Dès l'âge de dix ans, Françoise Sullivan veut être artiste et suit des cours de dessin, de danse, de piano et de peinture[1]. En 1940, elle fait son entrée à l'École des beaux-arts de Montréal pour y suivre des cours d'arts plastiques jusqu'en 1945. Ses premières peintures sont influencées par le fauvisme et le cubisme[2]. En 1943, elle participe à l'exposition Les Sagittaires, organisée par l'historien de l'art Maurice Gagnon à la galerie Dominion de Montréal. Cette exposition présentait des œuvres de 23 artistes de moins de trente ans, dont celles de ses amis Pierre Gauvreau et Louise Renaud[3].
Entre 1945 et 1946, Sullivan étudie la danse moderne à New York avec Franziska Boas, la fille de l'anthropologue Franz Boas, et brièvement auprès de Martha Graham et Louis Horst[4]. De retour à Montréal, elle fréquente le groupe des Automatistes et signe le manifeste du Refus global en 1948[5]. La même année, elle présente une conférence intitulée La danse et l'espoir dont le texte sera publié dans le Refus global[6]. En collaboration avec sa partenaire de danse Jeanne Renaud, elle organise à la maison Ross l'un des événements fondateurs de la danse moderne au Québec[2]. Elle conçoit aussi un ambitieux projet chorégraphique inspiré du cycle des saisons qui ne sera réalisé qu'en partie; d'abord Été en 1947 aux Escoumins et Danse dans la neige en 1948 sur le mont Saint-Hilaire en compagnie de Jean-Paul Riopelle et Maurice Perron[7]. Sur sa propre pratique artistique, Françoise Sullivan explique : « Avoir une vision, ce n’est pas imaginer l’œuvre accomplie avant de la réaliser. Le processus, le réel des choses apportent des obstacles, mais aussi des solutions inattendues et dont on ne tient pas compte quand ça se passe au niveau de la tête […] Ce qui est excitant, c’est justement l’inconnu dans lequel on entre, les choix continuels qui s’imposent au fur et à mesure, et les nécessités qui commandent »[8].
En 1949, Sullivan épouse le peintre Paterson Ewen avec qui elle aura quatre enfants. Entre 1952 et 1956, elle travaille comme chorégraphe et danseuse pour la télévision de Radio-Canada[3]. À la fin des années 1950, elle se tourne vers la sculpture sous les conseils d'Armand Vaillancourt et apprend la soudure à l'École technique de Lachine. En 1960, elle suit un cours en sculpture avec Louis Archambault à l'École des Beaux-arts[1]. En 1963, elle se mérite le Prix du Québec en sculpture pour l’œuvre Chute concentrique (1962)[9]. Elle réalise aussi des décors pour les projets chorégraphiques de Jeanne Renaud et de Françoise Riopelle du Groupe de danse moderne de Montréal, puis pour le Groupe de la Place Royale[10].
Dans les années 1970, elle conçoit des projets d'art conceptuel, explorant la performance, la vidéo et la photographie[11]. Elle devient membre active de Véhicule Art, l'un des premiers centres d'artistes autogérés du Québec. Dans le cadre des Jeux olympiques de 1976 à Montréal, elle participe à l'événement d'art public Corrid'art qui a été démantelé à la demande du maire Jean Drapeau la nuit avant son ouverture officielle[12].
À partir de 1977, Sullivan enseigne au département d'arts visuels et de danse de l'Université Concordia de Montréal[10]. Au cours des années 1980, elle produit plusieurs cycles de peintures sur toile inspirés des mythologies anciennes (Tondos et Cycle Crétois). Elle reçoit le prix Paul-Émile Borduas en 1987 pour l'ensemble de son œuvre[13]. En 1997, elle réalise Montagne, une murale de granit située dans le hall principal du pavillon Président-Kennedy du Complexe des sciences de l'Université du Québec à Montréal[14].
À partir des années 1990, sa peinture devient de plus en plus épurée. Ses tableaux se composent de grandes plages colorées, auxquelles s'ajoutent parfois des formes abstraites, créant un espace pictural vibrant. Plusieurs cycles se succèdent : Rouges, Hommages, Océane, Edge, Arundel, Jeux, Proportio, Bloom, Cartésien et Only Red. Elle est nommée membre de l'Ordre du Canada en 2001 et récipiendaire du Prix du Gouverneur général en arts visuels en 2005[15]. Elle reçoit un doctorat honorifique de l'Université York en 1998 et de l'Université du Québec à Montréal en 2000[16].
En 2008, elle reçoit le Prix Gershon Iskovitz et elle est nommée officière de l'Ordre de Montréal en 2017. Le Musée d'art contemporain de Montréal lui consacre une exposition solo en 1981, le Musée des beaux-arts de Montréal en 2003, l'Art Gallery of Ontario[17] en 2010, le Musée d'art contemporain de Baie-Saint-Paul en 2016, la Galerie de l'UQAM en 2017, et une nouvelle fois le Musée d'art contemporain de Montréal en 2018[18]. La série photographique Danse dans la neige a été exposée au Museum of Modern Art de New York en 2010 dans l'exposition On line : drawing through the twentieth century[19]. La Galerie de l'UQAM présente ses travaux de recherches sur l'artiste lors des expositions suivantes : Trajectoires resplendissantes en 2017, Œuvres d’Italie en Toscane en 2019 et en : Françoise Sullivan. Les années 70[20]. Elle est représentée par la Galerie Simon Blais de Montréal[21]. Elle devient centenaire en 2023[5]. Une murale est inaugurée en son honneur à Montréal en [22].
Le , une gigantesque œuvre murale rendant hommage à Sullivan est inaugurée du côté de l'Hôtel Wyatt du Place Dupuis. Intitulé Damiers 2023, l'œuvre est 108 mètres de hauteur et comprend 33 carrés de couleur. La murale fait partie d’une collection des muralistes de MU qui rend hommage aux bâtisseurs culturels montréalais[41],[42].
Chorégraphies
1947 - Dédale, Dualité
1948 - Danse dans la neige, Black and Tan Fantasy
1949 - Femme archaïque, Le Combat, Lucrèce, Berceuse, Deux danses à midi
1973 - Droit debout
1978 - Essay in Six Parts (Groupe Nouvel Aire), Hiérophanie
1979 - Hiérophanie II, Accumulations
1980 - À tout prendre
1981 - Et la nuit à la nuit
1982 - Labyrinthe
1987 - Cycles
1988 - Récital de danse de Françoise Sullivan et Jeanne Renaud (Musée d'art contemporain de Montréal)
1992 - Elles
1993 - En face de moi, Je parle
2007 - Les Saisons Sullivan
Bibliographie sélective
Livres ou chapitres de livres
Rose Marie Arbour, « Nouvelles pratiques sculpturales, Yvette Bisson, Françoise Sullivan et Claire Hogenkamp », dans Francine Couture (éd.), Les arts visuels au Québec dans les années soixante, tome II. L’éclatement du modernisme, VLB Éditeur, Montréal, p. 277 à 335.
Gilles Lapointe, « Le Nord vu de la chambre noire automatiste : l'expérience Danse dans la neige », dans La comète automatiste, collection Nouvelles études québécoises (hors-série), Fides, 2008, p. 138-155.
Allana Lindgren, From Automatism to Modern Dance: Françoise Sullivan with Franziska Boas in New York, Dance Collection Danse Press/es, Toronto, 2003, 157 p. (ISBN0929003543)
Ginette Michaud, « Chorégraphies, disent-elles : ce qui (se) passe entre les arts. Quelques remarques au sujet de trois échanges entre Françoise Sullivan et Denise Desautels », Polygraphies. Les frontières du littéraire, Paris, Classiques Garnier, 2015, p. 295-324.
Patricia Smart, Les Femmes du Refus Global, Éditions Boréal, Montréal, 1998, 334 p. (ISBN2890528979)
Françoise Sullivan, « La danse et l'espoir », dans Paul-Émile Borduas (et al.), Refus Global, Éditions Mythra-Mythe, St-Hilaire, 1948.
Françoise Sullivan, Marion Landry, Les saisons Sullivan, avec une postface de Louise Déry, Galerie de l’UQAM, 2007, 91 p.
Louise Vigneault, Identité et modernité dans l'art au Québec: Borduas, Sullivan, Riopelle, Hurtubise HMH, Montréal, 2002, 406 p. (ISBN289428604X)
Catalogues d'expositions
Mark Lanctôt (et al.), Françoise Sullivan, Musée d'art contemporain de Montréal, Montréal, 2018, 288 p.
Serge Allaire, Françoise Sullivan : Peinture 2007, Éditions Simon Blais, Montréal, 2008, 28 p.
Stéphane Aquin (et al.), Françoise Sullivan, Musée des Beaux-arts de Montréal et Éditions Parachute, Montréal, 2003, 100 p.
Cornelia H. Butler, On line : drawing through the twentieth century, Museum of Modern Art et Thames & Hudson, New York et Londres, 2010, 228 p.
Gilles Daigneault, Sullivan/Moore 1984-1989, Musée régional de Rimouski, 1989, 37 p.
Louise Déry, L’image manquante : Carnet 2, Galerie de l’UQAM, Montréal, 2005, 95 p.
Louise Déry, Françoise Sullivan. Trajectoires resplendissantes, Galerie de l'UQAM, 2017, 240 p.
Louise Déry, Les Saisons Sullivan | The Seasons of Sullivan, Galerie de l’UQAM, 2010, 173 p.
Louise Déry (et al.), L’art inquiet. Motifs d’engagement, Galerie de l’UQAM, Montréal, 1998, 200 p.
Louise Déry (et al.), Françoise Sullivan, Musée national des beaux-arts du Québec, Québec, 1993, 86 p.
Louise Déry, Monique Régimbald-Zeider, Françoise Sullivan : La peinture à venir, Éditions les petits carnets, Galerie de l’UQAM, Montréal, 2003, 77 p.[43]
Denise Désautel, Françoise Sullivan : pluralité et création, Galerie d'art du Centre culturel de Université de Sherbrooke, Sherbrooke, 2008, 24 p.
Galerie Dominion, Françoise Sullivan la peinture des années quatre-vingt, Galerie Dominion, Montréal, 1990, [12] p.
Claude Gosselin (et al.), Francoise Sullivan : Rétrospective, Musée d’art contemporain de Montréal, Québec, 1981, 101 p.
David Liss. Marking Time. Dessins : Peter Krausz, Françoise Sullivan, Serge Tousignant, Robert Wolfe, Galerie Graff, Montréal, 24 p.
Musée d'art contemporain, Françoise Sullivan retrospective, Ministère des affaires culturelles, Québec, 1981, 101 p.
Sandra Paikowsky, Nancy Marrelli, Corridart Revisited/25 ans plus tard, Galerie d’art Leonard et Bina Ellen, Concordia University, Montréal, 2001, 46 p.
Françoise Sullivan, David Moore, Françoise Sullivan David Moore, S.I. s.n. 1977, [12] p.
Article de périodiques
René Viau, « Françoise Sullivan : L'art en marche », Vie des Arts, no. 264, automne 2021[44].
Serge Allaire, « Françoise Sullivan : L’esprit de la couleur », Vie des Arts, vol. 51, no 209, Montréal, 2007-2008, p. 42-45.
Rose Marie Arbour, « Le cercle des automatistes et la différence des femmes », Études françaises, vol 34, no 2-3, 1998, p. 157-173.
Ken Carpenter, « Sullivan’s Movements », Art in America, vol. 92, janvier 2004, p. 51-53.
Mario Côté, « Recréer Danse dans la neige / Re-creating Danse dans la neige », Ciel Variable : art, photo, médias, culture, no 86, 2010, p. 32-39.
Gilles Daigneault, « Sullivan Danse Dessin », Liberté, vol. 43, no 4, Montréal, 2001, p. 115-118.
Jean-Pierre Duquette, « Rétrospective Françoise Sullivan », Voix et Images, vol. 7, no 3, 1982, p. 600-602.
Robert Enright, « A Woman For All Season : An Interview With Françoise Sullivan », Border Crossings, no 106, Winnipeg, mai 2008, p. 49-61.
François-Marc Gagnon, « Françoise Sullivan : Aristote et le mouvement », Vie des Arts, vol. 48, no 191, Montréal, été 2003, p. 42-45.
Francine Jacques, « Françoise Sullivan : Montagnes », Espace : Art actuel, no 44, 1998, p. 42
Naïm Kattan, « Visite d’atelier : Françoise Sullivan », Spirale : arts, lettres, sciences humaines, no 192, 2003, p. 4-5.
Gilles Lapointe. « Portefolio : Sullivan au solstice », Spirale, no. 217, Montréal, 2007, p. 16-18.
Allana Lindgren, « Rethinking Automatist Interdisciplinarity : The Relationship between Dance and Music in the Early Choreographic Works of Jeanne Renaud and Françoise Sullivan, 1948-1950 », Circuit, volume 21, no 3, 2011, p. 39-53.
Florentina Lungu. « L’œuvre de Françoise Sullivan sous le signe de l’archétype », ETC, no 64, Québec, 2003-2004, p. 34-37.
↑(en) Cornelia H. Butler (et al.), On line : drawing through the twentieth century, New York, Museum of Modern Art (MOMA), , 228 p. (ISBN978-0-87070-782-7, lire en ligne), p. 163-164