 1]. Un décompte effectué en juillet 2024 par le bureau des médias du gouvernement de Gaza estime à 160 le nombre de journalistes palestiniens tués[3],[4],[5],[6],[7]. Le 30 janvier 2024, selon le chef du Comité pour la protection des journalistes, « la guerre d’Israël contre Gaza est plus meurtrière pour les journalistes que toute autre guerre précédente »[8],[9]. Les frappes aériennes israéliennes ont également endommagé ou détruit environ 48 installations médiatiques à Gaza[10]. Selon Reporters sans frontières, l'armée israélienne a délibérément pris pour cible des journalistes palestiniens et libanais[10]. Le Guardian déclare que contrairement au droit international, Israël a ciblé des journalistes palestiniens affiliés au Hamas malgré leur non-implication dans les combats, contestant ainsi le démenti d'Israël d'avoir ciblé des reporters[11] En 2023, près de 75 % des journalistes tués dans le monde sont des Palestiniens morts dans la guerre d’Israël à Gaza[12],[11]. Pertes humainesAu 9 août 2024, plus de 41 000 personnes (39 677 Palestiniens[13] et 1 478 Israéliens[14],[15],[16],[17],[18],[19]) auraient été tuées dans la guerre entre Israël et le Hamas, dont 113 journalistes (108 Palestiniens, 2 Israéliens et 3 Libanais)[20] et plus de 224 travailleurs humanitaires, dont 179 employés de l'UNRWA[21]. La grande majorité des victimes se trouvent dans la bande de Gaza où, selon un rapport du Centre palestinien de recherche sur les politiques et les enquêtes, plus de 60 % des Gazaouis ont perdu des membres de leur famille depuis le 7 octobre[22]. Le bilan des décès rapporté par l'UNOCHA provient du ministère de la Santé de Gaza[23]. Le total des victimes comprend tous les décès signalés, tandis que la répartition démographique utilise uniquement les victimes avec des identités associées[24]. Selon le ministère de la Santé gazaoui (au 30 avril 2024) 24 686 victimes ont été spécifiquement identifiées par les hôpitaux, les membres de la famille et les rapports des médias[25]; parmi elles, 52 % sont des femmes et des mineurs, 43 % sont des hommes de plus de 18 ans et 5 % ne sont pas identifiées par âge ou sexe[26]. Le décompte du ministère n'inclut pas les personnes décédées de « maladies évitables, de malnutrition et d'autres conséquences de la guerre »[27]. Une analyse du Gaza Health Projections Working Group prédit des milliers de décès supplémentaires dus à des maladies et à des complications à la naissance[28]. Les attaques du 7 octobre contre Israël ont tué 1 139 personnes, dont 815 civils[29]. 251 autres personnes sont prises en otage lors de l'attaque initiale contre Israël[30],[31]. 479 autres Palestiniens, dont 116 enfants, et 9 Israéliens sont tués en Cisjordanie occupée (y compris Jérusalem-Est). Des victimes sont également recensées dans d'autres régions d'Israël, ainsi que dans le sud du Liban et en Syrie[32]. L'Association des journalistes arabes et du Moyen-Orient condamne le nombre élevé de victime tout en réaffirmant : « Prendre pour cible des journalistes est une violation flagrante de la liberté de la presse et du droit international des droits de l'homme »[33]. Selon le Comité pour la protection des journalistes : « Un nombre plus important de journalistes ont été tués au cours des trois premiers mois de la guerre entre Israël et Gaza que dans un seul pays sur une année entière »[34]. Journalistes tués par les forces israéliennesLe 7 octobre, la police israélienne endommage le matériel d'une équipe de télévision en reportage à Ashkelon[35]. Le même jour, le journaliste Omar Abu Shawish est tué à Gaza[36]. Les journalistes Mohammed El Salhi, Ibrahim Mohamed Lafi, Mohamed Jarghoun, Ibrahim Qanan, Nidal Al Wahidi et Haitham Abdelwahid ont également été victimes de diverses formes de violence ou ont disparu[37],[38],[39]. Le 10 octobre 2023, la frappe aérienne de la tour Hajji détruit un immeuble abritant des bureaux de journalistes, tuant au moins trois journalistes ainsi que des civils[40],[41],[42],[43]. Salam Khalil, responsable du Comité des femmes journalistes du Syndicat des journalistes de Gaza, est enterrée sous les décombres de sa maison avec sa famille lors d'une frappe israélienne le même jour et présumée morte. Elle sera ensuite retrouvée vivante avec ses enfants[44],[45]. En octobre, le journaliste de Reuters Issam Abdallah (en) est tué et six autres personnes sont blessées par l'armée israélienne dans le sud du Liban[46]. La conclusion d'un rapport de février 2024 de la force intérimaire des Nations Unies au Liban montre qu'un char israélien a tiré sur des « journalistes clairement identifiables », ce qui contrevient au droit international[47]. Le rapport « estime qu'il n'y avait pas d'affrontement au moment de l'incident », sans aucune trace d'un quelconque échange de tirs à travers la frontière pendant les 40 minutes précédant les tirs du char[47]. Tsahal affirme avoir riposté à des tirs du Hezbollah[47]. Le 17 novembre, la chaîne d'information turque TRT World diffuse des images montrant la police israélienne attaquant son équipe de rédaction, amenant le ministre turc des Communications Fahrettin Altun à la déclaration suivant : « Cette attaque odieuse ajoute un nouvel embarras au bilan d'Israël en matière de liberté de la presse »[48]. Le 19 novembre 2023, six professionnels des médias sont tués par les forces israéliennes en seulement 24 heures[49]. Le 3 décembre, selon le Comité pour la protection des journalistes, 54 journalistes palestiniens ont été tués dans la guerre jusqu'à présent[50]. Le 14 décembre, les Nations Unies annoncent que « Gaza semble être devenue l'endroit le plus meurtrier pour les journalistes – et leurs familles – dans le monde[51]». À la suite d'une attaque israélienne contre une tente de journalistes à l'hôpital al-Aqsa le 31 mars 2024, Al Jazeera English déclare : « Les journalistes ont été systématiquement pris pour cible tout au long de ce conflit »[52]. Journalistes tués par les forces palestiniennesQuatre journalistes et photographes israéliens sont tués le 7 octobre lors de l'attaque du Hamas contre Israël, dont Yaniv Zohar, photographe pour Israel Hayom, tué avec sa femme et ses deux filles lors du massacre de Nahal Oz[53]; Roy Edan, photographe pour Ynet, tué lors du massacre de Kfar Aza[54]; et deux rédacteurs tués lors du massacre du festival de musique de Re'im : Shai Regev, rédacteur en chef des informations sur le divertissement pour Ma'ariv[55], et Ayelet Arnin, rédactrice pour KAN[56]. Des photojournalistes israéliens circulant dans un convoi en direction de Réïm ont été attaqués par des militants du Hamas alors qu'ils documentaient la scène d'un des massacres[57]. Les journalistes ont été secourus par des réservistes de Tsahal après un échange de tirs qui a duré environ une demi-heure[57]. Autres violences contre les journalistesOutre les personnes tuées, disparues ou détenues, le Comité pour la protection des journalistes a reçu de nombreux rapports faisant état de dommages causés aux bureaux et aux domiciles de journalistes, et estime que « 48 installations médiatiques à Gaza ont été touchées ou détruites »[33]. Le 5 février 2024, un journaliste palestinien partage des images authentifiées d’un immeuble résidentiel en feu dans le quartier d’Al-Amal à Khan Younès, Israël ayant ciblé les maisons de deux journalistes[58]. À Gaza, Mohammed Balousha, un journaliste ayant révélé l'histoire des bébés prématurés morts à l'hôpital Nasser, est blessé par balle par l'armée israélienne[59]. Selon la journaliste Hossam Shabat, l'armée israélienne a menacé de bombarder sa maison s'il ne quittait pas Beit Hanoun[60]. Le 29 décembre, deux journalistes d'Al Jazeera en Cisjordanie sont agressés et battus par des soldats israéliens[61]. Le gouvernement canadien annonce qu'un journaliste et travailleur humanitaire canadien, Mansour Shouman, est porté disparu, celui-ci étant probablement détenu ou décédé lors de son évacuation de Khan Younès vers Rafah[62][note 2]. Un journaliste perd une jambe à la suite d'un tir de sniper en février 2024[64]. Des images de l'agence de presse Shehab montrent des journalistes pris pour cible par des tirs israéliens dans la ville de Gaza le 20 février[65]. Le 27 février, le journaliste d'Al Jazeera Tareq Abu Azzoum évite de peu une attaque de drone israélien[66]. Ismail al-Ghoul, journaliste à l'hôpital Al-Shifa lors du raid israélien de mars 2024, déclare que les journalistes ont été déshabillés, forcés de s'allonger sur le ventre, les yeux bandés et interrogés au bout de douze heures[67]. En Israël, une foule d'extrême droite a pris d'assaut le domicile du journaliste israélien Israel Frey après avoir dédié une prière aux victimes de la guerre à Gaza, menaçant également sa famille[33],[68]. En juin 2024, des journalistes sont agressés par des Israéliens d’extrême droite lors de la marche du Jour de Jérusalem[69],[70]. Réponse et enquête internationalesSelon Lucciano Zaccara, professeur à l'université du Qatar, « dans aucune zone de conflit il n'existe une situation semblable à celle-ci »[71]. Le ministère jordanien des Affaires étrangères appelle la communauté internationale à mettre fin aux abus israéliens contre les journalistes[72]. Jeremy Scahill déclare qu'Israël « tue systématiquement les journalistes palestiniens »[73]. « Les journalistes à Gaza doivent être protégés », pointe la ministre belge des Affaires étrangères Hadja Lahbib[74]. Selon Hassan Barari, professeur d'études internationales à l'université du Qatar, « Tsahal cible les correspondants d'Al Jazeera simplement parce qu'ils veulent les faire taire »[75]. Adil Haque, professeur de droit à l'université Rutgers, commente la déclaration d'un porte-parole de Tsahal selon laquelle il n'y a « aucune différence » entre travailler pour le réseau de médias Al-Aqsa et appartenir à la branche armée du Hamas. Il qualifie la notion avancée par le porte-parole de « malentendu total ou simplement de mépris volontaire du droit international […] Si un journaliste ne fait pas partie de la branche militaire du Hamas, s'il n'est pas un combattant par rôle ou par fonction, alors il est un civil, à moins qu'il ne participe directement aux hostilités ». Haque ajoute : « Il est choquant d'entendre qu'un membre de l'armée révèle ouvertement et publiquement soit son ignorance, soit son mépris de ce principe fondamental »[76]. L'armée israélienne a ensuite publié une déclaration se distanciant des commentaires du porte-parole[76]. En février 2024, après une frappe de drone israélienne ayant gravement blessé plusieurs correspondants d'Al Jazeera, le porte-parole du secrétaire d’État américain déclare « continuer à dialoguer avec le gouvernement israélien pour faire comprendre que les journalistes doivent être protégés »[77]. Le comité de rédaction du Financial Times écrit à propos des journalistes palestiniens à Gaza : « Le rôle des courageux journalistes qui informent le monde de ce qui se passe devient de plus en plus important. Pourtant, ils endurent également d’incroyables souffrances et des pertes effroyables »[78]/ Le 29 février 2024, plus de 30 organisations de presse, dont l’Associated Press, l'Agence France-Presse et Reuters, signent une lettre ouverte en solidarité avec les journalistes de Gaza[79]. « Je suis profondément troublé par le nombre de journalistes tués dans ce conflit » partage le secrétaire général des Nations Unies, Antonio Guterres[80]. En août 2024, le HCDH condamne le meurtre des journalistes d’Al Jazeera Ismail Al-Ghoul et Rami Al-Rifi, communiquant : « Les journalistes palestiniens jouent un rôle essentiel en informant le monde de la réalité à Gaza, où Israël n’a pas autorisé les journalistes internationaux à entrer. Réduire au silence les journalistes palestiniens occulte la réalité choquante de Gaza »[81]. FunéraillesLes funérailles des journalistes tués ont lieu dans leurs pays respectifs. Au Liban, un grand rassemblement a assisté aux funérailles d'Issam Abdallah (en) dans sa ville natale. Son corps a été décoré d'un drapeau libanais et transporté de sa résidence familiale au cimetière voisin de la ville de Khiam, dans le sud du pays[82],[83],[84]. Notes et références
Voir aussiArticles connexes
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