Lara, adolescente belge introvertie de 15 ans, s'impose une discipline stricte pour devenir danseuse étoile. Avec l'appui de sa professeure de danse classique qui croit en elle, elle va au bout de ses possibilités physiques par un travail acharné, supportant avec stoïcisme les souffrances que lui infligent ses pieds meurtris. Jeune femme trans, assignée homme à sa naissance, elle prend la décision de s'hormoner et d'avoir recours à de la chirurgie, avec l'appui de son père bienveillant et compréhensif. Mais elle perd patience quand la thérapie hormonale s'avère trop lente. En outre, les moqueries de ses camarades de danse, qui veulent à tout prix la voir nue, et ses premiers émois amoureux teintés de honte et quelque peu chaotiques, rendent son parcours professionnel, les rapports humains et son équilibre mental très fragiles.
Sur Netflix, le film est précédé d'un message avertissant qu'il « traite de sujets sensibles et inclut du contenu sexuel et une scène d'automutilation », et invitant les téléspectateurs à obtenir plus d'informations auprès d'associations LGBT[1].
Le scénario s'inspire de l'histoire vraie d'une danseuse trans, la Belge Nora Monsecour, qui d'après Dhont, ne voulait pas être filmée, mais a contribué à l'écriture du script[2].
En France, l'accueil des professionnels du cinéma est généralement très positif[10], y compris dans une partie de la presse LGBT[11]. Télérama évoque un « premier film saisissant et maîtrisé », qui « défend une vision très physique de l’identité sexuelle — qui n’est pas celle de tous les trans »[7]. Les Inrocks : « une réussite à plus d’un titre »[12]. L'Express : « une œuvre sensible autour de la question du genre » et « un beau film sur la danse, cet art où la question de l'identité entre filles et garçons recèle une part certaine d'ambiguïté »[6]. Libération considère que le film « prend illico ses distances avec les attendus du drame social misérabiliste » et qu'il « se déploie comme un portrait introspectif distingué »[13] et Le Figaro : « il éclate d'intelligence, scrute une nature injuste, marche au bord des gouffres avec une légèreté de libellule »[14]. 20 minutes félicite la prestation de Victor Polster, « un acteur époustouflant »[15]. Son interprétation est aussi saluée par la presse internationale[16],[17],[18],[19]. Les critiques de l'émission Le Masque et la Plume adorent unanimement le film[20].
Reproches venant d'associations LGBT
Le film est très critiqué par certaines associations LGBT ou par des personnalités de la recherche sur la transidentité[21],[22], même si un commentateur, tout en rappelant que Lukas Dhont avait « une responsabilité », considère qu'il n'a pas agi avec malveillance et qu'il n'a pas été conscient de ce qu'elles considèrent être les biais de son film[23]. Certains s'indignent à l'idée qu'il aurait pu recevoir un Oscar[24],[25],[26].
De nombreux commentateurs reprochent au film de se montrer voyeuriste[27],[28],[26]. Dans The Hollywood Reporter, un chroniqueur connu pour sa défense des droits des personnes trans dit du film qu'il est « un pas en arrière radical pour la représentation des trans à Hollywood », « voyeuriste », « sadiste » et délivrant « un message dangereux aux jeunes trans »[25],[29]. La sociologue Karine Espineira dénonce ce qu'elle considère elle aussi comme du voyeurisme : « on pourrait s’interroger sur cette façon de montrer tant d’intérêt (de la part du réalisateur et du public) pour la génitalité d’une adolescente. [...] Si Girl a été encensé [...], c’est par une critique et un public non-trans. Les personnes trans y sont objectivées, fantasmées et ramenées de force, par la liberté de création et de promotion, à des imaginaires contre lesquels elles luttent depuis longtemps. »[30]. L'association belge Genres pluriels« déconseille à [son] public trans d’aller voir ce film », considérant qu'il multiplie les clichés (focalisation sur la transition, le corps et les parties génitales, ou encore choix non anodin d'une histoire de danseuse), et invisibilise le travail des associations trans[31]. Sur le site du British Film Institute, Cathy Brennan écrit que « la caméra de Lukas Dhont s'attarde sur l'entre-jambe de Lara avec une fascination troublante tout au long du film. (…) Ce regard illustre la façon dont les personnes cisgenre me voient : elles me sourient tout en se demandant ce qu'il y a entre mes jambes. (…) La façon dont Dhont traite de la transidentité est tellement centrée sur l'appareil génital qu'il n'éclaire aucun aspect psychologique »[32].
Des commentaires reprochent aussi au film d'adopter un ton particulièrement dramatique. La chercheuse Héloïse Guimin-Fati, de l'Observatoire des transidentités, estime que, même si Lukas Dhont a organisé un « casting non genré » pour le rôle principal, il s'agit d'une vision « terriblement masculine » et le film a tendance à montrer que la transidentité est « ontologiquement une souffrance »[23]. Daphné Coquelle, de l'association TransKids, fait remarquer pour sa part que l'héroïne « est bien entourée et soutenue par ses proches » et qu'il est donc « incohérent » d'avoir opté pour un ton dramatique[23]. Pour Maelle Le Corre, dans Komitid, « avec son héroïne obnubilée par sa transition, au point de se mettre en danger, le film entretient aussi le pathos dont les femmes trans font souvent les frais au cinéma »[33],[34]. La sociologue Karine Espineira explique qu'il faudrait « aussi offrir des récits de bonheur ; c'est bien de nous montrer en lutte, mais [ce serait] aussi bien de nous montrer heureuses »[35]. Dans Slate, Thomas Messias oppose Girl au film Il ou Elle d'Anahita Ghazvinizadeh : « Il a beaucoup été reproché à Lukas Dhont d'aller chercher du côté du tapage, de la douleur, de l'inéluctable tragédie. Ghazvinizadeh fait le choix inverse : sans aller jusqu'à dire que l'existence de J [le personnage principal] est une promenade de santé, elle décide de montrer que tout peut globalement bien se passer, avec fluidité et sobriété »[36].
Comme pour le film Danish Girl, quelques années plus tôt[37], il a également été reproché à Girl de ne pas avoir attribué le rôle principal à une actrice trans[23],[38].
Box-office
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↑(en) Erik Piepenburg, « Is a Film About a Transgender Dancer Too ‘Dangerous’ to Watch? », The New York Times, (ISSN0362-4331, lire en ligne, consulté le ).
↑(en) Andrew Pulver, « Danish Girl director Tom Hooper: film industry has 'problem' with transgender actors », The Guardian, (ISSN0261-3077, lire en ligne, consulté le ).
Entretien avec Lukas Dhont par Emmanuel Raspiengeas, « Ne pas faire un film sur la danse mais sur l'effet de la danse sur le corps », Positif, no 692, Paris, Institut Lumière/Actes Sud , , p. 17-21, (ISSN0048-4911)
L'année indiquée est celle de la cérémonie. Les films sont ceux qui sont proposés à la nomination par la Belgique ; tous ne figurent pas dans la liste finale des films nommés.