Jacques Raillon, fils de Pierre Raillon, marchand, et de Marie Pollosson, naquit, le , à Bourgoin, petite ville du Dauphiné, aujourd'hui département de l'Isère.
Par son père, Pierre Raillon, il descendait d'une famille protestante de Chabeuil (Drôme), qui fut ruinée par la révocation de l'édit de Nantes, et forcée de s'expatrier. Son arrière-grand-père avait été le premier magistrat de Chabeuil. Par sa mère, il appartenait à une famille de Bourgoin, qui tenait héréditairement l'intendance du château de Maubec pour les princes de la maison de Lorraine.
Il étudia d'abord à Bourgoin, où se trouvait un petit collège. Certains biographes ont avancé qu'il avait terminé ses classes à Lyon, chez les Jésuites[2], ce qui ne peut être possible : la Compagnie de Jésus avait été supprimée en France l'année même où M. Raillon était venu au monde.
Une fois ses études terminées, comme il était loin d'avoir l'âge requis pour être admis dans les ordres sacrés, Mercy lui confia la chaire de rhétorique au petit séminaire. Il l'occupa plusieurs années, montrant dès lors ce goût de la bonne littérature dont il a fait preuve dans ses écrits.
Curé de Montaigu
Aussitôt qu'il eut été ordonné prêtre, l'abbé Raillon fut nommé à la cure de Montaigu (Vendée), paroisse importante et religieuse, « et tous ses paroissiens, depuis les vieillards jusqu'aux plus petits enfants, le chérirent bientôt comme un ami et un père[2] ». La porte du presbytère était constamment ouverte pour les pauvres : ceux qui avaient besoin de conseils ne cherchaient point des procureurs et des officiers de justice ; on n'avait affaire qu'à M. le curé, nul en effet ne pensait être plus savant que lui.
La Révolution française chassa le pasteur de sa cure, car il répugna à prêter serment à la constitution civile du clergé. Après avoir essayé pendant quelque temps de rester dans sa paroisse, il fut obligé de l'abandonner : un curé« intrus[2] » (assermenté) l'avait remplacé au presbytère. Diverses circonstances le forcèrent de se retirer à Paris, où son évêque, Mercy, l'avait déjà devancé. Il y prit la défense des prêtres insermentés dans une brochure écrite « avec autant de pureté de principes que de modération[2] », et intitulée : Appel au peuple catholique, vol. in-8°, . Il était sur le point de publier un autre écrit, traitant aussi des droits de l'Église, mais contraint par la gravité des événements, de quitter la capitale et de s'expatrier, il en perdit le manuscrit pendant son émigration.
L'abbé Raillon alla rejoindre d'abord Mercy, à Soleure, puis, à l'aide de quelques ressources que lui firent passer quelques-uns de ses paroissiens de Montaigu, il put se retirer à Venise (république de Venise), où il résida pendant dix années, tandis que Mercy se fixa à Florence (grand-duché de Toscane).
Venise et Paris
Il parlait avec intérêt de Venise et des relations qu'il y avait eues avec des littérateurs et d'autres hommes distingués. Lui-même cultivait la littérature, et c'est en cette ville qu'il composa un recueil d'idylles pastorales, à la manière de Gessner. Il le publia plus tard sous le titre Idylles, vol. in-8°, , avec une épître dédicatoire au citoyen Cambacérès, second consul de la République, et son épigraphe, « Ruris amor, reverentia justi », annonçait parfaitement l'intention qui avait inspiré ces poésies. « L'élégance et la facilité du style, et surtout l'excellence de la morale[2] », firent adopter plus tard ce recueil pour les bibliothèques des lycées de France. L'abbé Raillon composa encore, pendant son séjour en Italie, divers autres ouvrages littéraires, notamment un poème en prose, intitulé le Temple de l'amitié, et leur succès lui procura des moyens d'existence jusqu'à l'époque de sa rentrée en France, presque immédiatement après la conclusion du Concordat de 1801.
Nommé à cette époque, à l'archevêché de Bourges, Mercy se proposait d'attacher l'abbé Raillon à son diocèse comme grand-vicaire, et en quelque sorte comme coadjuteur officieux, mais Jean-Étienne-Marie Portalis, chargé de la direction des cultes, pria ce prélat de le lui céder pour faire l'éducation de son fils Marius. Mercy vit, dans cette proposition, le gage d'un avenir brillant pour l'abbé Raillon ; et l'Église lui paraissait même devoir en obtenir de grands avantages ; aussi acquiesça-t-il aux désirs de M. Portalis.
Lorsqu'en 1808, un décret impérial organisa la Faculté de théologie de Paris, il fut nommé professeur suppléant de la chaire d'éloquence sacrée, dont le professeur titulaire devait être l'abbé Gallard, docteur de Sorbonne, oncle de Gallard, mort en 1839, archevêque d'Anazarbe et coadjuteur de Reims. Cet ecclésiastique ayant refusé, Raillon devint professeur titulaire. Il jouissait, de plus, d'une pension de 3 000 francs qui lui avait été donnée par Antoine Français de Nantes, directeur général des droits-réunis. C'était une sinécure, et Français de Nantes gratifiait plusieurs gens de lettres de semblables faveurs.
En 1809, l'abbé Raillon prononça successivement quelques discours dans des cérémonies d'apparat; l'oraison funèbre du comte Fleuriau ; celle du maréchal Lannes, tué à Essling, le 31 mai de cette année ; un petit discours aux obsèques du comte Crétet de Champmol, ministre de l'Intérieur, qui était mort « très chrétiennement[2] » ; et le 15 août, le discours pour la solennité de l'anniversaire de la naissance de Napoléon, en présence du prince archi-chancelier de l'Empire (Cambacérès). Ces discours avaient mis l'orateur en évidence.
Nommé évêque d'Orléans
La mort de Claude-Louis Rousseau ayant laissé vacant le siège épiscopal d'Orléans, l'abbé Raillon, par un décret impérial du , fut appelé à lui succéder. Peut-être dans les circonstances où se trouvait alors l'Église, une prudence même seulement humaine eût-elle conseillé de refuser. M. Raillon allait abandonner une existence fort agréable à Paris, et trois places pour un poste qui n'était pas sans péril : car les circonstances ne permettaient guère d'espérer qu'il obtint ses bulles : le pape était prisonnier à Savone, et les cardinaux dispersés et en exil. Cependant Raillon se rendit à Orléans.
Les abbés Borros de Gamanson et Mérault, vicaires généraux officiels, ainsi que de Blanbisson, Demadières, Métivier, Barbazan, Fauvel et Jourdan, vicaires généraux nommés par le chapitre, adressèrent aux fidèles du diocèse d'Orléans, le , une lettre circulaire qui eut, par la suite toute son importance, par laquelle ils reconnaissaient la nomination de l'évêque.
« Nos larmes coulaient encore, N. T.-C. F., pour la perte d'un prélat toujours cher à nos cœurs, lorsque notre auguste Souverain s'est empressé d'adoucir notre juste et profonde douleur, et a nommé à l'évêché d'Orléans M. Jacques Raillon, chanoine de l'illustre Église de Paris. Nous nous empressons également de vous annoncer les pouvoirs qui ont été conférés par le chapitre, à celui que la divine Providence appelle à gouverner ce vaste diocèse. Vous le remarquerez, N. T.-C. F., c'est un orateur célèbre qui succède à l'orateur des rois, et la bonté remplacera la bonté. Un sage formé par l'Évangile, dans ce saint repos dont parle saint Augustin, ouvrait son cœur aux douces impressions de la vérité, il se nourrissait, dans la retraite, d'idées douces et vertueuses ; il faisait ses plus chères délices de l'étude des Saintes Écritures : il est tout à coup enlevé à ce calme religieux, pour être appelé aux nobles, mais pénibles travaux du gouvernement des âmes. Je n'avais point ambitionné, nous écrit-il (), les honneurs de l'épiscopat : l'Apôtre et les saints Pères ne m'avaient appris qu'à en redouter le poids ; et je puis dire avec vérité de cette honorable mission, ce qu'un saint Pape disait en parlant du souverain pontificat: Cette grande charge est venue à moi, je ne suis point allé à elle. Ainsi revivent les temps anciens. On redoute le dangereux avantage de devenir pasteur ; mais on ne fait pas comme Jonas; on se pénètre du sentiment de sa faiblesse, on attend tout de Dieu, et on se soumet. Et « ex corde debet fugere, et invitus obedire. » Les grands intérêts de la religion, N. T.-C. F., le bien de l'État que la religion sert si utilement, le besoin des peuples, faisaient désirer depuis longtemps que les évêques nommés par Sa Majesté, dans une sainte impatience de connaître le troupeau qui devait leur être confié, n'attendissent pas l'institution canonique pour se rendre dans leur diocèse. Son Excellence le ministre des cultes écrivait à M. Raillon () : « Si vous n'êtes pas encore investi de l'autorité spirituelle épiscopale, vos lumières et vos vertus n'en serviront pas moins d'exemple et de guide pour les peuples. Les pouvoirs que les chapitres ont l'autorité de conférer, ont toujours été transmis en pareil cas, avec empressement ». Combien, en effet, il était dans le cœur de tous les membres du chapitre, d'investir de ces pouvoirs, celui que le choix de Dieu a destiné pour être à la tête de cette Église, celui que tous les vœux appellent dans le diocèse ! Aussi, par une délibération unanime : M. Jacques Raillon a été nommé administrateur capitulaire, le siège vacant. Il entre donc dans cette succession vénérable, dans cette chaîne qui de siècles en siècles, de pontifes en pontifes, remonte sans interruption jusqu'à la chaire de saint Pierre, jusqu'à Jésus-Christ même. Car vous ne pouvez ignorer, N. T.-C. F., que, selon le saint concile de Trente (session 24, chap. 46), les chapitres de toutes les cathédrales sont dépositaires de tous les pouvoirs de l'épiscopat, qui ne sont pas attachés exclusivement à celui de l'Ordre, et ils doivent, le siège vacant, les faire exercer par celui ou ceux à qui ils les confèrent. En effet, les souverains Pontifes sont dans l'usage d'adresser leurs brefs aux vicaires capitulaires, ainsi qu'à nos seigneurs les archevêques et évêques. Vous vous empresserez donc, N. T.-C. F., de reconnaître comme ayant droit à la soumission des fidèles celui à qui le chapitre a plus particulièrement transmis tous ses pouvoirs et qui réunit tant de titres à notre respect, à notre tendre vénération. Quelle brillante réputation le précède ! Déjà il est connu parmi vous par des écrits dictés par l'amour de la vertu, et qui réunissent, ce qui est si rare dans notre siècle, le double charme de la pureté de la morale et de celle du style. Ce qui nous le rend encore plus cher, c'est l'amour de prédilection qu'il porte à l'Épouse spirituelle qui lui est destinée et qu'il exprime avec cet abandon et cet épanchement de cœur où se reconnaît le langage du sentiment. « Je bénis Dieu qui m'ouvre une nouvelle carrière, de m'avoir destiné le diocèse d'Orléans, de préférence à tout autre. Je sais qu'il y règne le meilleur esprit, soit dans les pasteurs, soit dans le troupeau. » Ah! que celui qui a pris tant de part à une perte qui lui est devenue commune avec nous, partage avec son respectable prédécesseur la place que celui-ci ne perdra jamais dans nos cœurs. « Personne, nous écrivait-il, ne sent plus vivement que moi combien monseigneur votre dernier évêque était digne de vos regrets. A la première nouvelle de sa mort, j'ai mêlé mes larmes aux vôtres, sans songer en aucune manière que je dusse être appelé à lui succéder. Ce vénérable prélat m'honorait depuis longtemps d'une bienveillance toute particulière, je puis dire aussi de quelque estime. J'ai perdu en lui un ami comme vous un père. Que le pasteur et l'évêque de nos âmes, que Jésus-Christ daigne accorder au chef de l'administration diocésaine, au premier ouvrier dans la vigne du Seigneur, ces grâces de lumière et de force nécessaires pour remplir ses augustes fonctions. Sous peu de jours, d'après l'invitation de Sa Majesté, nos pressantes sollicitations et ses propres désirs, il fixera sa résidence dans la capitale du diocèse. Puisse la ferveur de vos prières hâter l'heureux moment où, en recevant l'onction sainte et la plénitude du sacerdoce, il sera consacré pontife de la loi nouvelle ! Et sera notre présente lettre circulaire lue et publiée aux prônes de toutes les messes paroissiales du diocèse le dimanche qui suivra immédiatement sa réception. »
L'entrée de Raillon dans le diocèse d'Orléans fut « universellement bénie[2] », et son administration dans laquelle il fut dignement secondé par Mérault, supérieur du séminaire et vicaire général, ne souffrit aucune difficulté jusqu'aux premiers mois de la Restauration française.
Dès le début, il fit voir « combien son âme était douce, quelle prudence et quelle charité paternelles régleraient son administration ; il fut souverainement et selon son habitude, estimé, respecté, vénéré, aimé[2] », et aucune voix discordante ne vint se mêler aux hommages qui l'environnaient. Nulle réclamation ne s'éleva contre la validité ou même la licité de ses actes.
Raillon assista au concile national de 1811, comme les autres évêques nommés, et ne s'y fit point remarquer. Le 24 mars de cette année, il avait publié un mandement, ordonnant qu'un « Te Deum » serait chanté en actions de grâces de la naissance du Prince impérial ; par un autre mandement, il célébra le nouveau Concordat de Fontainebleau, le , et un an après, le , il réclamait les prières des fidèles pour la prospérité et le succès des armes de la France, dans la campagne entreprise sur le territoire même de l'Empire.
Le , parut un nouveau mandement portant que le « Te Deum », sera chanté en actions de grâces pour l'heureuse arrivée de Louis XVIII, dans la capitale de ses États. Tous ces mandements portaient la seule signature J. Raillon. Mais le 24 mai de cette dernière année, une lettre enjoignant aux curés de célébrer un service solennel pour Louis XVI, Louis XVII, la reine Marie-Antoinette et Madame Elisabeth, est signée Raillon, vicaire général capitulaire, etc., le siège vacant. Enfin Raillon publia le suivant, un mandement pour la paix conclue le 30 mai, entre le roi Louis XVIII et les souverains coalisés.
Déjà, à cette époque et bien que l'évêque nommé d'Orléans eût protesté de sa soumission au nouvel ordre de choses, une opposition assez vive s'était manifestée contre lui, et un certain nombre de membres du clergé du diocèse pensèrent que le prélat devait renoncer à sa nomination. Il parut sur ce sujet une lettre des chanoines honoraires résidant à Blois. Une réunion de plus de quarante ecclésiastiques eut lieu à Orléans, le , et voici les conclusions qui y furent prises, et qu'on présenta à Raillon et aux vicaires généraux :
« Les ecclésiastiques, chanoines, curés et vicaires soussignés, considérant qu'ils ont en vain manifesté jusqu'ici de vive voix les doutes que l'on peut former sur la validité des pouvoirs donnés à M. Raillon, nommé à l'évêché d'Orléans, et que ces doutes prennent chaque jour un caractère grave, se sont déterminés à exprimer leurs vœux par écrit. Au nom de la religion et de la paix toujours précieuses à l'Église d'Orléans, ils conjurent M. Raillon de s'abstenir désormais de tout acte de juridiction, et le prient de laisser à MM. les vicaires généraux le soin de signer tous les pouvoirs et dispenses pour le gouvernement du diocèse. »
Le chapitre ne prit aucune part à cette démarche, et quatre jours après, après s'être réuni chez M. Barbazan, curé de Saint-Paul, les vicaires généraux répondirent par une délibération où ils défendaient la validité du pouvoir de leur évêque.
« Aujourd'hui, , les vicaires généraux capitulaires se sont assemblés chez M. Barbazan, curé de Saint-Paul, l'un d'entre eux, pour délibérer sur une demande présentée auxdits vicaires généraux par quelques membres du clergé de la ville, dans laquelle ils exposent des inquiétudes sur la validité des pouvoirs conférés par le Chapitre à M. Raillon.
Le Conseil s'est fait un devoir d'examiner la question, et avant de prendre une délibération, il a imploré les lumières de l'Esprit-Saint, la discussion s'est ouverte, et elle a amené le résultat suivant :
Les vicaires généraux considérant :
Que ces doutes sur la validité des pouvoirs de M. Raillon, remonte, d'après l'aveu des exposants, à une époque éloignée, il faut dès lors, ou que ces doutes ne leur aient pas paru graves, puisqu'ils ont imposé silence à leur conscience pendant un si long temps, ou, ce qui étonnerait, que cette conscience comprimée par la crainte ne se soit éveillée que hors du danger ;
Qu'après la mort de M. Rousseau, de respectable mémoire, M. Raillon ayant été nommé à l'évêché d'Orléans, ce fut librement, à l'unanimité, sans nulle réclamation, et même avec le sentiment de la satisfaction la plus vive pour un tel choix que le Chapitre lui a conféré le pouvoir qu'il a exercé depuis;
Que le Chapitre, en qui réside la juridiction épiscopale pendant la vacance du siège, n'a fait que suivre ce qui s'était pratiqué en France, À diverses époques, et notamment sous le règne de Henri IV et de Louis XIV, sous les yeux du grand Bossuet, dans ce siècle un des plus éclairés de la monarchie, et où tous les abus et toutes les erreurs trouvaient de si redoutables adversaires, et qu'à aucune de ces époques, il n'est intervenu, de la part du souverain Pontife ou d'aucune des assemblées du clergé de France, de jugement qui ait déclaré de tels actes capitulaires contraires aux règles de l'Église, ou ces pouvoirs donnés par les Chapitres invalides, et les actes qui en étaient émanés nuls ;
Que, sous le même Louis XIV, tous les ecclésiastiques, évêques, prêtres, nommés à des sièges vacants, assistèrent au nom de leurs provinces aux assemblées du clergé de 1685, 1688 et 1690, et que, même dans cette dernière, ils formèrent la majorité des députations (Procès-verbaux du Clergé, tome V);
Que Pie VII, si zélé pour la conservation des règles ecclésiastiques, dans ses Brefs, même relativement aux archevêques nommés de Paris et de Florence, dont la position comme quittant un premier siège était bien moins favorable que celle de M. Raillon, n'a pas prononcé l'invalidité des pouvoirs qui avaient été donnés à ces prélats par les Chapitres des nouveaux sièges qu'ils devaient remplir ;
Qu'il ne faut pas fermer son opinion d'après les bruits populaires, des ouvrages sans autorité où les faits sont altérés dans leurs principales circonstances, comme nous en avons la preuve sur ceux qui nous sont connus, et comme le prouve M. l'évêque de Plaisance, qui a désavoué publiquement et en appelle au témoignage du Pape même, la conversation qu'on lui faisait tenir avec Sa Sainteté ; il est aussi des ouvrages sans nom d'auteur, d'une authenticité trop faiblement connue, ou composés dans des principes qui ne furent jamais ceux de l'Église gallicane ;
Qu'il est de notoriété publique que Pie VII, Pontife d'un courage aussi intrépide qu'il est sage, et que nulle vue humaine ne fit jamais agir, avait donné des bulles d'institution canonique pour les prêtres nommés évêques, comme M. Raillon, investis de la même juridiction et l'ayant exercée comme lui, bulles que le Gouvernement a retenues ;
Que, dans le concile de Paris en 1811, composé de prélats qui ont si généreusement défendu les droits du Saint-Siège et de l'épiscopat, concile où se trouvèrent des cardinaux et des évêques d'Italie, et qui a fini par s'attirer l'admiration de toute la terre par son courage à résister à des innovations funestes, on admit tous les évêques nommés, sans qu'aucun des cardinaux ou des évêques français ou étrangers ait témoigné le moindre doute au sujet de la validité de leurs pouvoirs, et que le concile qui résistait avec tant de fermeté au projet de faire donner l'institution par le métropolitain, n'a pas émis un mot de doute sur la juridiction que ces évêques nommés avaient reçue des Chapitres;
Que l'exemple récent de quelques Chapitres qui ont révoqué les pouvoirs qu'ils avaient accordés à des prêtres nommés à des évêchés ne peut servir de règle, attendu que des exemples dont on ignore les motifs locaux ou personnels qui ont pu y donner lieu, ne peuvent entrer en balance avec les principes qui nous dirigent, de plus, les pouvoirs ne nous paraissant nullement avoir été révoqués comme nuls et indûment donnés par les Chapitres ;
Que les grands intérêts de l'Église de France occupant en ce moment et le souverain Pontife et le Gouvernement français, il est du respect dû à ces puissances de ne rien préjuger et d'attendre la décision qui interviendra, et cependant de rester en paix, tendrement unis comme nous l'avons toujours été, et surtout d'obéir au Chef suprême de l'Église qui a fait recommander, notamment aux chanoines du chapitre de Gand, de s'imposer un silence perpétuel sur les contestations qui s'étaient élevées dans leur ville par rapport à l'exercice de la juridiction, d'observer entre eux la paix et l'union, afin d'éviter tout scandale à l'égard des fidèles, comme il convient à des ministres de l'Église (Rome, , signé Dominique Sala) ;
Enfin, qu'à l'égard du 4e canon du 2e concile général de Lyon, nous remarquons qu'à cette époque, l'usage était établi que, dans les diocèses éloignés de l'Italie, et où le Pape était en possession de confirmer les élections, l'Église, en vertu d'une dispense générale (dispensative), approuvait que ceux qui avaient été élus sans contestation gouvernassent les Églises, tant au spirituel qu'au temporel, avant que l'élection eût été confirmée par le pape, et c'est la disposition du concile général de Latran, 26e canon inséré au premier livre des Décrétales, canon « Nihil est » ; que cette décrétale du concile de Lyon, que l'on oppose comme ayant abrogé la décrétale précitée du canon de Latran, n'est point en opposition avec elle ; puisque les auteurs des Gloses sur les Décrétales et le Sexte postérieur au concile de Lyon reconnaissent que le canon du concile de Latran n'était point abrogé, ce qui est d'ailleurs confirmé par le témoignage des canonistes français ou étrangers, et par l'usage des différentes Églises, et notamment de celle de France (Mémoires du clergé, tome X, pages 606 et 614).
D'après ces considérations, le Conseil est d'avis à l'unanimité,
Qu'il n'y a aucun doute sur la validité des pouvoirs conférés par le Chapitre à M. Raillon ;
Que M. Raillon sera invité à continuer à les exercer comme par le passé pour le bien de l'Église et de l'État ;
Que les signataires de la pétition seront invités à s'abstenir désormais de tout écrit et de toute réunion extraordinaire, afin de ne pas s'exposer à répandre de fausses alarmes dans les consciences; ce parti sage étant le vœu de Sa Sainteté même, et celui des amis de la paix et de la religion ;
Que la copie de la présente délibération, avec l'exposé des motifs qui en ont amené les conclusions, sera adressée à Son Excellence le Ministre de l'Intérieur, qui sera supplié de la faire examiner, s'il y a lieu, par un conseil de théologiens, pour être regardée comme non avenue si elle paraissait aller contre les règles de la discipline de l'Église en général, ou contre les maximes de l'Église gallicane. »
— Mérault, vic. g. c. — Demadières, v. g. c. — Métivier, v. g. c. — Barbazan, v. g. c.
L'abbé de Montesquiou, ministre de l'Intérieur, dans les attributions duquel les cultes se trouvaient alors, approuva cette délibération, et reconnut Raillon, en qualité de principal vicaire général d'Orléans, et c'est avec lui seul qu'il continua de correspondre pour toutes les affaires du diocèse. Il parut alors quelques écrits contre l'administration de Raillon[3].
Enfin, après de longues controverses, Mérault et Demadières, vicaires généraux, firent une concession au clergé et arrêtèrent que, pour tranquilliser les consciences, un d'eux joindrait toujours sa signature à celle de Raillon, qui ne prendrait plus que le titre de vicaire général. Malgré quelques petites persécutions et tracasseries mesquines[2] qu'eut à subir alors Raillon, qui cependant n'avait rien à se reprocher, sinon d'être l'élu d'un pouvoir qui venait de s'écrouler, céda aux instances du chapitre et continua à résider à l'évêché. Il ne quitta la ville qu'au mois de , « au grand regret de M. Mérault et de quelques autres pieux ecclésiastiques[2] ». Il est à noter que le gouvernement royal ne reconnut pas le titre que les évêques nommés tenaient de Napoléon Ier, et que partout les chapitres, cédant à la double pression du moment, révoquèrent leurs pouvoirs. Un seul fut excepté, ce fut Jacques Raillon.
Ce fut sur l'invitation du grand-aumônier que l'évêque nommé quitta Orléans, et le roi lui accorda alors une pension de 2 000 francs qui fut depuis portée à 4 000. Raillon vint alors se fixer à Paris, auprès de l'église Saint-Sulpice, et vécut dans la retraite, s'occupant d'une Histoire de saint Ambroise, pour laquelle il se livra à de nombreuses recherches. Cet ouvrage, qui allait être imprimé, au moment de la mort de son auteur, devait former 2 volumes in-4°. Plusieurs personnes, auxquelles il en avait lu des fragments, ont assuré qu'il faisait connaître parfaitement l'archevêque de Milan, ses écrits et son siècle. L'abbé Molroguier, neveu de Raillon, avait été chargé de surveiller l'impression de cet ouvrage ; mais il meurt le et cette publication n'eut jamais lieu[2]. La famille disposa du manuscrit en faveur du séminaire de Saint-Sulpice[2].
Sa lettre pastorale du 30 du même mois, pour son entrée dans le diocèse, parut d'un heureux augure, et plusieurs journaux citèrent des fragments de ce « magnifique mandement qui fut universellement admiré[2] ». Comme il l'avait annoncé, le nouvel évêque s'appliqua « à faire fleurir la concorde et la paix dans son diocèse, et fut le premier modèle des vertus qu'il voulait inspirer[2] ». Il réédifia complètement le séminaire, appela pour le seconder comme grand-vicaire, un homme distingué par son mérite, l'abbé Morlot, depuis cardinal, archevêque de Paris, opéra des réformes importantes, et, par une administration toute dirigée dans des vues de modération et de sagesse, il se concilia l'estime générale.
Raillon avait été installé dans la cathédrale de Dijon, le , et, six mois après, jour pour jour, éclatait la révolution de Juillet 1830. Par une ordonnance du 14 décembre de cette année, qui ne fut rendue publique que le , Louis-Philippe Ier le nomma à l'archevêché d'Aix, vacant par la mort de de Richery. Le prélat se décida tout de suite à quitter Dijon, et, à son départ, il reçut des autorités les témoignages les plus flatteurs d'estime et de regrets, et une médaille fut frappée pour perpétuer son souvenir.
Le séjour de Raillon à Paris fut plus long qu'il n'avait compté. Différentes circonstances, totalement étrangères à ce qui pouvait le concerner personnellement, retardèrent plus d'un an l'expédition de ses bulles. Ce délai tenait à la nomination de Guillon, faite un peu avant la sienne, pour l'évêché de Beauvais, et qui souffrit beaucoup de difficultés à Rome. l'abbé Guillon fut obligé de renoncer à sa nomination ; mais les négociations qui eurent lieu à ce sujet se prolongèrent, et ce ne fut que dans le consistoire du , que Raillon fut préconisé pour Aix en même temps que d'Humières pour Avignon, et Rey pour Dijon. Il ne partit pour son diocèse qu'au mois de septembre suivant, et ce nouveau retard tint à l'embarras où fut longtemps Rey pour se faire sacrer. Ce prélat était grand-vicaire capitulaire à Aix, sa ville natale, et Raillon, par une suite de son esprit de modération, ne voulut pas se rendre dans cette ville tant que Rey dirigeait l'administration du diocèse. De plus, lui-même éprouva quelques difficultés pour le choix de ses grands-vicaires, tous deux ecclésiastiques estimables, précédemment grands-vicaires de ses prédécesseurs, et que Rey avait fait éliminer. Il n'obtint qu'avec peine qu'ils fussent agréés, et ce ne fut qu'après avoir énergiquement représenté que la continuité de leur disgrâce rejaillirait sur lui, et nuirait au succès de son ministère dans un pays où ils jouissaient de la considération générale.
Archevêque d'Aix-en-Provence
La conduite du prélat fut la même à Aix qu'à Dijon. Il accueillait parfaitement son clergé, savait, par son zèle et son esprit conciliant, ménager toutes les opinions, partageant son temps entre l'administration du diocèse et son travail sur saint Ambroise. Il s'occupa de ranimer les études dans la faculté de théologie, soutint vigoureusement les Jésuites qui portaient ombrage au nouveau pouvoir, et lorsque l'administration municipale d'Aix, qui n'osait se défaire ouvertement des frères des Écoles chrétiennes, eut diminué leur traitement pour ériger une école d'enseignement mutuel, le prélat créa une commission formée des personnages les plus considérables de la ville, provoqua une collecte en faveur des disciples de saint Jean-Baptiste de La Salle, et parvint ainsi du moins à rendre leur position supportable.
En 1834, la santé de Raillon parut s'altérer. Les soins de l'administration, les détails d'une correspondance qu'il faisait presque seul, son Histoire de saint Ambroise qu'il voulait terminer, lui avaient occasionné quelque fatigue. On lui conseilla de prendre l'air de la campagne ; il loua, en conséquence, une maison à peu de distance d'Aix. Sa santé y déclina encore, au lieu de se fortifier ; les médecins l'envoyèrent à Hyères dont le doux climat devait, disaient-ils, apporter quelque soulagement à ses douleurs cruelles. Mais déjà la poitrine était fort affectée, et le mal ne fit qu'empirer. Sentant approcher sa fin, l'archevêque demanda les sacrements de l'Église, et les reçut avec la foi la plus vive, avec la plus parfaite résignation. Il meurt le , à l'âge de soixante-douze ans et six mois. Ce fut une grande perte pour le diocèse d'Aix, où son esprit, sa prudence et son caractère conciliant auraient pu rendre encore de grands services.
Après la mort de l'archevêque, son corps fut mis dans un cercueil de plomb et transporté à Aix, où il arriva le jeudi 19 février au soir. Le lendemain, un service solennel fut célébré dans l'église métropolitaine ; Casanelli d'Istria, évêque d'Ajaccio, qui se trouvait à Aix, y officia, et l'abbé Gai, grand-vicaire lut un Mandement qui ordonnait des prières pour le prélat défunt, qu'on inhuma dans le caveau des archevêques d'Aix (baptistère de la cathédrale Saint-Sauveur). Le chapitre avait nommé pour grands-vicaires pendant la vacance du siège, Boulard, Gai et Abel, vicaires généraux de Raillon, Bony, supérieur du grand séminaire, et Honorat, chanoine. Ils donnèrent une marque signalée de leur respect pour la mémoire de leur archevêque : ayant trouvé dans ses papiers un projet de Mandement pour le carême qui approchait, ils le firent entrer dans le Mandement qu'ils publièrent à l'ouverture de la sainte quarantaine. C'était en quelque sorte le testament spirituel du prélat, et la preuve que son diocèse avait été le dernier objet de ses pensées et de sa sollicitude.
À Dijon, un service fut célébré pour lui dans la cathédrale, et à Orléans même où l'on avait contesté le pouvoir qu'il tenait, on rendit justice à son caractère modéré, et son éloge fut entendu dans la chaire.
Vers 1860, la défense de la mémoire de l'ancien évêque d'Orléans fut l'occasion d'une joute épistolaire entre Dupanloup (1849-1878), évêque d'Orléans (1849-1878), et Jacques, baron Molroguier (né le - Bourgoin-Jallieu, Isère), proviseur du lycée de Clermont et petit-neveu de Raillon. L'attaque de Dupanloup, eut alors un grand retentissement dans la presse française[2], et donna lieu à la publication d'une brochure intitulée : Jacques, baron Molroguier, Monseigneur Raillon et Monseigneur Dupanloup : de la légitimité des administrations capitulaires des évêques nommés, vol. in-8°, E. Dentu, , 80 p. (lire en ligne).
Mandement qui ordonne que le Te Deum sera chanté dans toutes les églises du diocèse en action de graces de la naissance de sa majesté le roi de Rome, , 7 p. (lire en ligne) ;
Mandement portant que le Te Deum sera chanté dans toutes les églises du diocèse en action de grace des victoires remportées sur la Russie par Sa Majesté l'Empereur et Roi, Rouzeau-Montaut, , 8 p. (lire en ligne) ;
Discours prononcé à la messe du Saint-Esprit pour la rentrée de la Cour royale d'Aix, le , impr. de Pontier fils aîné, , 8 p. (lire en ligne) ;
Ce discours, « bien écrit et bien pensé[2] », fut imprimé sur l'invitation des membres de la cour.
Sa Lettre pastorale du , ses Mandements pour les carêmes de 1833 et 1834, « étaient autant remarquables par la sagesse des conseils et par l'élévation des pensées que par le mérite d'un style toujours élégant et pur[2]. »
Mandement du pour le jubilé :
« Profession de foi, qui peut être comptée parmi les plus honorables témoignages de l'attachement inviolable de l'Église de France au Saint-Siège[2] ».
« J'ai beaucoup connu et beaucoup aimé Mgr Raillon, quoiqu'il soit resté bien peu de temps au milieu de nous. C'était un homme de beaucoup d'esprit et d'un esprit très cultivé. Je n'étais pas son secrétaire. J'étais le secrétaire de l'archevêché ; M. l'abbé Figuier, qui est aujourd'hui chanoine d'Aix, était plus particulièrement attaché à sa personne. Mgr Raillon a laissé quelques ouvrages imprimés, fruits de sa jeunesse. Il en parlait peu. C'étaient des églogues, des apologues dans le genre de Gessner. Il avait publié cela au retour de l'émigration. L'ouvrage capital de Mgr Raillon, celui auquel il avait consacré les plus belles années de sa vie, c'était l'histoire de saint Ambroise. L'ouvrage était fini et prêt à être livré à l'impression, quand il est mort. Les difficultés de sa succession n'ont pas permis aux héritiers de s'occuper de la publication de ce livre. C'est très regrettable, l'ouvrage est excellent. Le succès aurait été assuré si on l'avait publié lorsque la mémoire de Mgr Raillon était vivante. Encore aujourd'hui, je crois qu'il réussirait. J'avais voulu moi-même m'occuper de cette publication, après la mort de Mgr Raillon. II y eut des obstacles insurmontables dans l'état de la succession. Je ne sais plus où sont aujourd'hui les manuscrits. Ils étaient alors à Lyon chez un notaire. »
D'argent, à la bande d'azur, chargée de trois canettes aussi d'argent, au canton de gueules à une croix d'or, qui est le signe particulier des barons-évêques.[2]
Ou
D'argent à la bande d'azur chargée de 3 merlettes, « alias » canettes d'argent, « alias » colombes d'or ; au franc-canton des barons-évêques.[1]
Opinion des chanoines (honoraires) d'Orléans en résidence à Blois,
L'Erreur démasquée ou Réponse au prétendu Triomphe de la vérité et aux Observations religieuses adressées à une dame pieuse par un prêtre catholique ;
Justification de la conduite qu'une très-grande partie des ecclésiastiques d'Orléans vient de tenir à l'égard de M. Raillon nommé par Bonaparte à l'évêché d'Orléans ;
Suite de la Justification de MM. les ecclésiastiques d'Orléans, et Observations sur la Déclaration de MM. les vicaires généraux, concernant la validité des pouvoirs de M. Raillon.
« Ces deux dernières pièces, où la religion ne semble figurer que comme un prétexte et les règles canoniques comme une arme au service des mauvaises passions, avaient pour auteur l'abbé François-Noël-Alexandre Dubois, né le 9 septembre1752, à Orléans, où il est mort le 2 septembre1824, chanoine honoraire et théologal. L'Erreur démasquée, de l'abbé Blandin, est dirigée non contre la validité des pouvoirs de M. Raillon, comme l'ont cru certains polémistes, mais bien contre les erreurs contenues dans une brochure de Pierre-Élie Senli, intitulée Triomphe de la Vérité. Cette brochure préconise les principes schismatiques de la Constitution civile du clergé. Or, M. Raillon, qui avait combattu ces principes en 1792, ne pouvait pas tolérer qu'ils fussent professés publiquement en 1814 par un prêtre placé sous ses ordres : en conséquence, il interdit l'abbé Senli. Quant à YOpinion des chanoines résidant à Blois, ce n'est qu'un grossier pamphlet. »
L'Ami de la religion, vol. 83, Librairie ecclésiastique d'Adrien Le Clere et Cie (lire en ligne)
Jacques, baron Molroguier, Lettre de M. le baron Molroguier, adressée à M. Dupanloup, évêque d'Orléans, à l'occasion d'une lettre de ce dernier au Constitutionnel, contenant des faits blessants pour la mémoire de M. Raillon, ancien évêque d'Orléans, grand oncle du signataire., Mme Vve Pellisson-Niel, , 8 p. (lire en ligne)
Jacques, baron Molroguier, Monseigneur Raillon et Monseigneur Dupanloup : de la légitimité des administrations capitulaires des évêques nommés, E. Dentu, , 80 p. (lire en ligne).
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