L'Humanitaire[2], « organe de la science sociale » est un journal communiste, anti-autoritaire et pré-marxiste, qui parait au cours de l'été 1841.
Son objectif : « expose[r] clairement et nettement l’organisation communiste », système où « toute domination de l’homme sur l’homme serait entièrement abolie »[3].
Histoire
Franchement matérialiste, il annonce selon Maurice Dommanget, le socialisme scientifique de Marx et fait scandale. Étienne Cabet, intellectuel partisan du communisme chrétien, publie alors sa « réfutation de L'Humanitaire » où il dénonce Charavay tel un procureur monarchiste : « s’obstiner à prêcher cette doctrine dans un nouveau journal, dans les réunions, dans les rues, sur les quais, partout, n’est-ce pas vouloir provoquer tous les désordres, tous les dangers, tous les soupçons, toutes les accusations ? ».
Le gérant Gabriel Charavay arrêté le soir du , veille de l'attentat de Quénisset contre le Duc d'Aumale, sera condamné à deux ans de prison et enfermé à la citadelle de Doullens.
Théodore Dezamy, qui s'était opposé jusqu'alors [6] à Charavay, rompt avec Cabet[7] et développe les idées matérialistes défendues par le groupe de L'Humanitaire.
La police s'intéressera à la correspondance de Gabriel Charavay avec Jules Gay, sympathisant qui ne sera pas inculpé dans cette affaire. On apprendra pendant le procès que la féministe Louise Dauriat devait participer à la rédaction[8].
Pierre Antoine Nicolas Page, bijoutier (rédacteur)
Mais aussi d'autres ouvriers seront inquiétés ou inculpés:
des bonnetiers, Jean Charavay et Donatien Dauvergne.
des bijoutiers, Anselme Mugnier et Augustin Noël
des imprimeurs, François Garde,Claude Chassard
le cordonnier Antoine Fombertaux, le couvreur Désiré Gaillard, les tailleurs Alexis Trottier et Théodore Ber, le teneur de livres (comptable) Corneille Homberg, le maçon Silvain Mourlon, l'ébéniste Quéré, le corroyeur Auguste Sauvaitre, le bottier Jean Sans, le marchand de vin Etienne Rousseau et le commis négociant Hyppolite Loudier.
Un seul est originaire de Paris. Ces ouvriers viennent de la Creuse, du Gard, du Rhône, de la Sarthe, des Vosges, des Pyrénées, du Pas de Calais, du Finistère, du Lot, d'Aix La Chapelle, de la Drôme....
Alain Maillard, Égalité et communauté, la presse communiste. L’Intelligence, Le Moniteur républicain, L'Homme libre, L’Égalitaire, La Fraternité de 1841, Le Travail, L'Humanitaire et La Fraternité de 1845, in Collectif, Quand les socialistes inventaient l'avenir, 1825-1860, La Découverte, 2016, page 309, cairn.info.
↑Lettres saisies chez Charavay Arch. Nat. Série CC786 à 791
↑Dézamy dans Code de la communauté : « Dans les journaux et les réquisitoires, on a accusé "l’Humanitaire" de vouloir proscrire les beaux-arts. J’ai suivi attentivement le procès de ce journal : il est résulté de l’instruction, des débats et même des faits allégués par l’avocat du roi, que "l’Humanitaire", dans son programme comme partout, adoptait l’opinion contraire. Il classait les beaux-arts dans la catégorie des besoins d’agrément et les plaçait en conséquence après les besoins de nécessité et les besoins moraux. Ce qui a pu un instant donner quelque crédit aux ignobles et absurdes faussetés débitées à ce sujet contre nos doctrines, c’est qu’il s’est trouvé un écrivain communiste assez déplorablement inspiré pour paraître accepter comme vrais les propos attribués à "l’Humanitaire". »
↑Lire: Alphonse Karr, Les Guêpes, Paris 1842, page 174 - Michèle Riot-SarceyPar mes œuvres on saura mon nom in Romantisme n°77, page 42 - Paulette Bascou-Bance, La mémoire des femmes : anthologie, Elytis Editions, Cestas, 2004, p. 205.
↑« G. Charavay, né à Lyon en 1818, s’était fait connaître sous la monarchie de juillet par la publication de l’Humanitaire, journal éphémère mais dont la place est de premier ordre dans le mouvement révolutionnaire. »Maurice Dommanget (Auguste Blanqui et la révolution de 1848, Paris Mouton La Haye 1972).
↑Communisme, Kommunismus, Communism… Trier, Karl Marx Haus 1989.
↑La communauté des égaux, éditions Kimé, Paris 1989.