Girolamo RuscelliGirolamo Ruscelli
Girolamo Ruscelli, né à Viterbe vers 1500 (ou 1518), mort à Venise en 1566, est un écrivain polygraphe italien, ayant participé à la vie littéraire de Venise et ayant publié sous un pseudonyme un livre de secrets qui connut un succès éclatant dans toute l'Europe. L'ouvrage intitulé De' secreti del reverendo donno Alessio Piemontese est une compilation de recettes de fabrications de remèdes et produits cosmétiques, révélatrices de la culture humaniste de la Renaissance, soucieuse de disposer de produits mettant en valeur la beauté du corps, la parure et préservant la santé. L'ouvrage écrit en italien, témoigne en outre de la volonté d'offrir au plus grand nombre, les savoir-faire les plus divers, afin que chacun puisse en bénéficier après qu'ils ont été librement expérimentés et évalués. BiographieJérome Ruscelli est né dans une famille pauvre de Toscane à Viterbe, aux alentours des années 1500, ou bien plus tard suivant une source paroissiale qui donne l'année 1518[1]. Il fut placé à la cour du Marino Grimani patriarche à Aquilée où il reçut une éducation classique[2]. Après une formation à l'université de Padoue, Ruscelli suit le cardinal Grimani à Rome où il fonde en 1541 une académie littéraire Accademia dei Sdegnati. Il se fixe ensuite à Naples où il entre au service d'Alfonso de Ávalos, le puissant marquis de Vasto, militaire du royaume de Naples au service de l'Espagne. Ruscelli se fait remarquer comme un courtisan distingué, jouant le rôle d'ambassadeur ou de poète de cour, invité au salon de Maria d’Aragona, la marquise de Vasto. Ruscelli se décide à quitter Naples après la mort du marquis en 1546, et l'émeute de 1547 qui suivit l'annonce de l'arrivée de l'Inquisition. Il choisit d'aller à Venise pour se joindre à la communauté littéraire de la cité. Il se lie à des imprimeurs-éditeurs de la cité, comme polygraphe, c'est-à-dire écrivain qui au début de l'imprimerie, gagnait sa vie en faisant des corrections, des traductions, des plagiats ou bien en écrivant des œuvres originales. Les éditeurs vénitiens offraient aux hommes de lettres le moyen de vivre de leur plume sans être dépendants des cours princières. Cette liberté était très appréciée des auteurs d'origine modeste mais elle prit fin quand l'Inquisition commença à imposer la censure. Ruscelli publia d'abord plusieurs opuscules chez l'imprimeur libraire de Venise, Plinio Pietrasanta. Ainsi en 1553, Tre discorsi a M. Lodovico Dolce[3] sont des discours critiques dirigés contre un autre polygraphe Ludovico Dolce travaillant chez Giolito[n 1]. Il fallut tous les efforts de leurs amis pour mettre un terme à leur querelle[4]. Il publie aussi des anthologies de poésies avec des dédicaces aux femmes poétesses. Il traduit en italien la Géographie de Ptolémée, ainsi que des traités de guerre, d'orthographe ou sur la dignité des femmes. Il entretient une correspondance avec plusieurs de ses contemporains comme le poète Bernardo Tasso. En 1554, l'Inquisition infligea à son éditeur une amende ruineuse, pour un de ses poèmes satiriques[n 2]. La plupart de ses œuvres ultérieures furent publiées par Vincenzo Valgrisi. Mais Ruscelli n'était pas qu'un amateur de littérature, c'était suivant un autre polygraphe contemporain, Francesco Sansovino, un esprit curieux s'intéressant à l'alchimie, la médecine ou la minéralogie. En 1555, il publie sous un pseudonyme le Secreti del R. D. Alessio Piemontese une compilation de recettes « secrètes » de fabrication de remèdes, de lotions, de pigments, d'imitation de pierres précieuses. L'ouvrage allait devenir le livre de secrets le plus célèbre de l'époque moderne, un modèle pour un genre littéraire nouveau. Dans toute l'Europe, ce fut un succès de librairie considérable puisqu'à la fin du siècle, déjà plus de 70 éditions avaient été publiées en italien et en traduction française, allemande, néerlandaise, anglaise, espagnol, polonaise et latine[2]. En 1559, il publie un dictionnaire de rimes Del modo di comporre in versi nella lingua italiana, longtemps réimprimé en Italie. Girolamo Ruscelli décède en 1565 ou 1566, à Venise. Il fut enseveli dans l'église Saint Luc, à côté de Dolce et d'Atanagi, ses émules. ŒuvresRuscelli fut un auteur prolifique[4] mais son œuvre qui eut le plus de succès, Secreti del R. D. Alessio Piemontese , fut publiée sous le pseudonyme d'Alexis de Piémont. Il traduisit en italien la Géographie[n 3] de l'astronome grec Claude Ptolémée (90-168) et des ouvrages sur la guerre, l'orthographe ou la dignité des femmes[2]. Ruscelli qui était un grand collectionneur de « secrets » amassa un nombre considérable de recettes non publiées d'alchimie, de cosmétique, de minéralogie et de médecine. Il laissa à sa mort un manuscrit qui rassemblait un millier de recettes de toutes sortes. En 1567, son neveu le publia sous le nom de Secreti nuovi. C'est dans le préambule de ce texte que Girolamo Ruscelli indiqu'il est le véritable auteur de De Secreti del R.D. Alessio Piemontese. Il précise que les recettes ont été collectées et testées par une académie qu'il avait fondée dans « une ville célèbre » du royaume de Naples. Accademia SegretaCette société savante nommée Accademia Segreta comportait 24 membres actifs et avait la protection d'un noble local[2]. Elle se réunissait dans une maison sur une terre donnée par le prince mécène. Elle comportait un laboratoire (lavoratorio) pour mener les expériences. La société employait des artisans, comme des apothicaires, orfèvres, parfumeurs, herboristes et jardiniers, pour assister les sociétaires dans leurs expériences. Les objectifs de l'académie étaient, dit-il, « de mener avec application des enquêtes et de faire, pour ainsi dire, une vraie anatomie des choses et opérations de la Nature elle-même » et de nous fournir un cadre où nous pouvions « nous consacrer...à réduire à la certitude ou à une connaissance vraie de si nombreux secrets importants et utiles, pour toute sorte de gens, riches ou pauvres, savants ou ignorants, hommes ou femmes, jeunes ou vieux ». (Secreti nuovi fol. 3v). Ruscelli précise que les académiciens avaient défini une méthode pour conduire les expériences en trois essais. Le lecteur moderne à la lecture des recettes, s’aperçoit que ce programme de recherche ambitieux n'a pu être réalisé de la même manière pour évaluer les remèdes que pour juger de la faisabilité des procédés techniques pour fabriquer des parfums, des lotions cosmétiques ou des confitures. Cependant cette « méthode expérimentale », aussi fruste soit-elle, marque un vrai changement d'état d'esprit, une volonté de mettre à la disposition de tous l'information pour que chacun puisse essayer aussi par lui-même et ainsi de s'affranchir du savoir académique écrit en latin. Plutôt que de s'appuyer sur des arguments d'autorité, Ruscelli défend l'idée de discuter des problèmes dans une société savante, d'effectuer des essais et de publier les résultats en langue vernaculaire. Cette démarche s'est d'abord faite à la marge des cercles universitaires, principalement sur des domaines de technologie artisanale. Cette nouvelle attitude révèle une étape significative dans le développement du concept d'expérience, allant des réflexions du philosophe et alchimiste Roger Bacon jusqu'au coup de maître des expériences de Galilée qui allaient permettre la formation de la science mécanique[2]. Pour le Doctor mirabilis du XIIIe siècle, Bacon, la science expérimentale (scientia experimentalis) permet d'aller au-delà de la science spéculative et en particulier de découvrir des secrets de la nature, restés hors d'atteinte des sciences de son époque. Aux alentours de 1600, Galilée réussit par l'analyse systématique de quelques expériences simples[n 4] à écarter les idées les plus stériles venant d'Aristote et à établir les principes fondamentaux de la mécanique classique[5]. Certes la méthode de géométrisation du mouvement de Galilée n'est pas extensible à toutes les sciences mais à travers l’œuvre de Galilée « c'est bien la conception qu'on avait depuis vingt siècles de la rationalité scientifique qui change brusquement de visage et prend pour l'essentiel les traits que nous lui connaissons dans la science classique » (Clavelin[6], 1996). Actuellement, on ne peut mettre sur le même plan, l'évaluation thérapeutique des remèdes qui relève de la science médicales, et l'évaluation des procédés technologiques utilisés dans la fabrication de parfums ou de savons. Si Ruscelli est très éloigné temporellement de Bacon (3 siècles), ses tâtonnements expérimentaux restent encore très proches des scientia experimentalis de Bacon, par contre s'il est temporellement très proche des expériences de Galilée (4 décennies), un gouffre sépare ses expériences de la méthode galiléenne, car il faudra attendre les progrès théoriques apportés par la chimie, la biologie, la statistique et les autres sciences de la nature pour approcher la possibilité de tester méthodiquement des hypothèses théoriques par des expériences dans le domaine de la pharmacologie[n 5]. Par contre avec ses recettes technologiques, même si elles viennent directement du Moyen Âge, Ruscelli marque un changement dans la manière de les recevoir. Jusque-là les manuscrits (en latin) de recettes secrètes du Moyen Âge (comme Mappae Clavicula) étaient recopiés dans les monastères par des moines-copistes qui ne comprenaient pas grand chose aux procédures qu'ils reproduisaient et qui n'hésitaient pas à en modifier au besoin certains points. En lisant Secreti d'Alessio Piemontese, on comprend que l'auteur a manifestement procédé lui-même à des essais. Secreti del R. D. Alessio Piemontese, 1555Pour une analyse précise de De' secreti del reverendo donno Alessio Piemontese (Les Secrets d'Alexis de Piémont) voir : Le livre des Secrets publié sous le pseudonyme d'Alessio Piemontese[7] est une collection de recettes de fabrication de remèdes, de parfums, de savons, de lotions cosmétiques, de confitures et de produits d'orfèvrerie. Ces notices s'enchaînent sans être liées par un discours d'ensemble. Elles sont le prototype d’un genre littéraire à part entière, nommé les « livres de secrets », qui allaient connaître un franc succès dans les décennies suivantes. De 1555 à 1699, Eamon[2] a repéré pas moins de 104 éditions et traductions française[8], anglaise, allemande, néerlandaise, anglaise, espagnole, polonaise et latine. Liste des œuvres
Notes
Références
Voir aussiArticles connexesLiens externes
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