Les Amours jaunes est l'unique recueil de poésie du « poète maudit »[1]Tristan Corbière. Publié à compte d'auteur en 1873 chez Glady frères, éditeurs à Paris, il comprend la quasi-totalité de son œuvre en vers, soit 101 poèmes de taille et de forme diverses. L'impression, en 490 exemplaires, est payée par le père du poète, dédicataire de l'ouvrage. Certains exemplaires incluent un autoportrait que l'auteur a gravé à l'eau-forte[2]. Paru deux ans avant la mort du poète à l'âge de 29 ans, le livre passe totalement inaperçu.
Ces sections sont encadrées par deux poèmes qui font écho à la célèbre fable de La FontaineLa Cigale et la Fourmi. Elles sont dédicacées à l'unique muse du poète, Armida Josefina Cuchiani[4], que Corbière appelle Marcelle sans raison apparente.
La section finale, Rondels pour après, regroupe six berceuses funèbres d'une rare inspiration, telle cette pièce particulièrement prenante :
Il fait noir, enfant, voleur d'étincelles ! Il n'est plus de nuits, il n'est plus de jours ; Dors… en attendant venir toutes celles Qui disaient : Jamais ! Qui disaient : Toujours !
Entends-tu leurs pas ? … Ils ne sont pas lourds Oh ! les pieds légers ! – l'Amour a des ailes... Il fait noir, enfant, voleur d'étincelles ! Entends-tu leurs voix ? … Les caveaux sont sourds.
Dors : Il pèse peu, ton faix d'immortelles : Ils ne viendront pas, tes amis les ours[a] Jeter leur pavé[b] sur tes demoiselles[c]... Il fait noir, enfant, voleur d'étincelles !''
À Marcelle. Le Poète et la cigale
Ça (3 poèmes)
Ça ? ;
Paris
Bâtard de Créole et Breton ;
Là : vivre à coups de fouet ! — passer ;
Poète — Après ?... Il faut la chose : ;
J'aimais... — Oh, ça n'est plus de vente ! ;
C'est la bohème, enfant : Renie ;
Évohé ! fouaille la veine ;
Donc, la tramontane est montée : ;
Tu ris. — Bien ! — Fais de l'amertume, ;
Épitaphe.
Les Amours jaunes (24 poèmes)
À l’éternel Madame ;
Féminin singulier ;
Bohême de chic ;
Gente dame ;
1 Sonnet avec la manière de s'en servir ;
Sonnet à Sir Bob ;
Steam-Boat ;
Pudentiane ;
Après la pluie ;
À une rose ;
À la mémoire de Zulma, vierge-folle hors barrière et d'un louis ;
Bonne fortune et fortune ;
À une camarade ;
Un jeune qui s’en va ;
Insomnie ;
La pipe au poète ;
Le Crapaud ;
Femme ;
Duel aux camélias ;
Fleur d’art ;
Pauvre garçon ;
Déclin ;
Bonsoir ;
Le Poète contumace.
Sérénade des sérénades (14 poèmes)
Sonnet de nuit ;
Guitare ;
Rescousse ;
Toit ;
Litanie ;
Chapelet ;
Elizir d'amor ;
Vénerie ;
Vendetta ;
Heures ;
Chanson en Si ;
Portes et Fenêtres ;
Grand Opéra ;
Pièce à carreaux.
Raccrocs (21 poèmes)
Laisser-courre. Musique de Isaac Laquedem ;
À ma jument souris ;
À la douce amie ;
À mon chien Pope — gentleman-dog from Newland — mort d'une balle ;
À un Juvénal de lait ;
À une demoiselle. Pour piano et chant ;
Décourageux ;
Rapsodie du sourd ;
Frère et Sœur jumeaux ;
Litanie du sommeil ;
Idylle coupée ;
Le Convoi du pauvre ;
Déjeuner de soleil ;
Veder Napoli poi mori ;
Vésuves et Cie ;
Soneto a Napoli. All'sole, all'luna, all'sabato, all'canonico è tutti quanti. Con Pulcinella ;
À l'Etna ;
Le Fils de Lamartine et de Graziella ;
Libertà. À la cellule IV bis (prison royale de Gênes) ;
Hidalgo ! ;
Paria.
Armor (7 poèmes)
Paysage mauvais ;
Nature morte ;
Un riche en Bretagne ;
Saint Tupetu de Tu-pe-tu ;
La Rapsodie foraine et le pardon de Sainte-Anne ;
Cris d'Aveugle (sur l'air bas-breton Ann bini goz) ;
La Pastorale de Conlie par un mobilisé du Morbihan.
Gens de mer (17 poèmes)
Point n'ai fait un tas d'océans ;
Matelots ;
Le bossu Bitor ;
Le Renégat ;
Aurora, appareillage d'un brick corsaire ;
Le novice en partance et sentimental ;
La Goutte ;
Bambine ;
Cap'taine Ledoux. À la bonne relâche des caboteurs, veuve-cap'taine Galmiche, chaudière pour les marins — Cook-house Brandy — Liqœur — Pouliage ;
Lettre du Mexique ;
Le Mousse ;
Au vieux Roscoff. Berceuse en Nord-ouest mineur ;
Le Douanier. Élégie de corps-de-garde. À la mémoire des douaniers gardes-côtes mis à la retraite le 30 novembre 1869 ;
Le Naufrageur ;
À mon cotre Le Négrier vendu sur l'air de « Adieu mon beau navire ! » ;
Le Phare ;
La Fin.
Rondels pour après (6 poèmes)
Sonnet posthume ;
Rondel ;
Do, l'enfant, do... ;
Mirliton ;
Petit mort pour rire ;
Male-fleurette.
À Marcelle. La Cigale et le Poète
Notes et références
Notes
↑La prononciation [u:ʀ] était, écrit le Trésor de la langue française, « encore préférable selon Littré mais vieilli[e] selon [le Dictionnaire général de la langue française du commencement du XVIIe siècle jusqu'à nos jours]; plus harmonieu[se] dans la lecture selon Rouss[elot]-Lacl[otte,] 1927, p.169, usité[e] pour les besoins de la rime selon Nyrop [Manuel phonétique du français parlé,] 1951, § 254: ,,toujours/ours ds Rostand`` ».
↑Probable souvenir de la fable de La Fontaine L'Ours et l'Amateur des jardins, où un ours voulant chasser une mouche posée sur le nez de son ami endormi lui jette au visage, sans penser à mal, un pavé qui lui écrase la tête.
↑Corbière joue sur la polysémie de ce terme qui désigne soit une libellule prédatrice vivant en milieu aquatique, soit un outil nommé « hie » servant à enfoncer les pavés. Ce terme au féminin pluriel pourrait par ailleurs faire écho à « toutes celles » du 3e vers. La métaphore procède d'une association d'idées d'où jaillit une image inédite et poétique.