La Flamme de la Liberté a été offerte à la France par les États-Unis, en remerciement de la restauration accomplie en 1986 sur la statue de la Liberté, à l'occasion de son centenaire. Cette restauration avait en effet été menée par deux entreprises artisanales françaises : les Métalliers Champenois pour le travail du cuivre, et les ateliers Gohard pour la dorure de la flamme[3]. À cette occasion la torche, que le sculpteur Gutzon Borglum avait évidée et vitrifiée en 1919 pour l'éclairer de l'intérieur[4], avait été remplacée par une torche pleine et dorée, éclairée de l'extérieur.
À la fin des travaux, Kevin McCarthy, avocat des Métalliers Champenois durant leur séjour aux États-Unis[5], a eu l'idée de faire réaliser la réplique exacte de la flamme afin de l'offrir à la France en signe de continuité de l'amitié franco-américaine, comme l'était déjà la statue de la Liberté elle-même, offerte par la France aux États-Unis. L'International Herald Tribune, qui fêtait en 1987 son centenaire, a accepté de coparrainer la réalisation de ce projet. Une pleine page lançant un gigantesque appel au don fut publiée afin de recueillir les 400 000 dollars nécessaires aux travaux.
La Flamme de la Liberté a été réalisée par les Métalliers Champenois à Paterson, dans le New Jersey, et a été dévoilée le , avant d'être envoyée en France par Air France[6].
Cette opération a été pilotée par le directeur de l'artisanat français de l'époque : Jacques Graindorge. Quatre sites ont alors été proposés par la mairie de Paris pour accueillir la flamme,[réf. nécessaire] et c'est cet emplacement place de l'Alma qui fut choisi, avec la bénédiction du maire de Paris de l'époque, Jacques Chirac, qui l'inaugura le 10 mai 1989[7].
« Flamme de la Liberté. Réplique exacte de la flamme de la statue de la Liberté offerte au peuple français par des donateurs du monde entier en symbole de l'amitié franco-américaine. À l'occasion du centenaire de l'International Herald Tribune. Paris 1887-1987. »
Quelque peu oubliée, la Flamme de la Liberté a bénéficié d'un regain d'intérêt lorsque Diana Spencer a trouvé la mort le 31 août 1997 lors d'un accident de la route dans le tunnel du pont de l'Alma, situé en dessous du monument. Le matin de l'annonce de sa mort, le monument a été recouvert de fleurs par des anonymes, et depuis lors, des admirateurs et des touristes viennent s'y recueillir, déposer des gerbes, y afficher des messages, des photographies de Diana ou des pages de magazines traitant de l'accident, écrire des graffiti sur le garde-corps tout proche, ou encore prendre des photos souvenirs, détournant la flamme de sa fonction initiale et la transformant spontanément en un autel à la mémoire de Diana.
Ce monument en forme de flamme est ainsi devenu une sorte d'« illustration sculptée » de la chanson commémorative d'Elton John à Diana, intitulée Candle in the Wind (littéralement « une bougie dans le vent »)[8]. Depuis, certains visiteurs semblent croire que la flamme est un monument expressément construit à la mémoire de la princesse, sans doute à cause de la chanson[9]. Le monument est aujourd'hui présenté par le site web de l'office du tourisme de Paris comme la « stèle commémorative à la Princesse Diana »[10],[11].
Le monument est toujours visité et des messages sont encore laissés à sa mémoire. Ils sont cependant régulièrement enlevés et la sculpture nettoyée.
Certains partisans de la théorie du complot voient un lien entre la torche, qui est selon eux un symbole caché des intentions des Illuminati sur le monde, et la mort de Diana, qu'ils pensent être un assassinat organisé par ces mêmes Illuminati[17].
Analyse
La flamme, du fait de ce détournement de sa fonction première, a été décrite comme un « palimpseste social », et présentée comme un exemple de la notion de « contre-monument » développée par James Young[18].
Par ailleurs, la flamme est citée parmi d'autres « tombeaux fictifs », c'est-à-dire des monuments sur lesquels le public vient se recueillir comme s'il s'agissait de tombes, alors que le corps du défunt est conservé ailleurs (en l'occurrence pour Diana, sur une île d'Althorp, le domaine familial des Spencer, dans le comté anglais de Northamptonshire) ; ceci est interprété comme un besoin de créer un objet d'illusion, ce processus étant aussi à la base de l'érotomanie, où il est toutefois beaucoup plus prégnant[19].
Le , le Conseil de Paris a pris un arrêté municipal qui a donné à l'emplacement où est érigée la Flamme de la Liberté le nom de « place Maria-Callas »[20], l'inauguration devant avoir lieu le 11 septembre 1997 pour célébrer le vingtième anniversaire de la mort de la cantatrice Maria Callas. Mais l'accident qui a coûté la vie à la princesse de Galles, survenu quelques jours plus tôt, et la ferveur populaire autour de la Flamme, ont conduit le Conseil de Paris, alors dirigé par le maire Jean Tiberi, à renoncer à l'inauguration. Il a été un temps envisagé que la place prenne le nom de la princesse Diana, mais ce projet a aussi été abandonné en raison d'une opposition de la cour d'Angleterre[21]. Aucune plaque de rue n'indique le nom de la place Maria-Callas[22], et le nom de la cantatrice a été donné trois ans plus tard à l'allée Maria-Callas. Le projet de renommer la place en hommage à la princesse reprend par la suite et a été voté en Conseil de Paris début [23].
↑Geneviève Bresc-Bautier (dir.) et Xavier Dectot (dir.), Art ou politique ? : Arcs, statues et colonnes de Paris, Paris, Action artistique de la ville de Paris, coll. « Paris et son patrimoine », , 237 p. (ISBN2-913246-02-8), p. 194.
↑(en) David Icke, Alice in Wonderland and the World Trade Center Disaster : Why the Official Story of 9/11 is a Monumental Lie, Bridge of Love, , 514 p. (ISBN0-9538810-2-4), p. 7
« The Illuminati lighted torch is held by the Statue of Liberty. [...] The lighted torch means freedom and liberty to the population, but to the Illuminati it is the very symbol of their agenda and control. [...] The spot where people leave their tributes to the murdered Princess Diana is a massive representation of the flame held by the Statue of Liberty. It is located on top of the Pont de L'Alma Tunnel where the Illuminati arranged for her to die in 1997. »
↑(es) Antonio Bentivegna, « La estética de los nuevos monumentos : Estrategias de desvío, injertos y palimpsestos sociales », Revista Observaciones Filosóficas, no 6, 1er semestre 2008.
↑Chantal Hagué, Benoît Dalle, Claude Dumezil, Yves Edel, Jean Jamin, Piotr Kaminsky et Jannick Thiroux, « Table ronde no 1 enregistrée à Paris », Analyse freudienne presse, Érès, no 11 « Les objets et leurs passions I », , p. 11–42 (ISBN2-7492-0401-1, DOI10.3917/afp.11.42).
Guy Lesœurs, Diana du Pont de l'Alma, les pèlerins de la flamme, Paris, Téraèdre, coll. « L'anthropologie au coin de la rue », , 126 p. (ISBN2-912868-24-6).
Guy Lesœurs, « Alma Sister : Le culte et le pèlerinage de la princesse Diana au pont de l'Alma », Religiologiques, Montréal, Département des sciences religieuses de l'UQAM, no 25, , p. 243–259.
Guy Lesœurs, « Alma Sister, les pèlerins de Diana ou la superficielle profondeur d'un culte populaire », L'Autre, La Pensée sauvage, vol. 3, no 1, , p. 167–176 (DOI10.3917/lautr.007.0167).
Denise Glück, « Une flamme dans le vent : Un monument pour Lady Diana », Les Cahiers de médiologie, Gallimard, no 7 « La confusion des monuments », 1er semestre 1999, p. 229–237 (ISBN2-07-075596-7, DOI10.3917/cdm.007.0229).