L'histoire de Mulhouse commence au début du IXe siècle, lorsque la deuxième ville d'Alsace fut mentionnée pour la première fois.
Origines
Les environs de Mulhouse étaient habités depuis le paléolithique, mais le site même qu'occupe aujourd'hui la ville ne présentait pas assez d'avantages pour qu'une agglomération s'y constituât. La première mention de la ville date de l'an 803 lorsqu'un certain Achito fit don de propriétés, dont Mulinhuson (Mulhouse), au monastère de Fulda.
Au XIe siècle, l'évêque de Strasbourg obtient l'administration d'une grande partie du territoire de Mulhouse, détenue jusqu'alors par des abbayes de la région.
Vers 1222-1224, Mulhouse est dotée de privilèges et est élevée au rang de ville[1].
En 1261, les bourgeois se révoltent contre la domination de l'évêque de Strasbourg, qui avait repris la ville entre-temps, et se placent sous l'autorité de Rodolphe de Habsbourg.
En 1308, Mulhouse devient ville impériale. Elle est administrée par un prévôt impérial et un conseil de 12 membres dont 4 nobles et 8 patriciens. La ville occupe alors la surface de l'actuelle vieille ville[2].
Après avoir conclu une série d'alliances avec d'autres villes, Mulhouse adhère à la Décapole en 1354[3].
Les artisans se soulèvent dès 1340 — et à nouveau en 1350 et 1354 — contre le conseil aristocratique. Mais ce n'est qu'entre 1445 et 1449 que les bourgeois des corporations parviennent enfin à expulser les nobles et les patriciens, ceux-ci ayant fait cause commune avec la Maison d'Autriche qui avait fait assiéger Mulhouse par les Écorcheurs. Le conseil de la ville se compose désormais de 12 magistrats élus : Mulhouse s'est transformée en une république bourgeoise.
Mais, attaquée de toute part par les partisans des Habsbourg et notamment par les nobles qui gardaient la rancune de leur expulsion, Mulhouse doit conclure en 1466 une alliance avec Berne et Soleure pour obtenir des renforts de troupes.
En 1523 Mulhouse adhère à la Réforme, qui s'opère par étapes avant d'aboutir en 1529 à l'établissement complet et exclusif du culte protestant.
Après l'incendie de l'hôtel de ville le , un nouvel édifice, celui qui existe encore de nos jours, est construit. La cité-État compte alors environ 2 000 habitants.
Les traités de Westphalie, qui mettent un terme à la Guerre de Trente Ans, donnent l'Alsace à la France, mais Mulhouse reste ville indépendante et alliée aux cantons suisses. Une ère de travail et de paix s'ouvre pour elle.
En 1746, la première manufacture d'indiennes est créée à Mulhouse. C'est le début du développement industriel de la ville qui ne compte alors que 4 000 habitants. Dans les années qui suivent naissent un certain nombre de dynasties industrielles issues du patriciat ancien de la ville, parmi lesquelles les familles Dollfus, Hofer, Koechlin, Mieg, Risler ou Schlumberger, qui émargeront au XIXe siècle dans la haute société protestante[4].
Le , la petite République de Mulhouse se trouvant alors encerclée par la France, ce qui a fini par nuire à son essor économique, s'unit à la France.
XIXe siècle
Pendant tout le XIXe siècle la ville s'accroît à une cadence étonnante et de nouvelles industries naissent. Après les manufactures d'impression de tissus imprimés sont créés les filatures, les tissages, les ateliers de constructions mécaniques et les usines de produits chimiques. De 6 000 habitants en 1798, la population passe à 30 000 en 1850, à 63 000 en 1880 et à 90 000 en 1900.
C'est en 1848 que le nom français de Mulhouse -usité depuis plusieurs années au sein de la bourgeoisie francophone- fut officiellement adopté pour remplacer l'ancien nom germanique de Mülhausen.
Période allemande (1870 à 1918)
En , les Badois occupent Mulhouse. La ville fera ensuite partie, comme l'Alsace tout entière, de l'Empire allemand jusqu'en 1918. Les autorités allemandes appellent la ville Mülhausen im Elsass pour la distinguer d'autres localités du même nom, et surtout de la ville de Mülhausen en Thuringe.
Mulhouse, au même titre que l'Alsace et la Moselle, n'a pas été annexée après 1870. Les préliminaires de paix du et le Traité de Francfort du parlent de cession à l'Empire allemand. Les préliminaires précités (Article 1) stipulent "La France renonce en faveur de l'Empire allemand à tous ses droits et titres sur les territoires..., etc. Il s'agit donc d'une cession et non d'une annexion.
Alfred Dreyfus est né le à Mulhouse. Il est le dernier des neuf enfants de Raphaël Dreyfus[5], industriel mulhousien, et de Jeannette Libmann-Weill. Alfred passe son enfance dans la maison familiale rue du Sauvage.
Ayant le grade de capitaine de l'armée française et ayant le tort d'être Alsacien et de confession juive, il est accusé d'avoir livré aux Allemands des documents secrets et condamné au bagne à perpétuité pour trahison. Il fut déporté sur l'île du Diable.
Certaine de l'incohérence de cette condamnation, la famille du capitaine, derrière son frère Mathieu, tente de prouver son innocence. En Émile Zola publie J'Accuse…!, plaidoyer dreyfusard qui entraîne le ralliement de nombreux intellectuels. Un processus de scission en deux de la France est entamé, qui se prolonge jusqu’à la fin du siècle. Des émeutes antisémites éclatent dans plus de vingt villes françaises. Le pays est bouleversé, certains le voient même en péril, ce qui incite à en finir avec l’affaire Dreyfus pour ramener le calme.
Les conséquences de cette affaire sont innombrables et touchent tous les aspects de la vie publique française : politique (elle consacre le triomphe de la IIIe République, dont elle devient un mythe fondateur[7] tout en renouvelant le nationalisme), militaire, religieux (elle ralentit la réforme du catholicisme français, ainsi que l'intégration républicaine des catholiques), social, juridique, médiatique, diplomatique et culturel (c'est à l'occasion de l'affaire que le terme d'intellectuel est forgé). L'affaire a également un impact international sur le mouvement sioniste au travers d'un de ses pères fondateurs : Théodore Herzl et de par l'émoi que ses manifestations antisémites vont provoquer au sein des communautés juives d'Europe centrale et occidentale. En 1897, Herzl convoque à Bâle le premier congrès sioniste mondial en vue de coordonner l'action politique sioniste au niveau mondial avec pour but la création d'un foyer national juif en Palestine.
XXe siècle
: Le village de Dornach, progressivement rattrapé par l'urbanisation et l'extension des faubourgs industriels de la « cité du Bollwerk », est rattaché à Mulhouse et en devient un quartier. Cette « incorporation », fruit de plusieurs années de démarches, fut célébrée par trois jours de fête (du au ) et par un défilé en costumes historiques.
Le , le général français Louis Bonneau (1851-1938) reçut l'ordre d'entrer en Haute Alsace et, dès le lendemain, les Français firent leur entrée en ville.
Mais le repli allemand n'était que provisoire et, le , une contre-attaque fut déclenchée à partir du nord et de l'est de la ville. Une violente bataille dura toute la nuit, obligeant les troupes de Bonneau à quitter la ville dès le lendemain.
Malgré une nouvelle offensive française (du au ), marquée par de violents affrontements devant Dornach et un éphémère retour à Mulhouse, les Allemands reprirent durablement la ville dès le : les troupes françaises ne purent en effet revenir avant le . Quant aux civils, il souffrirent des prises d'otages effectuées par les deux camps belligérants et se divisèrent, en simplifiant beaucoup, entre « vieux-allemands » plutôt favorables au Kaiser et « autochtones » plutôt francophiles.
Le retour à la France (1918 à 1919)
En , alors que l'Allemagne était en train de perdre la guerre, des insurrections éclatèrent parmi les soldats qui s'inspirèrent du modèle soviétique pour mettre en place des conseils. À Mulhouse, un camarade Gallem fut le porte-parole d'un éphémère conseil des soldats (existant du au ), bientôt imité par une tentative tardive de conseil d'ouvriers (). La réaction de la bourgeoisie et du maire Joseph Cossmann, qui mit en place une milice bourgeoise, puis l'entrée en ville des soldats français mirent fin à cette agitation révolutionnaire.
La Seconde Guerre mondiale débute en septembre 1939, ne devient de "haute intensité", dans la région mulhousienne qu'au printemps 1940. L'envahissement de l'Alsace commençant vers mi-juin 1940[8]. Après la défaite française, marquée par la signature de l'armistice du 22 juin 1940, l'Alsace est annexée de « facto » par l'Allemagne nazie, permettant à la dictature allemande de récupérer le territoire alsacien et d'effacer la défaite de la Première Guerre mondiale. Le régime hitlérien s'abat avec toute sa terrible dureté sur Mulhouse.
En 1944, la ville subit quatre bombardements aériens par les alliés, les et , puis les et , qui provoquèrent la mort de près de 350 personnes au total. Ces bombardements visèrent principalement les deux gares mulhousiennes mais, par suite de l'imprécision des tirs, d'importants dégâts furent provoqués dans différents quartiers de la ville[9].
La Libération
: Les combattants de la 1re armée française, déferlant à travers le Sundgau en blindés, s'arrêtent aux portes de Mulhouse du côté du Rebberg où les premiers coups de feu sont entendus vers 16h. Les Allemands fuyant dans leurs voitures vers le nord et l'est.
Dans la soirée du , les blindés de la 1re Division Blindée du général Jean Touzet du Vigier, précédée par le combat command 3 du colonel Jean-Charles Caldairou, arrivant de Pfetterhouse et de Kembs, sont aux abords immédiats de la ville: La ville de Mulhouse est libérée !
: les armées françaises sous le commandement du général de Lattre de Tassigny, venant de Bruebach et Zimmersheim dans les blindés de la Ire division blindée, pénètrent à vive allure dans Mulhouse à partir de 8h du matin dans l'enthousiasme général. La surprise des Allemands est complète et l'état major de la 19e armée allemande n'a que le temps de plier bagages. À la Feldpost, une soixantaine d'allemands occupés à trier du courrier, et qui prenaient les tirs des Français pour des exercices de leur artillerie, sont capturés par le colonel Jean-Charles Caldairou lui-même[10]. Les nids de résistance allemande, en particulier autour des casernes, sont nettoyés par l'armée et les FFI. Les administrations et maisons particulières sont nettoyées de leurs accessoires nazis, deux énormes bûchers, place de la Réunion et faubourg de Colmar, servant à brûler toutes les effigies allemandes.
Des combats locaux durent jusqu'au pour le nettoyage complet de la ville[11].
Le paraît le nouveau quotidien l'Alsace qui remplace le "Mülhauser Tagblatt" (principal quotidien de Mulhouse avant-guerre) accaparé par l'occupant nazi qui l'avait transformé en leur principal organe de propagande officielle.
Le la commune voisine de Bourtzwiller est rattachée à Mulhouse dont elle devient un quartier[13].
De l'après-guerre à l'an
à : les secteurs détruits, par les bombardements de , allant de la gare à la porte de Bâle sont reconstruits. Les nouveaux immeubles, dont le très original bâtiment annulaire, sont l'œuvre d'architectes comme Pierre-Jean Guth très proches d'Auguste Perret donnant un style architectural proche du centre-ville reconstruit du Havre.
: Première cavalcade du carnaval de Mulhouse, grande animation populaire qui attire des dizaines de milliers de personnes. Depuis lors, c'est un évènement festif majeur de la ville[14]
: Inauguration de la Tour de l'Europe[15]. Haut de 100 m, ce « gratte ciel » est imaginé par l'architecte mulhousien François Spoerry, dès la fin des années 1950, pour être le point d'orgue du nouveau quartier, qui remplace les usines en friche, dit de la « Dentsche ». De forme triangulaire, la tour rend hommage à la position frontalière de Mulhouse, à la jonction de trois pays : la France, l'Allemagne et la Suisse. c'est le plus haut bâtiment habité de la ville.
: La débâcle économique du groupe textile dirigé par les frères Schlumpf crée de graves tensions sociales. Des syndicalistes pénètrent sans autorisation dans leur usine (avenue de Colmar) où est accumulée une grande collection de voitures anciennes (principalement du constructeur Ettore Bugatti). Le syndicat CFDT baptise le musée « Musée des travailleurs ». Les employés occupent le site pendant deux ans en réclamant la vente de la collection pour combler le déficit de leur employeur. C'est « L'affaire Schlumpf » qui aboutira à la confiscation de l'extraordinaire collection de voitures. Le Conseil d'État fait classer, le , la collection Schlumpf à l'inventaire des monuments historiques.
: près du Hasenrain (rue Charles-Péguy), on retrouve dans le coffre d'une Audi 100, le corps sans vie de Hanns Martin Schleyer, chef du patronat d'Allemagne de l'Ouest. Il a été assassiné la veille, le , par des membres du groupe terroriste d'extrême-gauche de la Fraction armée rouge qui l'avait enlevé, le , à Cologne, après une fusillade où trois gardes du corps perdirent la vie. Le lieu exact de sa mort n'est pas connu[18].
: Le pape Jean-Paul II effectue une visite officielle en Alsace du au [21]. Il passe quelques heures à Mulhouse où il célèbre, au stade de l'Ill, une messe devant une assistance nombreuse. Dans son homélie[22], il évoque la ville du labeur, il parle de la doctrine sociale de l’Église inspirée par le pape Léon XIII dans l'encyclique Rerum Novarum. Il met en exergue deux prêtres mulhousiens Landolin Winterer et Henri Cetty qui ont été très actifs, à cette époque-là, avec la population ouvrière mulhousienne dans ce catholicisme social.
: Arlette Grosskost (UMP) est élue député de la cinquième circonscription du Haut-Rhin. C'est la première femme à accéder, à ce mandat électif, à Mulhouse. Elle est réélue deux fois de suite (2007 et 2012).
: Fermeture de la mine « Amélie » à Wittelsheim qui marque la fin définitive de l'extraction de la potasse[25]. S'achève ainsi, l'aventure minière des Mines de potasse d'Alsace qui a profondément marqué le nord de l'agglomération mulhousienne depuis le début du XXe siècle.
: une importante explosion au gaz provoque la destruction d'un bâtiment d'habitation de quatre étages au 12 rue de la Martre, faisant 17 victimes.
: inauguration du tram-train et fête populaire du tram. L'accès aux deux lignes du tram-train est ouvert au public. L'inauguration officielle a lieu le [26] avec la visite du président Jacques Chirac.
: fermeture du dernier commerce de type grand magasin le « Globe », rue du Sauvage. S'achève ainsi une longue histoire débutée en 1910.
: une manifestation en hommage aux victimes de l'attentat contre le journal Charlie Hebdo rassemble près de 25 000 personnes place de la Réunion[27].
: Michèle Lutz (LR) est élue, par le conseil municipal, maire de Mulhouse. Cela à la suite du départ de Jean Rottner, le maire élu en 2014 dont elle était la première adjointe, qui devient président de la région Grand Est. Elle est réélue maire, en 2020, cette fois par la voie du suffrage universel. Michèle Lutz est une des rares femmes dirigeant en France, une commune de plus de 100 000 habitants.
: fermeture de l'imprimerie du journal « l'Alsace » qui prive la ville, pour la première fois depuis des décennies, d'une activité d'impression de presse écrite de masse[28].
: l'épidémie de la Covid-19 commence à apparaitre à Mulhouse. Un rassemblement religieux évangélique dans le quartier de Bourtzwiller est frappé par de nombreuses contagions. La ville devient rapidement un des foyers les plus virulents de la pandémie en France[29].
: la situation devenant très critique, le président Emmanuel Macron vient à l'hôpital du Moenschberg. Il annonce que l'armée viendra renforcer par un hôpital de campagne, les équipes soignantes débordées[30].
: la première vague de la pandémie, très meurtrière dans la région mulhousienne[31], diminue fortement. Le dernier patient quitte l'hôpital de campagne[32].
Sources et références
↑Jean-Marie Cauchies, Faire bans, edictz et statuz : Légiférer dans la ville médiévale. Sources, objets et acteurs de l'activité législative communale en occident, ca. 1200-1500. Actes du colloque international tenu à Bruxelles les 17-20 novembre 1999, Publications Fac St Louis, , 700 p. (ISBN978-2-8028-0141-2, lire en ligne)
↑Olivier Richard, « Vogler (Bernard) dir., La Décapole. Dix villes d’Alsace alliées pour leurs libertés 1354-1679. Strasbourg, La Nuée Bleue, 2009 », Revue d’Alsace, no 136, , p. 447–448 (ISSN0181-0448, lire en ligne, consulté le )
↑Michel Hau et Nicolas Stoskopf, Les Dynasties alsaciennes du XVIIIe siècle à nos jours, Perrin, , 607 p. (ISBN9782262015886), p. 25-28
↑Diener, Amandine, « Le quartier et la tour de l’Europe à Mulhouse (1959-2015). Perspect... », In Situ. Revue des patrimoines, Ministère de la culture et de la communication, direction générale des patrimoines, no 38, (ISSN1630-7305, DOI10.4000/insitu.20178, lire en ligne, consulté le ).
↑Le Monde, « Le sommet de Mulhouse François Mitterrand et Helmut Kohl ont célébré l'amitié franco-allemande », Le Monde, (lire en ligne, consulté le ).