La famille de Tancarville est une famille normande éteinte, qui a porté de manière héréditaire le titre de chambellan de Normandie et qui a donné son nom au village de Tancarville.
Histoire de la famille
La famille emprunte son nom au Viking norvégien Thankar Hialtsson de Moere. Son siège principal est dans un premier temps leur manoir de Boscherville[2], semble entrer en possession de l'honneur de Tancarville, compris sur la forêt de Lillebonne, réserve ducale, par ses services rendus aux ducs, dans le deuxième quart du XIe siècle[3]. Le nom de Tancarville est associé pour la première fois en 1103 à la famille avec « Willelmus de Tancarvilla »[4].
Raoul Ier est officier du duc de Normandie Robert le Magnifique, dont il commande la flotte[5]. Il conduit en 1029 la flotte que Robert avait projetée contre Knut, roi d'Angleterre, et qui échoue.
Rabel de Tancarville reste le seul chambellan en chef de Normandie et d'Angleterre jusqu'à ce que le roi Henri Ier d'Angleterre crée en 1133[6] un office héréditaire séparé pour l'Angleterre et le confie à Aubrey II de Vere et ses héritiers[7].
Bien que les Tancarville soient proches du pouvoir, ils ont très peu de terres en Angleterre. Pour Kathleen Thompson, c'est parce qu'ils font partie des Normands qui « ne trouvent aucun intérêt à l'affaire anglaise »[8]. Ils tiennent par contre quatre-vingt-dix fiefs en Normandie[8].
Raoul (-vers 1066), son fils[10], chambellan de Normandie depuis au moins 1035[10]. Il est constamment présent à la cour ducale jusqu'environ 1066[10]. Il fit une donation à la collégiale de Saint-Georges de Boscherville[11]. Il semble disparaître avant 1066, car son fils est mentionné comme ayant hérité de son office, qui entretemps est devenu une dignité héréditaire[10].
Raoul († 1079[12]), chambellan depuis avant 1066[10]. Wace mentionne un « sire de Tancarville » comme participant à la conquête normande de l'Angleterre dans son Roman de Rou[11]. Il n'existe aucun indice montrant que Raoul ait jamais mis les pieds en Angleterre[12]. Mais aucun office de chambellan en chef n'a été créé en Angleterre durant le règne du Conquérant. D.C. Douglas en conclut que Raoul devait avoir un représentant en Angleterre quand le Conquérant s'y trouvait[12]. À cette époque, le chambellan en chef s'occupe des finances royales et ducales, et notamment de la collecte des impôts, comme il le faisait avant la conquête[12].
Guillaume (I) de Tancarville (vers 1075-1129), fils de Raoul, chambellan en chef de Normandie et d'Angleterre[13]. Il semble certain qu'il est le chambellan du duc Robert Courteheuse, puis celui de son frère Henri Beauclerc, après sa victoire à la bataille de Tinchebray (1106)[14]. Il est un proche conseiller du roi Henri Ier d'Angleterre[15],[16]. Il est un fréquent témoin de ses actes, et exerce aussi la fonction de juge[17]. Considéré comme un seigneur durablement fidèle au roi par Ordéric Vital, il participe à ses côtés au siège du château d'Eu en 1089[18]. Il participe à la bataille de Brémule (1119) aux côtés du roi d'Angleterre contre le roi de France lors d'une rencontre fortuite dans le Vexin[19]. D'après Henri de Huntingdon, c'est lui qui commande la force qui capture le rebelle Galéran IV de Meulan en 1124 à Bourgtheroulde. Toutefois, le chroniqueur normand Orderic Vital ne le mentionne pas dans son récit de cet événement[20]. Il fonde l'abbaye de Saint-Georges de Boscherville (vers 1112/1113), qui remplace la collégiale fondée par son père. Grâce à son patronage, elle attire un grand nombre de donations, notamment celle du roi Henri Ier qui lui donne le port de Bénouville[21]. Celle-ci devient le lieu de sépulture de la famille. Il épouse Mathilde d'Arques, héritière d'une puissante famille[22].
Rabel de Tancarville (vers 1090-après 1137), fils de Guillaume (I). Il hérite de la charge de chambellan de Normandie de son père[25]. Toutefois, il n'existe aucune preuve qu'il ait exercé cette fonction durant le règne d'Henri Ier d'Angleterre[17]. Orderic Vital mentionne qu'il débarque de la Blanche-Nef juste avant son départ, car il réalise qu'il y a trop de gens à bord[26]. Il échappe ainsi au désastreux naufrage (1120). Après que les barons normands ont échoué a confier le duché au comte Thibaut IV de Blois, Rabel fortifie ses puissants châteaux, s'empare de la forteresse ducale proche de Lillebonne, et refuse de reconnaître Étienne d'Angleterre pour une raison inconnue[25]. En 1137, Étienne débarque dans l'ouest de la Normandie, bien décidé à en découdre avec Rabel, le chef des dissidents normands[27]. Il se dirige rapidement vers l'est, et s'empare sans avoir trop à s'employer de Mézidon, l'avant-poste de la seigneurie de Tancarville[27]. Il récupère ensuite la forteresse de Lillebonne, puis s'empare du château de Villiers[27]. Rabel décide qu'il est préférable de se soumettre rapidement et est reçu à la cour[27]. Il semble avoir été confirmé par Étienne dans ses fonctions de chambellan de Normandie[28],[29]. En 1127/1128, il remplace à l'abbaye de Sainte-Barbe-en-Auge les chanoines séculiers par des chanoines réguliers venus d'Eu[30]. En 1148, on lui doit l'établissement de la commanderie de Bretteville.
Guillaume (II) de Tancarville (vers 1129-1193 en Palestine[réf. nécessaire]), dit « le Jeune », fils du précédent. Il part en croisade avec le roi Richard Cœur de Lion, où il trouve la mort.[réf. nécessaire] C'est dans sa maison qu'est élevé Guillaume le Maréchal[31]. Celui-ci a été recueilli à l'âge de deux ou trois ans, car Guillaume le chambellan est le cousin de sa mère[31]. Il reste en Normandie comme écuyer dans la maison militaire du chambellan jusqu'en 1166[31]. Après une période de tension entre le chambellan, il quitte sa maison et part pour l'Angleterre[31]. Il se voit confier la fonction de gouverneur du Poitou occupée jusque-là par Patrick de Salisbury[32]. Guillaume de Tancarville, considéré comme le « père des chevaliers » par Gautier Map par l'importance de sa troupe, dispose d'un ost de 95 chevaliers[33].
Raoul (II) de Tancarville (vers 1150-1204). Il accompagne son père en croisade et en revient[réf. nécessaire]. Les terres de la famille possédées en Angleterre à Benstincton[Où ?] et Wilmundetor[Où ?][réf. nécessaire], sont confisquées par Jean-sans-Terre en 1204, à la suite de la conquête de la Normandie par Philippe-Auguste.
Guillaume (III) de Tancarville (vers 1152-1214), son frère, tué à la bataille de Bouvines.
Guillaume (IV) de Tancarville (décédé après 1182), fils du précédent. Il est à l'époque l'un des plus grands barons normands. Près de 100 chevaliers suivent sa bannière en cas de convocation par son suzerain le roi d'Angleterre[34].
Éléonore, sa fille, est unie en 1205 par le roi Philippe-Auguste, qui souhaite rattacher durablement la Normandie au domaine royal, à Adam de Villebéon (+1235), fils de Gautier-le-Jeune, chambellan du roi[35].
Guillaume (IV) de Tancarville (vers 1225-1264), fils de Raoul III. Il défendit le Mont-Saint-Michel et accompagna à la croisade Saint-Louis. Il épouse Aude d'Auffay.
Raoul (IV) de Tancarville (-après 1275), fils du précédent.
Robert de Tancarville, frère des précédents. Il est reconnu pour la querelle dite du moulin enragé qui l'oppose à Jean de Harcourt, seigneur des châtellenies de Gravenchon et de Lillebonne[38] Engagé en 1302 dans la bataille de Courtrai contre les flamands, il y trouve la mort. Il épouse Jeanne de Mauvoisin, dame de Rosny[39], qui conclut après la mort de son mari avec Enguerrand de Marigny le mariage de leurs enfants. Le contrat de mariage unissant Guillaume (VI) de Tancarville et Isabelle de Marigny, sept ans chacun, est établi en à Rouen[40]. Le mariage est célébré en à Vincennes[41]. Au même moment Jeanne de Tancarville, sœur de Guillaume (VI), épouse Jean (Ier) de Melun.
↑Jacques Le Maho, Nicolas Wasylyszyn, Saint-Georges de Boscherville, 2000 ans, Rouen, GRAPC, 2008, 64 p ; (deuxième édition revue et complétée, 1re édition 1998) ; p. 14.
↑Jacques Le Maho, L'apparition des seigneuries châtelaines, Archéologie médiévale, tome VI, 1976, p.18.
↑Monasticum anglicanum, tome 2, p.951, cité par Achille Deville.
↑Jacques Le Maho, Nicolas Wasylyszyn, Saint-Georges de Boscherville, 2000 ans, 1998, p. 12.
↑Geoffrey H. White, « Financial Administration under Henry I » Transactions of the Royal Historical Society, Fourth Series, vol. 8 (1925), p. 56-78.
↑ a et bKathleen Thompson, « L'aristocratie anglo-normande et 1204 », La Normandie et l'Angleterre au Moyen Âge, éditeurs : Pierre Bouet, Véronique Gazeau ; Colloque de Cerisy-la-Salle, 2003 ; publication du Centre de recherches archéologiques et historiques médiévales ; p. 179-187. (ISBN9782902685141).
↑Achille Deville, Histoire du château et des sires de Tancarville, éditeur : N. Périaux, 1834, 377 pages. Lire sur Google Books, p. 150.
↑ abcde et fDavid C. Douglas, William the Conqueror : the Norman impact upon England, English Monarchs Series, University of California Press, 1967, p. 146. (ISBN9780520003507).
↑ a et b« Famille de Tancarville », sur Charles Cawley's Medieval Lands
↑ abc et dDavid C. Douglas, William the Conqueror: the Norman impact upon England, p. 291.
↑Charles Warren Hollister, Amanda Clark Frost, Henry I, Yale English monarchs, Yale University Press, 2001, p. 221 (ISBN9780300088588).
↑H. G. Richardson, « The Chamber under Henry II », The English Historical Review', vol. 69, no 273 (octobre 1954), p. 596-611.
↑ a et bC. Warren Hollister, John W. Baldwin, « The Rise of Administrative Kingship: Henry I and Philip Augustus », The American Historical Review, vol. 83, no 4 (octobre 1978), p. 867-905.
↑Jacques Le Maho, « L'apparition des seigneuries châtelaines », 'Archéologie médiévale, tome VI, 1976, p.62.
↑Orderic Vitalis (éd. Marjorie Chibnall), The Ecclesiastical History of Orderic Vital, Oxford Medieval Texts, Oxford University Press, 1978 ; traduction de Marjorie Chibnall ; vol. 6, (livres XI, XII, et XIII), p. 348-349. (ISBN9780198222422).
↑Fille du vicomte Guillaume, petit-neveu de la duchesse de Normandie Gunnor, épouse du duc Richard Ier
↑Daniel Power, The Norman frontier in the twelfth and early thirteenth centuries, Cambridge University Press, 2004, p. 242 ; citant le Cartulaire de l'abbaye de Montebourg, B.n.F., Ms. lat. 10087, n°158-161.
↑Catherine Powlett, Battle Abbey Roll (3 vol.), 1889, vol. III, p. 59-62, 212-216.
↑ a et bDavid Crouch, The reign of King Stephen, 1135-1154, Longman, 2000, p. 60. (ISBN9780582226579).
↑Orderic Vitalis, Marjorie Chibnall, The Ecclesiastical History of Orderic Vital, livre XII, p. 297.
↑ abc et dThe reign of King Stephen, 1135-1154, p. 63-64.
↑Orderic Vitalis, Marjorie Chibnall, The Ecclesiastical History of Orderic Vital, livre XIII, p. 484.
↑Dans une charte de donation à l'abbaye de Sainte-Barbe-en-Auge en 1137, le roi Étienne désigne Rabel comme « requisitione Rabelli de Tancardivilla camerarii mei ».
↑Victor Mortet, Paul Deschamps, Recueil de textes relatifs à l'histoire de l'architecture et à la condition des architectes en France au Moyen Âge : XIe – XIIIe siècles, Éditions du Comité des travaux historiques et scientifiques, 1995, 1100 p. [p. ?]
↑ abc et dDavid Crouch, « Marshal, William (I), fourth earl of Pembroke (c.1146–1219) », Oxford Dictionary of National Biography, Oxford University Press, Sept 2004; édition en ligne, mai 2007.
↑Thomas K. Keefe, « King Henry II and the Earls: The Pipe Roll Evidence », Albion: A Quarterly Journal Concerned with British Studies, vol. 13, no 3 (1981), p. 191-222.
↑D'après les Infeodationes baronum de 1172, il en disposait de 94 3/4, cité par Crouch.
↑Laurent Ridel, « Nobles normands », Patrimoine normand, no 100, janvier-février-mars 2017, p. 68-69.
↑André de Moura, Généalogies: 30000 ancêtres de Henri d'Orléans, comte de Paris, 1908-1999, sur 41 générations et à travers 1200 lignages, Paris : L'Harmattan, 2001, p. 431, n° 25-1529 et 25-1530.
↑André de Moura, Généalogies: 30000 ancêtres de Henri d'Orléans, comte de Paris, 1908-1999, sur 41 générations et à travers 1200 lignages, Paris : L'Harmattan, 2001, p. 393, n° 24-1663 et 24-1664.
↑Gustave Saige, Cartulaire de la seigneurie de Fontenay-le-Marmion provenant des archives de Matignon, Monaco : imprimerie de Monaco, 1885, xxxi et p. 173 : « Acte de constitution de dot par Guillaume, chambellan de Tancarville à Robert Bertran, époux d'Alix de Tancarville, sa sœur » [1245, latin, p. 173-176] d'après le Cartulaire de Bricquebec, Caen, Bibliothèque municipale, collection Mancel, fol. 1. [extrait : Sciant omnes… quod ego Guillelmus camerarius de Tanquarville, miles… dedi et concessi Roberto Bertran, militi… cum Aelicia sorore mea in libero matrimonio].
↑Raymond Cazelles, La société politique et la crise sous Philippe de Valois, Librairie d'Argences, 1958, 495 p.
↑André de Moura, Généalogies: 30000 ancêtres de Henri d'Orléans, comte de Paris, 1908-1999, sur 41 générations et à travers 1200 lignages, Paris : L'Harmattan, 2001, p. 265, n° 21-1725 et 21-1726.
↑Achille Deville, Histoire du château et des sires de Tancarville, éditeur : N. Périaux, 1834, Pièces justificatives, doc. I, p. 339-345 (confirmation de Philippe-le-Bel, texte latin et français, 18 novembre 1309) Voir le texte.
↑Jean Favier, Un conseiller de Philippe le Bel, Paris, Presses Universitaires de France, 1963, 256p.
↑Achille Deville, Histoire du château et des sires de Tancarville, éditeur : N. Périaux, 1834, Pièces justificatives, doc. I, p. 339-345 (confirmation de Philippe-le-Bel, texte latin et français, 18 novembre 1309).
↑Raymond Cazelles, Société politique, noblesse et couronne sous Jean le Bon et Charles V, Paris : Droz, 1982 (coll. Mémoires et documents publiés par la Société de l'École des chartes, 28), p. 161.