Le Livre du courtisan
Le Livre du Courtisan (Il libro del cortegiano) est un livre de Baldassare Castiglione publié en italien en 1528. GenèseLe livre est écrit d'après les discussions des courtisans de la cour d'Urbino au XVIe siècle, auxquelles son auteur aurait pu participer de 1504 à 1513. Castiglione avait songé un moment à dédier son livre à François Ier. ContenuL'ouvrage se veut éducatif. Il vise à décrire le « courtisan idéal », sa manière de se comporter, d'être. L'ouvrage est divisé en quatre livres. L'action se déroule au mois de , juste après le passage du pape Jules II à Urbino. L'auteur est absent des discussions à ce moment. Loin d'être un « vil flatteur », le Courtisan de Castiglione réunit en lui toutes les vertus que la Renaissance exige de l'homme individuel et social. L'idéal chevaleresque du Moyen Âge et l'idéal culturel de l'Humanisme, les armes et les lettres, s'unissent pour former un modèle qui inspirera ensuite de nombreuses variations. Cette œuvre prône les valeurs morales de la courtoisie à travers ses différents personnages d'un genre nouveau, représentant chacun les idées reçues d'un milieu bien défini et agissant en fonction des codes sociologiques, s'inspirant alors du proverbe de Platon : « Omnia vincit politus » qui renvoyait initialement à l'utilité de l'éducation[pas clair]. Castiglione a recours dans cet ouvrage à la forme dialogique pour exposer à la fois ses propres idées et celles qui s'en distinguent, en faisant intervenir à la fois des hommes et des femmes. La forme, fréquente dans l'Antiquité, était souvent utilisée dans la littérature humaniste, principalement en Italie ; elle s'oppose à celle du traité, qui expose systématiquement et unilatéralement un propos. Le Livre du courtisan n'est pas un livre théorique. C'est une conversation pleine d'esprit, de grâce et de désinvolture (les trois plus grandes qualités de l'homme de cour selon Castiglione), de poésie aussi, qu'échangent des amis dans le cadre de la cour du palais ducal d'Urbino, une des plus raffinées d'Italie à l’aube du XVIe siècle. Pendant quatre soirées, on danse, on écoute de la musique, on plaisante, et surtout on discute des « manières », bonnes ou mauvaises, des princes, dont il faut attirer les faveurs, des femmes, de l'amour. RésuméLes 4 livres, qui correspondent à la retranscription de discussions tenues dans 4 soirées différentes, se distinguent entre eux par une unité thématique forte et un meneur des débats différents : Livre ILe Livre I dresse le portrait du Courtisan. C’est le comte Louis de Canossa à qui échoit[1] la tâche de mener ce jeu de société choisi au début de la soirée. Le Courtisan doit être né noble[2], être gracieux physiquement[3] et exercé au combat[4], être bon danseur[5], musicien[6], voire pratiquer le dessin [7]. Il doit pratiquer les lettres, c’est-à-dire s’exprimer sans affectation [8] quel que soit son dialecte[9], mais en usant de style, de cadences et de l’imitation des Anciens[10] ; il doit s’adapter à son auditoire.
Livre IILe Livre II montre la manière d’agir du Courtisan ; C’est Federico Fregoso qui mène la discussion. Le Courtisan doit donc pratiquer les jeux d’armes et parfois se donner en spectacle, par exemple dans la danse. Dans la conversation avec son Prince, il doit éviter la flatterie et la médisance [12], ne pas chercher les faveurs coûte que coûte, par exemple en obéissant à un ordre infâme [13] ; par contre, il s’efforce à rester modeste, notamment dans son habillement, à l’italienne ou à l’espagnole [14]. Auprès des autres courtisans, il doit veiller à l’intégrité de sa réputation, qui doit le précéder [15]. Tout en évitant les blagues de bourrins [16], il peut se livrer à des facéties [17] et doit savoir faire rire [18] par de l’ironie [19], un bon mot, une répartie bien sentie [20], sans virer à l’impiété ou à l’obscénité [21] ou encore à la médisance sur une noble dame [22] : une quarantaine de chapitres du livre dissèquent les ressorts du rire en donnant dans chacun des exemples de ces facéties. Le bon tour, qui utilise la situation plus que les mots, est aussi à manier [23].
Livre IIILe livre III s’attache à définir le pendant féminin du Courtisan, la Dame de palais. Le débat est mené par Julien le Magnifique, fréquemment interrompu par le jeune Gasparo lui opposant ses saillies misogynes.
En outre, il lui faudra pouvoir pratiquer les lettres ou la musique, chanter et danser[25], en évitant les exercices virils ou disgracieux comme de jouer du tambourin ou du fifre[26]. L’égalité entre homme et femme est inscrite dans la nature et dans l’histoire. Dans la nature, on peut contredire la supériorité du corps musclé de l’homme sur les « chairs molles » de la femme en soulignant que celles-ci sont le signe de meilleures aptitudes intellectuelles[27]. Dans l’histoire, la femme apparaît aussi courageuse ou meneuse que l’homme, que ce soit dans la période antique avec les Sabines[28] ou à notre époque avec Anne de Bretagne[15], Isabelle de Castille[29] ou Béatrice et Isabelle d’Este[16]. Il faut qu’elle sache se contrôler sexuellement, et « ne semble pas, avec ses manières déshonnêtes, s’offrir en quelque sorte à qui la veut » [30]. Pour approcher une telle femme, le Courtisan doit éviter de se montrer trop direct, voire salace, et accepter ce jeu amoureux où la femme fait souffrir par ses refus avant, peut être, d’offrir enfin tous les plaisirs à son soupirant[31].
Livre IVLe Livre IV porte enfin sur le Prince idéal, qui est la « fin du Courtisan » ; ce miroir des princes est mené par Ottaviano Fregoso. Celui-ci est entouré de Courtisans à qui il permet de dire la vérité plutôt que ce qu’il veut entendre dire, et évitent ainsi un autocratisme aveugle[32]. Le Courtisan a un rôle de conseil donc, mais aussi un rôle moral et pédagogique, car la sagesse ou la prudence d’un souverain ne sont pas des qualités innées, mais acquises[2], de même qu’une utilisation mauvaise du pouvoir est due à une ignorance et non à une malignité innée du souverain. Si la monarchie est préférable à la république[14], elle donne en effet une immense responsabilité morale au prince. Ainsi le Courtisan peut enseigner au prince le sens de la justice[33], l’amour de ses sujets[9] et l’inciter à devenir bâtisseur[16] et bon gouverneur[8], à assumer une nouvelle croisade contre les Turcs et les Maures[34] ou encore à limiter les dépenses somptuaires des particuliers[8]. Le Courtisan doit ainsi imiter les philosophes précepteurs de prince, comme l’ont été Platon avec Denys de Syracuse, ou Aristote avec Alexandre le Grand. Pietro Bembo conclut le livre en faisant l’éloge de l’attirance amoureuse pour la Beauté[35]. Si le Courtisan est principalement attiré par la Beauté féminine qui le pousse à se dépasser et à se civiliser, elle n’est qu’un avant goût de la beauté divine[36] qui se découvre à lui avec la sagesse de l’âge ou dans la communion mystique à l’univers et à son créateur.
PostéritéRéceptionLe Livre connaît un succès immédiat en Europe à sa parution. Il sert par la suite de manuel de savoir-vivre dans les cours européennes. Les plus grands auteurs, tels que Rabelais, Montaigne, Cervantès et Shakespeare, ont lu et retenu les leçons de Castiglione. TraductionsIl Cortegiano a été traduit trois fois en français. Une première traduction attribuée à Jacques Colin d'Auxerre a paru en 1537 à Paris, neuf ans après la publication du livre à Venise et à Florence. Une deuxième traduction par Gabriel Chappuys parut à Lyon en 1585 avec le texte italien en regard ; sa traduction est celle qui rend le plus justice au texte original. Enfin, en 1690, l'œuvre de Castiglione a été traduite par l'abbé Jean-Baptiste Duhamel. Cette troisième traduction est abrégée et édulcorée, car elle tient compte des censures imposées par l'Église catholique. Alain Pons fait paraître en 1987, aux éditions Gérard Lebovici, une version améliorée de la traduction de Chappuys. Au moment de cette réédition de 1987, Le Livre du Courtisan n'était plus disponible en langue française depuis trois siècles. Cette version de 1987 a été rééditée en 2009 par les éditions Ivrea. Voir aussiBibliographie
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Notes et références
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