Le Sud-AfricainJan Smuts est envoyé pour parlementer avec Béla Kun, mais pour ce dernier, le retrait de l'armée roumaine au sud de la rivière Mureș est un préalable à toute négociation : cela lui aurait permis des jonctions avec la Russie soviétique, conformément aux directives de Lénine[20].
Les 15 et , Béla Kun lance une offensive préventive contre les armées coalisées contre lui, mais l'armement hérité de l'armée austro-hongroise et les munitions sont insuffisants ; quant aux bolchéviks russes, ils sont engagés dans la guerre civile russe. L'Armée rouge hongroise avance néanmoins dans le Körösvidék car les coalisés aussi sont exsangues. Le front se stabilise dans les Carpates occidentales roumaines. L'armée roumaine reçoit armes et munitions de France par la mer Noire et fin avril, elle brise les lignes hongroises, met fin à la petite république de Károly Kós et atteint la rivière Tisza. Le , le gouvernement de Béla Kun demande la trêve.
Béla Kun prépare cependant une contre-attaque : le , l'Armée rouge hongroise attaque et repousse les troupes franco-serbes, tchécoslovaques et roumaines. Mais, faute de munitions, cette seconde attaque de Kun contre les coalisés, menée entre le 17 et le , tourne au désastre : le 26, les armées roumaine et française atteignent de nouveau la rive est (gauche) de la Tisza et, dans la nuit du 29 au , traversent cette rivière et avancent sur Budapest mettant l'Armée rouge hongroise en déroute. L'armée nationale hongroise(hu) et les troupes roumaines sont à Budapest en , évinçant le régime communiste au profit du gouvernement hongrois de Gyula Peidl, dont le ministre conservateur Miklós Horthy met en place une « terreur blanche » qui durera environ un an ; en revanche, les Français évitent d'entrer dans la capitale hongroise[22].
Chronologie
Préalable (décembre 1918) : à la suite de l'union de la Transylvanie à la Roumanie, l'armée roumaine prend position en Transylvanie et dans le Nord-Est du Banat.
Première phase (avril 1919) : l'Armée rouge hongroise tente de récupérer ces régions mais les Roumains contre-attaquent et atteignent la rivière Tisza.
Le laps de temps allant de l'union de facto des Roumains transylvains à la Roumanie () au traité de Trianonde jure (1920) est présenté de manière différente selon les sources secondaires :
Pour l'historiographie nationaliste hongroise et, à sa suite, internationale, toute cette période est une guerre nationale et territoriale d'une durée d'un an et demi (déc. 1918-juin 1920) entre la Hongrie et la Roumanie, ayant pour enjeu l'appartenance de la Transylvanie à la « Grande Hongrie » ou à la « Grande Roumanie » ; entre le et le traité de Trianon, la Transylvanie est un « territoire hongrois sous occupation militaire roumaine » : c'est la présentation adoptée dans les ouvrages en magyar, et dans nombre de textes anglais et allemands entre autres[23].
Pour l'historiographie roumaine, il n'y a eu ni déclaration de guerre, ni opérations militaires avant et après , donc la guerre ne s'inscrit qu'entre ces deux dates. Ainsi le laps de temps entre le et le traité de Trianon est, en Transylvanie, une « période de cogestion hungaro-roumaine » puisque le pays est conjointement administré par le « Conseil national des Roumains de Transylvanie, Banat, Crișana et Maramureș » (Consiliul Dirigint), le gouvernement hongrois d'Oszkár Jászi(en) et l'état-major du général roumain Alexandru Averescu[24],[25]. Quant à la prise de Budapest, elle marque la fin de l'« oppression séculaire » des Roumains d'Autriche-Hongrie[26] et le « début d'une nouvelle ère »[27].
↑Virgil Arifeanu, (ro) Răsboiul nostru contra Ungurilor, annales du IIe corps d'armée n° 9508 du 30 Sept. 1924, Institutul de Arte Grafice “Mihail Eminescu” S.A., Bucarest 1924.
↑À vérifier s'il y a un lien de parenté avec Maurice Pellé également engagé dans la région.
↑Yves de Daruvar, Le Destin Dramatique de la Hongrie — Trianon ou la Hongrie écartelée, Éd. Albatros, Paris 1971.
↑Peter Pastor, « La mission Vix en Hongrie, 1918-1919 : un réexamen », in : Slavic Review, vol. 29, 1970, éd. 3, pp. 481–498, [1].
↑Michel Sturdza, ancien ministre des Affaires étrangères de Roumanie, The Suicide of Europe, Western Islands Publishers, 1968, p. 22, Belmont, Massachusetts, États-Unis, Library of Congress Catalog Card Number 68-58284.
↑József Breit, (en) « Hungarian Revolutionary Movements of 1918-19 and the History of the Red War », Vol. I of Main Events of the Károlyi Era, Budapest 1929, pp. 115-16.
↑Jean-Paul Bled, art. « Le Banat : panorama historique » dans Études germaniques n° 267, vol. 3, 2012, pp. 415-419, doi=10.3917 - eger.267.0415, [2].
↑J. M. Meyer (dir.) (en) The Trotsky Papers, 1917-1922, vol. 1, La Haye 1964, p. 375, et trois jours plus tard, via Rakovsky et Vatzetis, le Bureau politique du Comité central du Parti communiste russe ordonne au commandant du front ukrainien Antonov-Ovseïenko l'“établissement d'une jonction avec la Hongrie soviétique“, télégramme du 25 avril cité dans M. Gorky et al.: Histoire de la guerre civile, vol. 4, Moscou 1959, p. 71.
↑Philippe Henri Blasen, « Pocuce, injuste prius detractum, recepit… Rumänische Ansprüche auf die südostgalizische Gegend Pokutien ? » dans Analele Bucovinei, 1/2014.
↑À l'issue de la guerre, c'est dans toute l'Europe que des Conseils de soldats et d'ouvriers se forment et proclament, de façon éphémère, la révolution socialiste : voir par exemple Novembre 1918 en Alsace. Comme en Hongrie, la plupart échouent, les positions des socialistes les plus radicaux effrayant la bourgeoisie et les classes moyennes.
↑Article (de) « Die Banater Republik », in : Heimatortsgemeinschaft Groß-Jetscha, p. 33 - jetscha.de (PDF; 8,4 MB)
↑Télégramme de Lénine, le 22 avril 1919, à Joachim Vatzetis, commandant de l'Armée rouge : “Une avance à travers la Galicie et la Bucovine est essentielle pour l'objectif d'établir un contact avec la Hongrie soviétique“, cité dans J. M. Meyer (dir.) (en) The Trotsky Papers, 1917-1922, vol. 1, La Haye 1964, p. 375, et trois jours plus tard, via Rakovsky et Vatzetis, le Bureau politique du Comité central du Parti communiste russe ordonne au commandant du front ukrainien Antonov-Ovseïenko l'“établissement d'une jonction avec la Hongrie soviétique“, télégramme du 25 avril cité dans M. Gorky et al.: Histoire de la guerre civile, vol. 4, Moscou 1959, p. 71.
↑La guerre contre Béla Kun de la coalition antibolchévique a été ultérieurement qualifiée par les sources secondaires hongroises révisionnistes de « guerre entre la Hongrie et la Roumanie pour la Transylvanie » mais « sans opérations militaires » (sic) avant mars et après août 1919 ; cette présentation occulte les autres intervenants de la coalition et le contexte géopolitique décrits par József Breit, Hungarian Revolutionary Movements of 1918-19 and the History of the Red War, Vol. I : Main Events of the Károlyi Era, Budapest 1929, p. 115-16.
↑Jean-Noel Grandhomme, La Roumanie de la Triplice à l’Entente, éd. Soteca, Paris 2009
↑Michel Sturdza, ancien ministre des Affaires étrangères de Roumanie, The Suicide of Europe, Western Islands Publishers 1968, p. 22, Belmont, Massachusetts, États-Unis, Library of Congress Catalog Card Number 68-58284.
↑En Transylvanie, en 1366, l’édit de Torda émis par le roi Louis Ier de Hongrie, redéfinit l’accessibilité à la congregatio generalis (société transylvaine) et à la Diète (assemblée transylvaine), désormais conditionnée par l’appartenance à l’Église catholique. Bien que l’édit de Torda ne le mentionne pas ouvertement, cela en exclut les orthodoxes, obligeant les joupans et boyards roumains à se convertir et se magyariser, ou à s’exiler en Moldavie ou Valachie. La fin des franchises roumaines et de la plupart des duchés autonomes valaques (țări ou vlachfölds) abandonnés par cette noblesse, place les Roumains orthodoxes de Transylvanie en situation de servage : en 1437 ils se joignent à la jacquerie de Bobâlna. La répression exercée par la noblesse hongroise l’année suivante scelle l’« Union des trois nations » qui exclut la noblesse roumaine de la vie politique transylvaine et crée un ordre social foncièrement inégalitaire où la religion orthodoxe n'est plus que tolerata et non recepta, de sorte que seuls les catholiques (magyars, sicules et saxons) sont reconnus comme « nations », tandis que les orthodoxes roumains sont asservis : cf. Alexandru Cihac, Dictionnaire d'étymologie daco-romane, Volume 1, éd. Rudolf St-Giar, Frankfurt am Main 1870-1879.
↑Constantin Kirițescu, Istoria războiului pentru întregirea României 1916-1919 (« Histoire de la guerre pour l'unification de la Roumanie 1916-1919 »), vol. III, chap. 3, éd. “Cartea Românească”, Bucarest 1929 et Editura Științifică și Enciclopedică, 1989. « Eram, între toți aliații noștri, singurii, pe cari Dumnezeu îi învrednicise să cucerească prin luptă capitala dușmanului lor de căpetenie. Ceeace nu fusese îngăduit marilor noștri prieteni, ne fusese nouă, celor mici și crud încercați. Ne-a fost dat nouă, urmașii iloților valahi, să avem satisfacția supremă de a răsbuna umilințele și suferințele atâtor generații de strămoși, să putem intra ca stăpâni în capitala trufașului opresor, și, ținându-l îndoit subt genunchiul nostru, să-l silim să recunoască venirea vremurilor nouă. Când visurile sunt întrupate, nedreptățile de veacuri sunt răsbunate. » (« Nous étions, parmi les Alliés, les seuls auxquels Dieu permit d'entrer par le combat dans la capitale de notre principal ennemi. Ce qui ne fut pas donné à nos grands amis, nous fut permis à nous, les petits durement éprouvés. Il nous fut donné à nous, les descendants des hilotes valaques, d'avoir la satisfaction suprême de venger l'humiliation et les souffrances de tant de générations d'ancêtres, de pouvoir entrer en maîtres dans la capitale de l'orgueilleux oppresseur et, le tenant courbé sous notre genou, de l'obliger à reconnaître l'avènement d'une nouvelle ère. Quand les rêves se réalisent, les injustices séculaires sont vengées »).
↑Jean-Noël Grandhomme, Michel Roucaud et Thierry Sarmant (préf. André Bach), La Roumanie dans la Grande Guerre et l'effondrement de l'Armée russe : édition critique des rapports du général Berthelot, chef de la Mission militaire française en Roumanie, 1916-1918, Paris, Harmattan, coll. « Aujourd'hui l'Europe », , 461 p. (ISBN978-2-7475-0154-5, OCLC716779359, lire en ligne), p. 392-394.
↑József Breit, Hungarian Revolutionary Movements of 1918-19 and the History of the Red War, Vol. I : Main Events of the Károlyi Era, Budapest 1929, p. 115-16
↑Jean Bernachot, Les armées françaises en Orient après l'armistice de 1918, tome 1 « L'armée française d'Orient, l'armée française de Hongrie », Service historique de l'armée de terre, 1970
↑Jean-Claude Dubois, Souvenirs de la Grande Guerre du général Henri-Mathias Berthelot, éd. Paraiges Histoire, Paris 2018