Cette chanson est originellement envisagée pour Alain Delon (que Sardou rencontre lors du tournage de Paris brûle-t-il ?, le chanteur y faisant de la figuration) qui veut à cette époque enregistrer un disque. Pris par d'autres engagements, il décline la proposition[3]. Remarquée par ses paroles politiquement engagées, la chanson est censurée à la demande des autorités gaullistes et interdite de radio, à l'exception de RTL qui la diffuse. Elle vaut à Sardou, âgé de 20 ans, une petite notoriété, un premier succès d'estime et d'être catalogué comme un chanteur de droite alors que les chansons engagées dans les années 1960 penchent plutôt à gauche[4]. Malgré ce titre remarqué, sa carrière ne décolle pas et ses ventes de disque restent faibles.
En 1970, Sardou reprend le titre pour l'album J'habite en France, publié chez Philips. C’est aussi l’année des premiers grands succès de Sardou. Depuis, elle est devenue l’un des classiques du chanteur. La même année, Barclay réédite la chanson sur un 45 tours deux titres avec Petit[5].
Le terme « ricain » est un terme d’argot servant à désigner, de manière péjorative, les Américains dans le sens restrictif d’« habitants des États-Unis ».
Les paroles font explicitement référence au débarquement de Normandie, le , où l'engagement de 75 000 soldats américains sur les plages d'Omaha Beach et d'Utah Beach a ouvert la voie à la libération de la France métropolitaine au prix de 3 200 victimes :
« Si les Ricains n’étaient pas là
Vous seriez tous en Germanie
À parler de je ne sais quoi
À saluer je ne sais qui. »
Il est notamment question d’un soldat américain type, anonyme, qui est décrit comme
« un gars venu de Géorgie
Qui se foutait pas mal de toi
Est venu mourir en Normandie
Un matin où tu n’y étais pas. »
Les paroles font également part de l’ingratitude ou du manque de reconnaissance de certains Français (l'« amicale du fusillé » fait référence au Parti communiste français, qui s'est souvent présenté après 1944 comme le « parti des fusillés ») envers ses libérateurs[7] :
« À l’amicale du fusillé
On dit qu’ils sont tombés pour rien. »
Si les paroles sont politiquement engagées, l’interprétation scénique lors des tours de chant ne l’est pas moins puisque son interprète fait le salut fasciste pour illustrer A saluer je ne sais qui, geste interdit par la législation française, qui était en usage dans les pays occupés par l’Allemagne nazie, ainsi que le poing levé[8], salut en usage dans les pays de l’Europe de l’Est où le régime communiste a été imposé par l’Union soviétique. Le chanteur condamne à la fois l’occupation historique de la France par l’Allemagne nazie et une hypothétique occupation soviétique en cas de non intervention des américains en Normandie en .
Controverse
La chanson, devenue un classique du répertoire de Michel Sardou, a pourtant suscité la critique, et ce pour différentes raisons, toutes d’ordre idéologique, qui parfois s’additionnent[8].
Ainsi, les antifascistes accusent l’interprète de complaisance en exécutant le salut hitlérien durant le tour de chant, les antiaméricains accusent l’auteur d’atlantisme, les ex-collaborationnistes relativisent les méfaits de l’occupation allemande, les communistes dénoncent le caractère antisoviétique de l’interprétation par son assimilation du soviétisme au nazisme : à la fin du tour de chant l’interprète est bras tendu et enchaîne de la main le salut hitlérien avec le salut de Lénine en chantant
« Vous seriez tous en Germanie
À parler de je ne sais quoi
À saluer je ne sais qui » ;
Si les crimes d’Hitler sont établis dès 1946 avec le procès de Nuremberg, ce n'est qu’en 1956 que sont révélés les crimes de Staline. Quant aux gaullistes, ils dénoncent la minimisation de la participation française à la libération du pays[7].
Discographie
Il existe trois versions studio différentes du titre :
1967, 1re version de 2:15, diffusée en 45 tours chez Barclay : la chanson débute sur une intro instrumentale.
1970, 2e version de 2:26, l'album J'habite en France – chez Philips. Cette version débute et se conclut sur un enregistrement sonore diffusé en fond du « Sieg Heil ».
1989, 3e version, sur l'album Sardou 66, constitué de réenregistrements de ses premières chansons.