En 1840, un jeune couple parisien, Marthe et Maurice, fortement épris, heureux et idéalistes, s’interrogent sur l’avenir du monde. Ils souhaitent ardemment connaître le futur, vérifier si les rêves qu’ils font se réaliseront. Sans trop y croire, Marthe en vient à invoquer le génie protecteur de leur époque.
Surgit alors, à bord d'une « locomotive anglaise », un curieux petit homme ressemblant à « un banquier compliqué d'un notaire ». Il s'agit de M. John Progrès, qui propose d'endormir les tourtereaux pour leur permettre de découvrir le monde de l'an 3 000...
Analyse
Proposant un récit d'anticipation qui se situe en l'an 3 000, le roman apparaît comme la première dystopie française[1]. Volontiers caricatural, ironique, anachronique, décalé, ce roman est riche d’enseignements sur l’image que l’on peut se faire du futur au milieu du XIXe. L'auteur est très influencé par les doctrines fouriériste et saint-simonienne prônant l'égalitarisme, ici moqué[2]. Préfigurant le genre du roman scientifique à la Jules Verne, Émile Souvestre est l’un des premiers auteurs à imaginer les effets négatifs possibles du progrès dans le cadre d’un roman dans lequel individualisme et enrichissement personnel sont exacerbés[3].
Extraits
« Le breuvage, les soins, l’air et le soleil y étaient distribués conformément au principe de justice romaine Habiti ratione personarum et dignitatum. Les enfants de millionnaires avaient neufs parts et les fils de mendiants, le neuvième d’une part, ce qui leur servait à tous deux d’apprentissage pour les inégalités sociales. L’un s’accoutumait ainsi, dès le premier jour, à tout exiger, l’autre à ne rien attendre. Merveilleuse combinaison, qui assurait à jamais l’équilibre de la République. »[4]
Marc Angenot, « L'Émergence du genre de l'anti-utopie en France : Souvestre, Giraudeau, Richter », dans Claire Barel-Moisan et Jean-François Chassay (dir.), Le roman des possibles : l'anticipation dans l'espace médiatique francophone (1860-1940), Montréal, Presses de l'Université de Montréal, coll. « Cavales », , 483 p. (ISBN978-2-7606-4017-7), p. 19-42.
Noémie Boeglin, « Le Monde tel qu’il sera, un roman oublié », Fabula, (lire en ligne).
Olivier Ghuzel, « Le Monde tel qu'il sera : de la satire d'actualité à la dystopie », dans Clément Dessy et Valérie Stiénon (dir.), (Bé)vues du futur : les imaginaires visuels de la dystopie (1840-1940), Villeneuve-d'Ascq, Presses universitaires du Septentrion, coll. « Littératures », , 305 p. (ISBN978-2-7574-0887-2), p. 35-54.