Gilbert-Louis Duprez, né le à Paris 6e et mort le à Paris 16e, est un ténor, dramaturge et théoricien de la musique française.
Il est célèbre pour avoir été le premier chanteur à émettre en scène un contre-ut (do4) en voix de poitrine, lors de la première reprise italienne de Guillaume Tell de Gioachino Rossini, à Lucques, en . Cette technique « forcée » aurait usé prématurément sa voix[α 1], ce qui expliquerait la retraite du ténor à seulement 43 ans[1].
Biographie
Les débuts de Duprez ont été difficiles. Il a d’abord eu à vaincre les résistances paternelles, puis une malchance opiniâtre a entravé ses premières études et ses débuts, mais il est parvenu à force de volonté et de travail[2]. Après des études à l'Institution royale de musique classique et religieuse dirigée par Alexandre-Étienne Choron, qui lui a facilité ses débuts en Italie, ou il ne réussit, d'ailleurs, que médiocrement. Revenu en France, il fait ses débuts au théâtre de l'Odéon dans Le Barbier de Séville de Rossini en , avant de passer à l’Opéra-Comique, où sa prestation dans La Dame blanche de Boieldieu ne convainc guère[3].
Retourné perfectionner sa technique en Italie, il accède alors à la notoriété, à Rome, à Florence et à Naples, notamment dans des reprises d'Otello, Le Barbier et Guillaume Tell de Rossini, Inès de Castro, avec la Malibran, ainsi que plusieurs opéras de Gaetano Donizetti, dont Parisina (), Rosmonda d'Inghilterra (), Dom Sébastien, roi de Portugal () et surtout Lucia di Lammermoor au teatro San Carlo de Naples en , etc[2]. Duprez, dur en négociations, insiste pour que sa femme, Alexandrine Duperron soit recrutée en même temps que lui dans les opéras où il travaille[4].
Comme dramaturge, il a fait représenter en public quatre opéras : La Cabane du pêcheur en à Versailles ; La Lettre au bon Dieu, opéra comique en deux actes en à l'Opéra-Comique ; Samson, ; Juanità, opéra en trois actes en au Théâtre-Lyrique ; Jeanne d'Arc, opéra en cinq actes en au Théâtre-Parisien[α 3]. Ces œuvres n’ont obtenu aucun succès[5]. Il a aussi adapté la Traviata et quelques autres ouvrages italiens[2].
En , la détérioration de sa voix l'incite à se retirer de la scène. Il quitte l'année suivante le Conservatoire de Paris, où il avait été nommé professeur en , pour fonder sa propre école de chant dotée d'une salle de concerts de 300 places, rue Turgot, puis au 40 rue Condorcet, où il forme de nombreux élèves parmi lesquels sa fille Caroline Duprez, Marie Battu, Marie Marimon et Caroline Miolan-Carvalho, qui feront carrière comme cantatrices.
Il a rédigé un ouvrage théorique, L'Art du chant, ) en 1846, et deux recueils de mémoires : Souvenirs d'un chanteur en 1880 et Récréations de mon grand âge en 1888.
« Ci-gît un brave artiste, auteur, compositeur
poète quelque peu, mais surtout grand chanteur
Il conduit dans son art une place d'honneur[2]. »
Famille
Fils de Nicolas-Marie Duprez et de Julie Person, Gilbert Duprez a deux frères :
Édouard, (1804-1879), acteur et librettiste ;
Bernard-Bonaventure (1808-1888), musicien, dont la fille Pauline-Maria Lacombe-Duprez (1842-1898) deviendra cantatrice.
Gilbert Duprez épouse le à Paris la cantatrice Alexandrine Duperron (Nantes, - Bruxelles, ). De cette union sont nés :
Caroline-Alexandrine-Léopoldine-Marie (1832-1875) ; soprano, elle épousera Amédée-Ernest-Léopold Van den Heuvel, premier violon de l'Opéra le à Paris.
Gilbert-Denis-Léon (1838-1928) ; chanteur et professeur de chant au Conservatoire, il dirigera l’École spéciale de chant créée par son père. Il épousera Jeanne-Marie-Marguerite Tinel le à Paris 2e. Il est le grand-père de Christiane Vaussard, étoile du Ballet de l'Opéra de Paris[7].
Morte à 66 ans, Alexandrine Duperron est enterrée au cimetière de Montmartre dans la même sépulture que son mari.
Elle passa sur cette terre
Elle aujourd'hui qui n'est plus rien
Elle y passa mais pour faire
Le bien, le bien, toujours le bien
L'auteur-compositeur, arrangeur, producteur, chanteur et chef d'orchestre français contemporain Olivier Toussaint est son arrière-petit-fils.
Notes et références
Notes
↑ a et bLes aigus masculins étaient jusqu'alors émis en falsetto ou en « voix mixte ».
↑Nourrit quittera la France et se suicidera à Naples, deux ans plus tard.
↑Cette dernière pièce a été un tel désastre que la représentation n’a pu dépasser le 1er acte. Il ne fut plus possible de garder le sérieux en présence des artistes. La prima-donna, Mlle Brunetti se trouva indisposée, et une demoiselle Antoinette dut continuer le rôle ; Dunois et Xaintrailles se mirent de la partie pour divertir le public, et Mation, le chef d'orchestre, ayant abandonné son poste, en présence de l’exécution insuffisante, la pièce a été interrompue, et des coupons blancs ont été remis aux spectateurs pour le lendemain.
↑Et non à Poissy comme le laisse penser une coquille du Dictionnaire de la musique en France au XIXe siècle.
Références
↑(en) Gregory W. Bloch, « The Pathological Voice of Gilbert-Louis Duprez », Cambridge Opera Journal, Paris, vol. 19, no 1, , p. 11–31 (lire en ligne, consulté le ).
↑(en) Gretchen Ward Warren, The art of teaching ballet : ten twentieth-century masters, Gainesville, University Press of Florida, , 386 p. (ISBN978-0-8130-1459-3 et 978-0-8130-1711-2, lire en ligne), p. 228-251.
Bibliographie
Damien Colas, « Gilbert Duprez », dans Joël Marie Fauquet (dir.), Dictionnaire de la musique en France au XIXe siècle, Fayard, , 1406 p., 25 cm (ISBN978-2-21359-316-6, OCLC417224014, lire en ligne), p. 412.
Pierre Girod, L'Art du chant de Gilbert Duprez. Voix perdue ou voies oubliées ?, Paris, CNSMDP, 2011.