La décarbonation des transports est la réduction progressive de la consommation directe ou indirecte d'énergies fossiles émettrices de gaz à effet de serre dans le domaine des transports. Dans le contexte de la lutte mondiale contre le changement climatique, elle consiste notamment à remplacer les véhicules à combustion par ceux électriques.
Les transports représentent le plus grand défi climatique de l'Union européenne : ils sont à la fois le secteur le plus émetteur en CO2 et celui dont la décarbonation tarde le plus à se concrétiser[2],[3].
Les quatre premiers facteurs que sont, pour rappel, la baisse du volume de transport, l'augmentation du taux d'occupation ou de remplissage et celle de l'efficacité énergétique des véhicules se traduisent par des économies d'énergie (aussi connues sous le concept de négawatt).
La construction d'infrastructures de transport est directement source d'émissions de CO2. Par ailleurs, les infrastructures, en augmentant le trafic, émettent indirectement du CO2[13].
Les voitures électriques présentent un rendement propre (hors production d'électricité) d'environ 80 %, soit nettement plus que celui de leurs homologues thermiques[18],[17]. L'électrification directe est jugée préférable aux e-carburants dans le domaine automobile[19]. Selon le scénario maximal envisagé par RTE, la France pourrait compter 15,6 millions de voitures électriques en 2035, qui consommeraient entre 34 et 38 TWh par an[20].
L'électrification du parc est toutefois source d'autres difficultés. La consommation de minerais pour électrifier l'ensemble du parc automobile français (39 millions de véhicules) correspondrait à plus d’un an de production mondiale de cobalt et près de deux ans de production mondiale de lithium[21]. Selon le chercheur en transports Aurélien Bigo, « l'avenir de la voiture est électrique, mais la voiture n’est pas l’avenir »[22],[23] : il constate que la voiture est devenue le « couteau suisse de la mobilité »[22], au détriment de l'intermodalité. En Allemagne, des experts en transport, des entrepreneurs et des écologistes toujours plus nombreux affirment que la « solution pour rendre le secteur des transports [...] plus écologique doit aller au-delà du remplacement des voitures à essence par des voitures électriques »[24]. Il faut également réduire les kilomètres parcourus en voiture[25]. Au sein du Shift Project, les spécialistes de l’industrie automobile Laurent Perron et Jacques Portalier considèrent que le passage à l'électrique doit s'accompagner d'une transformation de la mobilité au profit de véhicules plus légers, à l'inverse de la tendance observée depuis 30 ans[26]. Le Forum vies mobiles et La Fabrique écologique appellent eux aussi à une réduction du poids des véhicules[27],[28], tandis que l'Agence internationale de l'énergie invite, en outre, à abaisser la vitesse sur autoroute[29].
Dans les villes américaines, la voiture accapare une place importante. La tendance est à la diminution de la place de la voiture, en autres pour lutter contre les îlots de chaleur[30]. Les villes disposent de tout un arsenal allant de l'incitation à la contrainte[31]. La réglementation joue un rôle important, car les « petits gestes », pour utiles qu'ils soient, ne peuvent pas tout, selon Jean-Marc Jancovici[32].
Dans les zones de moyenne à faible densité de population, le covoiturage est une solution envisagée pour compenser la carence ou l'absence de transports en commun pour les personnes ne possédant pas de véhicule[33]. Outre les enjeux de décarbonation, les enjeux d'accès à l'emploi sont majeurs[34]. Autour des grandes agglomérations, dans des zones de moyenne densité, le covoiturage peut revêtir la forme de lignes de covoiturage[35] (par exemple dans le cadre des services express régionaux métropolitains) et le vélo pourrait fortement contribuer à la décarbonation des transports[36]. La limitation de l'étalement urbain participe de la réduction de la place de la voiture[37].
Appelant à une inversion des imaginaires, le projet européen Share North[38] promeut la pyramide inversée de la mobilité[39], dans la région de la mer du Nord. Les mobilités actives, par ailleurs utiles en ce qu'elles permettent de combattre la sédentarité[40] — enjeu de santé publique majeur[41] —, figurent tout en haut de la pyramide.
Pyramide inversée de la mobilité, proposée par le projet européen Share North[39],[42],[N 2].
La très faible résistance au roulementfer-fer, ainsi que la plus faible résistance aérodynamique des convois constitués de wagons qui « s'abritent derrière la motrice, dans son sillage » expliquent la très bonne efficacité du train[43]. La résistance au roulement sur rail est en effet beaucoup plus faible que celle d'un contact pneu-route. L'écart est de l'ordre de un à sept, soit des coefficients de résistance de 0,2 % pour le train et 1,5 % pour une voiture à 110 km/h[44]. Par ailleurs, pour peu que la liaison entre wagons soit soignée, le premier wagon est à l'origine d'une traînée aérodynamique plus élevée que celle des wagons suivants, ce qui a un effet positif sur la traînée moyenne par passager transporté. Dans le monde, la consommation d'énergie finale des trains s'élève à environ 150 kJ/pkm (kilojoule par passager-kilomètre) et 150 kJ/tkm (kilojoule par tonne-kilomètre)[45] — environ 4,2 kWh/100 pkm et 4,2 kWh/100 tkm. Le groupement allemandAlliance pour le rail (Allemagne)(de) annonce une consommation de 6,2 kWh/100 pkm sur la longue distance et 24,9 kWh/100 pkm sur la courte distance, ainsi que 7 kWh/100 tkm pour le fret[46].
Dans les années 2020, des entreprises proposent à leurs salariés un congé supplémentaire dit « temps de trajet responsable », pour leur permettre de se déplacer en train plutôt qu'en avion[47].
Réseau Action Climat constate que les voyageurs qui prennent l'avion sont « riches, diplômés et urbains ». Aussi, l'association préconise-t-elle la mise en place d'une taxe pour les grands voyageurs[52].
Marchandises
En France, la mise en place de circuits courts permettrait de réduire de 60 % le transport de produits alimentaires[53].
Eu égard à leur bonne efficacité énergétique[46], la hausse de la part modale du train[54] et de la voie d'eau est recherchée[55],[56].
Énergie bas carbone
La production d'énergie à l'échelle mondiale fait aujourd'hui encore très largement appel aux combustibles fossiles, non durables, en dépit de l'essor des énergies renouvelables et du nucléaire[58],[59]. Pour l'historien des sciencesJean-Baptiste Fressoz, la transition énergétique n'a pas encore commencé, étant donné que les formes d'énergie consommées se cumulent et ne se remplacent pas[60]. Ainsi l’électrique se retrouve le plus souvent plus émissif que le thermique en Inde et en Pologne, et parfois en Chine selon certaines analyses[23]. Il observe que la Chine concentre la moitié du parc automobile et qu'elle produit les deux tiers de son électricité à partir de charbon. Il en conclut que la « voiture électrique a eu pour effet de renforcer la part du charbon face au pétrole dans la mobilité mondiale »[61]. La production des matériaux, nécessaires pour la construction des infrastructures et équipements de transport[62], repose de plus en plus sur le charbon[63]. Le charbon est une énergie à plus haute intensité en carbone que le pétrole.
La production de dihydrogène et de carburants synthétiques nécessiterait de grandes quantités d'électricité décarbonée[64] (au bénéfice toutefois de l'équilibrage entre offre et demande du système électrique), au risque de paraître contradictoire avec les économies d'énergie. Il serait envisageable de réserver les e-carburants au domaine de l'aviation[19], où l'électrification directe est impossible. Envisageable ne veut pas dire souhaitable, car la réduction des émissions serait alors beaucoup plus faible selon RTE: "Pour une même quantité d’hydrogène, l’effet de réduction sur les émissions de CO2 en France sera quatre fois plus important dans la sidérurgie que dans le transport aérien"[65]. La fabrication de ces carburants pour l’aviation nécessiterait de très grandes quantités d'électricité[66].
À l'échelle européenne, selon le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives, le dihydrogène serait réservé majoritairement aux domaines de l'aviation et de la sidérurgie et assez peu aux transports routier et maritime. Les zones à l'électricité fortement décarbonée — Europe du Nord et péninsule Ibérique grâce aux énergies renouvelables et la France, grâce au nucléaire — pourraient produire ce dihydrogène, tandis que l'Europe centrale et orientale devrait l'importer[67]. En Allemagne, le plan du gouvernement prévoit que de 50 % à 70 % de l'hydrogène nécessaire en 2030 soit importé[68].
Notes et références
Notes
↑La base étant 100, l'énergie « utile » (correspondant aux pertes aérodynamiques, de roulement et de freinage) vaut 66 pour la conduite urbaine et 74 pour la conduite sur autoroute. Avec récupération, l'énergie à fournir n'est plus que de 100 − 27 = 73 en ville et de 100 − 7 = 93 sur autoroute.
↑ a et bAurélien Bigo, Les transports face au défi de la transition énergétique. Explorations entre passé et avenir, technologie et sobriété, accélération et ralentissement (thèse de doctorat en sciences économiques), Institut polytechnique de Paris, , 340 p., PDF (lire en ligne), p. 39.