Histoire du cinéma allemand de 1910 à 1930L'histoire du cinéma allemand de 1910 à 1930 est la chronologie qui couvre la période la plus prolifique du cinéma allemand. Il doit son développement à la Première Guerre mondiale et atteint un apogée au cours des années 1920 et au début des années 1930 où des films à retentissement mondial sont réalisés. De même, des stars internationales sont révélées, servant parfois de vivier au cinéma hollywoodien. HistoireDes débuts timides jusqu'à la Première Guerre mondialeDurant la première décennie du siècle, le cinéma allemand peine à exister. À la veille de la Première Guerre mondiale, l'Allemagne est certes la deuxième puissance mondiale après les États-Unis, mais en dépit de nombreuses recherches et d'une industrie chimique de premier niveau, l'Empire allemand produit très peu de films et fait pâle figure en Europe face au cinéma français, scandinave ou même italien. Entre 1907 et 1909, deux pionniers du cinéma allemand, Oskar Messter à Berlin et Peter Ostermayr à Munich, se lancent dans la production cinématographique, mais ils ne font pas preuve, à travers cette production, d'une grande originalité. Pourtant, deux grands laboratoires de pellicule, Agfa et Bayer, sont créés durant cette période et les premières stars de cinéma à résonance mondiale sont lancées, dès 1907, par Messter : Paul Davidson, Henny Porten et la Danoise Asta Nielsen, qui sera portée aux nues entre les années 1910 et 1920. Il faut attendre l'année 1913 pour voir un des premiers grands films réalisés en Allemagne : L'Étudiant de Prague (Der Student von Prag) de Stellan Rye et Paul Wegener, à partir d'un scénario de Hanns Heinz Ewers. La même année, un autre pionnier du cinéma allemand, Carl Froelich, réalise son premier film (avec William Wauer), sur Richard Wagner, qui n'égale pas toutefois le film de Rye et Wegener. L’ouverture aux gens de théâtre participe au développement du cinéma allemand, qui se révèle à la veille de la Première Guerre mondiale, alors que les films allemands représentent seulement 15 % des films exploités en salles. Ainsi, un des plus grands metteurs en scène de théâtre de l'Empire, Max Reinhardt s’intéresse au cinéma. On se met également à promouvoir les feuilletons écrits (Serials) à la veille de la guerre, comme les adaptations de ballades de Friedrich von Schiller par Carl Hoffmann. La Première Guerre mondiale et ses conséquencesLa Première Guerre mondiale constitue paradoxalement un moment fort pour le cinéma allemand, qui bénéficie de l'interdiction de la présence des films français et anglais dans les salles. Ainsi, en 1917 est créé une société de production cinématographique, à caractère alors nationaliste : l'Universum Film AG (UFA), alors dirigée par Erich Pommer voit le jour. Sont développées des « super-productions » à l'italienne, favorisée par la montée du chômage, qui donne de ce fait une main d'œuvre et des figurants en grande quantité et qu'on peut mal payer. Le succès du cinéma allemand s'impose et voit naître son âge d'or, qui ne prendra fin qu'au cours des années 1930 : de plus en plus présent en Europe centrale et scandinave, il enterre les prétentions des cinémas suédois et danois d'avoir eux-mêmes de grandes ambitions. Parmi les réalisateurs de la période, Ernst Lubitsch développe le genre de la comédie, Rudolf Biebrach celui du mélodrame et Otto Rippert celui de la science-fiction. En même temps, le succès des Serials promeut le genre du film policier, dans lequel se distinguent le réalisateur Joe May ou l'acteur et réalisateur Harry Piel, et on voit l'apparition de films portant sur l'hygiène et l'éducation sexuelle. Dans les bordels sont également projetés des films érotiques. Certains films comme la série Homunculus d'Otto Rippert, Nuit d'horreur d'Arthur Robison ou encore Nerven de Robert Reinert annoncent le style expressionniste. Le cinéma expressionnisteLa défaite allemande, qui agit aux yeux de la population comme une humiliation et les difficultés matérielles qui s'ensuivent (inflation, chômage, etc.) permet à l'expressionnisme d'acquérir ses formes. En 1920, Le Cabinet du docteur Caligari, est considéré comme le premier film expressionniste[1] : la réalisation en a été refusée à Fritz Lang, ses idées de décors ne plaisant pas aux producteurs. Le nouveau thème dominant est la revendication du « Moi », de l’individu, ce qui contraste avec l'héritage sociologique allemand de l'éducation militaire, hiérarchisée, corporatisée. Modes de représentation expressionnisteLes décors correspondent à l'expressionnisme pictural (par exemple dans Le Cabinet du docteur Caligari) et architectural ; ils sont faits de surface simples sur lesquels le réalisateur peut créer des jeux de lumières. De grandes surfaces et des détails simplifiés sont utilisés, notamment pour mettre en évidence des lignes géométriques. Les films sont toujours tournés en studio (sauf Nosferatu le vampire de Murnau). La lumière tend à symboliser les états d'âme des personnages et styliser les décors : capitale dans ce cinéma d'après-guerre, elle remplace le manque de matériau. Le jeu des acteurs est soit statique, soit mécanique (ils suivent des lignes géométriques, faisant ainsi un raccord avec les décors). Leurs paroles et gestuelles envahissent l’espace. Thèmes de l’expressionnisme
Grands films expressionnistes
Grands réalisateursOn retient, parmi les grands réalisateurs de la période, Friedrich Wilhelm Murnau et Fritz Lang. Le premier, ancien comédien sous la direction du metteur en scène Max Reinhardt a réalisé une vingtaine de films ; il part aux États-Unis en 1926. On retrouve dans son travail le thème prédominant de la nature (qui agit comme une régénérescence) ainsi que la transcendance métaphysique. Le second, qui s'ancre dans des productions de plus grande envergure s'intéresse surtout à l'asservissement de l'Homme par la machine. Réactions à l’expressionnismeLe Kammerspiel FilmLe Kammerspiel film ou « théâtre de chambre » respecte la règle des trois unités : unité de lieu, de temps, d'action. Son représentant le plus notable est Carl Mayer. Alors que le cinéma expressionniste est le cinéma de l’extraordinaire, le Kammerspiel film est le cinéma de l’ordinaire. Ces deux mouvements sont opposés mais parlent tout de même d’une Allemagne contemporaine. L’expressionnisme est plus une métaphore alors que le cinéma Kammerspiel se montre plus réaliste, plus cru. Il conserve les mêmes thèmes et codes de l’expressionnisme (les angles, les cercles, la nuit, le thaumaturge, le somnambule, la jungle urbaine) ainsi que la même mise en forme et les mêmes sujets. Leopold Jessner réalise, avec Paul Leni, L'Escalier de service (Hintertreppe) en 1921). Il réinvente le décor en le rendant mobile et libère le théâtre de son semblant de réalité. Carl Mayer, lui, se lance dans l’écriture inspiré par des faits divers sordides. Il tient à parler de la condition des Allemands qui ne sont pas conscients de leur situation, qui se laissent trop aller, ne prennent rien en main. La seule solution serait le suicide. Par conséquent, il invente des personnages qui se rebellent contre la société. Il écrit pour le cinéma, c'est-à-dire que son écriture n’est pas littéraire. Il s’exprime par les angles de prise de vue, les mouvements de caméra, l'échelle des plans : tout est visuel chez lui. Le Kammerspiel Film va s’épuiser au bout quatre-cinq années, mais porte en avant le Strassen Film. On compte cette trilogie de Mayer :
Le Strassen FilmLe Strassenfilm, comme son nom l'indique, prend la rue comme décors. Le réalisme est ainsi plus cru. Les personnages présentés basculent vers la marginalité. Ils se laissent tenter par l’ivresse de cette rue. Le représentant le plus notable du mouvement est Georg Wilhelm Pabst. La rue est capitale chez lui, il a une volonté de réalisme mais ne veut pas se détacher totalement de l’expressionnisme (avec les thèmes de la rue, de la ville et de la nuit). Ainsi, dans La Rue sans joie (1925), l’action se passe à Vienne, chez Pabst : le pouvoir y est économique, la rue a deux leaders (le boucher et le tenancier de bordel) (qui révèlent tous deux la vraie nature de l’homme). C’est un discours violent, anti-bourgeois, revendicatif. Il tourne aussi deux films à la fin des années 1920 : Loulou (film violent sur les hommes, qui se veut réaliste ; la femme y a le pouvoir de faire tomber les masques) et Trois pages d'un journal, avec Louise Brooks. Il revendique la « Nouvelle Objectivité » (Neue Sachlichkeit). Il cherche à décrire et à comprendre la réalité sociale en s'attachant notamment aux rapports entre les différentes classes de la société. Il traite aussi de sujets en rapport avec la morale et jugés scandaleux à l'époque comme la sexualité, l'avortement, la prostitution, l'homosexualité et la toxicomanie. Fin du cinéma expressionnisteLe cinéma expressionniste disparaît dans les années 1930. Son legs tient surtout dans les jeux de lumière et les décors. Le cinéma réaliste mais aussi le cinéma fantastique américain et surtout le film noir lui succéderont, ce dernier ayant été très influencé par l’expressionnisme. Autres genres et fin de l'âge d'orSe distinguant à la fois de l'expressionnisme et du réalisme, d'autres artistes ou cinéastes explorent des voies nouvelles et ouvrent la voie à un cinéma expérimental à l'image des films dadaïstes de Hans Richter et Viking Eggeling, des films documentaires de Walter Ruttmann, comme Berlin, symphonie d'une grande ville (Berlin: Die Sinfonie der Großstadt, 1927), et des films d'animation d'Oskar Fischinger ou de Lotte Reiniger. De son côté, le réalisateur Arnold Fanck donne naissance, entre réalisme et romantisme, à un genre particulier qui est le cinéma de montagne (voir notamment La Montagne sacrée, avec Leni Riefenstahl). Le prestige du cinéma allemand est tel que, dès la seconde moitié des années 1920, des cinéastes allemands sont invités par les grands studios américains à venir travailler aux États-Unis. Des personnalités aussi importantes que Friedrich Wilhelm Murnau, Paul Leni, Wilhelm Dieterle ou Karl Freund quittent alors l'Allemagne pour les États-Unis. L'apparition du cinéma parlant en Allemagne est suivie de la sortie d'un autre chef-d'œuvre du patrimoine cinématographique mondial : L’Ange bleu (Der blaue Engel) de Josef von Sternberg, tourné en 1930, avec Marlene Dietrich. Ce film marque pourtant la fin de l'âge d'or du cinéma allemand. Quelques mois plus tard, le parti national-socialiste arrive au pouvoir et des réalisateurs, scénaristes et acteurs choisissent l'exil ou y sont contraints. StudiosDans les années 1920, les principaux grands studios allemands sont alors Babelsberg, près de Berlin, et à Geiselgasteig (aujourd'hui les Bavariastudios) (à Munich). À cela, s'ajoute un important système de production autour de la UFA, qui permet au cinéma allemand de rivaliser avec le cinéma américain pour occuper la première place au monde. Quelques acteurs et actrices du cinéma allemand de cette périodeActrices
ActeursNotes et références
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