Madeleine Delbrêl naît dans une famille peu croyante. Sa mère est issue d'une famille de la petite bourgeoisie provinciale. Son père et son grand-père sont cheminots[1]. Bien que baptisée enfant et catéchisée jusqu'à la première communion, elle passe sa jeunesse dans l'indifférence religieuse. Elle perd la foi à quinze ans au contact d'un cercle littéraire et philosophique libre penseur[2]. À l'âge de dix-sept ans, sa profession d'athéisme est radicale et profonde mais, en trois ans, à la suite de la rencontre d'un groupe d'amis chrétiens et de l'entrée chez les dominicains de Jean Maydieu, l'homme qu'elle aimait, elle prend en considération la possibilité de Dieu[3].
Cette démarche, qu'elle fonde sur la prière et la réflexion, aboutit à la foi à l'âge de vingt ans[4]. Le , « éblouie par Dieu », lors d'un passage en l'église Saint-Dominique de Paris (Paris XIVe), elle se convertit.
Dès 1926 à la paroisse Saint-Dominique, elle entre dans le scoutisme chez les Scouts de France en tant que cheftaine de louveteaux[3]. Un temps elle est ACDL responsable de la formation de cheftaines[réf. nécessaire] dans le district de Paris-Sud[5]. Elle était totémisée Abeille Joyeuse et a rédigé un commentaire de la prière scoute. En 1932, elle participe au cours de cheftaine scoute au camp de Chamarande dirigé par le Père Jacques Sevin[6].
En 1927, elle décide de servir Dieu dans le monde et devient une des premières assistantes sociales[3]. Par le scoutisme, elle devient une assistante de service social très active ; elle s'installe avec quelques amies et travaille dans la banlieue ouvrière, rue Raspail à Ivry-sur-Seine, municipalité communiste[7]. Elle occupe une fonction d'assistante sociale au sein de la mairie communiste d'Ivry-sur-Seine. Elle noue une forte amitié avec le maire d'alors, Venise Gosnat. Elle est confrontée à l'athéismemarxiste, n'hésitant pas, à contre-courant, à annoncer l'Évangile. À l'instar des prêtres ouvriers de La Mission de France dont elle est proche, elle nourrit un dialogue exigeant avec les communistes. Elle fonde une communauté de jeunes femmes qui se sont nommées « la Charité », avant d'être connues comme « Équipes Madeleine Delbrêl ». Il s'agit non « d'y travailler pour le Christ », mais « d'y être le Christ » c’est-à-dire d’être soi-même entièrement amour et charité : « Personne sauf Jésus Christ n’a demandé à notre cœur d’aimer chacun de tous les hommes, de l’aimer jusqu’au bout et de l’aimer en toute chose. Mais quand un homme a été aimé de cet amour-là, il en garde le souvenir, et ce souvenir devient à son tour comme un pressentiment de l’amour même de Dieu[8]. » Le groupe s'attache à rencontrer les gens où ils vivent, à devenir leur ami, à les recevoir à domicile et à s'entraider.
En matière de travail social, elle rappelle la nécessité de développer des actions collectives en vue de faire évoluer les politiques sociales. Elle écrit en 1937 :
« Il est peut-être plus touchant de visiter, dans sa journée, cinq ou dix familles nombreuses, de leur obtenir à grand renfort de démarches tel ou tel secours ; il serait sans doute moins touchant mais plus utile, de préparer le chemin à tel texte légal qui améliorerait l’état familial de toutes les familles nombreuses connues ou inconnues de nous[9]. »
Quelques mois avant sa mort, en 1964, elle dit encore : « J'ai été et je reste éblouie par Dieu[10]. »
Commentaire
Selon Christophe Chaland, ses écrits révèlent « une très attachante personnalité humaine, d'abord. D'une extraordinaire capacité d'empathie, elle noue des relations personnelles dans tous les milieux. Elle s'engage à fond. Elle cultive la joie. Son humour est délicieux. Elle est libre. Elle dit ce qu'elle pense avec délicatesse mais fermement. Elle fait preuve d'une grande sûreté de discernement, d'une pensée rigoureuse. Sa personnalité spirituelle, sa théologie ont le même caractère : de solides fondations, de la vigueur et toujours ce centre qui unit tout : La Charité de Dieu manifestée dans le Christ[11]. »
En hommage à Madeleine Delbrêl, qui aimait les roses de son jardin, le diocèse de Créteil (Val-de-Marne) propose en 2020 un rosier spécialement créé pour l'occasion, nommé « Madeleine Delbrêl ». Ce rosier a été créé par le rosiériste Orard à Feyzin[15].
Publications
Par ordre alphabétique des titres, hors œuvres complètes :
Alcide : guide simple pour simples chrétiens, Seuil, coll. « Livre de vie », no 133, Paris, 1980 (ISBN2-02-005406-X)
Ampleur et dépendance du service social, Bloud et Gay, Paris, 1937
Communautés selon l'Évangile, Seuil, Paris, 1973 (préfacé par Guy Lafon)
La Femme et la maison, Les Éditions du Temps présent, Paris, 1941
Indivisible amour : pensées détachées inédites (textes choisis et présentés par C. de Boismarmin), Centurion, Paris, 1991. Bibliogr. p. 131-133 (ISBN2-227-34077-0)
La Joie de croire, Seuil, Paris, 1968 (recueil de textes écrits de 1935 à 1964 et partiellement extr. de diverses revues et publ., préfacé par Guy Lafon)
Madeleine Delbrêl. La Route, impr. et libr. Alphonse Lemerre, Paris, 1927. Prix Sully Prudhomme 1926
Missionnaires sans bateau - les racines de la mission, Parole et silence, Saint-Maur, 2000 (ISBN2-84573-019-5)
Nous autres, gens des rues - textes missionnaires, Seuil, coll. « Livre de vie », no 107, Paris, 1971
Veillée d'armes - aux travailleuses sociales, Bloud et Gay, coll. « Réalités du travail social », no 1, Paris, 1942
Ville marxiste, terre de mission - provocation du marxisme à une vocation pour Dieu…, deuxième édition augmentée avec une correspondance entre M. Delbrêl et Venise Gosnat et deux textes inédits, Cerf, coll. « Foi vivante », no 129, Paris, 1970. Réédition : Desclée de Brouwer, 1995 (ISBN2-220-03596-4)
Œuvres complètes
Les Éditions Nouvelle Cité ont publié entre 2004 et 2018 les œuvres complètes de Madeleine Delbrêl en 17 tomes :
Écrits professionnels (publiés de son vivant), vol. 1 : Profession assistante sociale, Bruyères-le-Châtel, Éd. Nouvelle Cité, , 411 p. (ISBN978-2-85313-520-7, présentation en ligne).
Denis Pelletier et Christine Garcette (préface/introduction) et Bernard Pitaud (postface), Écrits professionnels (textes inédits), vol. 2 : Le service social entre personne et société, Bruyères-le-Châtel, Éd. Nouvelle Cité, , 511 p. (ISBN978-2-85313-533-7, présentation en ligne).
Textes missionnaires, vol. 3 : La femme, le prêtre et Dieu : Au cœur du mystère intime de l'Église, Bruyères-le-Châtel, Éd. Nouvelle Cité, , 288 p. (ISBN978-2-85313-653-2, présentation en ligne).
Textes missionnaires, vol. 4 : La question des prêtres ouvriers : La leçon d'Ivry, Bruyères-le-Châtel, Éd. Nouvelle Cité, , 254 p. (ISBN978-2-85313-684-6, présentation en ligne).
Guy Lafon, « Avant-propos » [PDF] au livre de Madeleine Delbrêl, Communautés selon l'Évangile, Paris, Seuil, 1973, p. 7-23
Guy Lafon, « La Parole de Dieu et l'événement » [PDF], une lecture de la Joie de Croire, Paris, Seuil, 1968, donnée en juin 1998 auprès de l'association Les amis de Madeleine Delbrêl