La conjecture était motivée par un théorème de 1956 dû à Howson[6], selon lequel l'intersection de deux sous-groupes de type fini H et K d'un groupe libre est un groupe libre de type fini. Plus précisément, on savait déjà que H∩K est libre (théorème de Nielsen-Schreier) et Howson montra que si H et K sont de rangs m, n > 0 alors le rang s de H∩K vérifie :
s – 1 ≤ 2mn – m – n = 2(m – 1)(n – 1) + m + n – 2.
La même année[7] et la suivante[1], Hanna Neumann améliora cette majoration en montrant que
s – 1 ≤ 2(m – 1)(n – 1),
conjecturant que ce facteur 2 était même superflu, c'est-à-dire que
s – 1 ≤ (m – 1)(n – 1).
Cet énoncé devint connu sous le nom de « conjecture de Hanna Neumann ».
Si H et K sont deux sous-groupes d'un groupe G, a un élément de G et b un élément de sa double classeHaK, c'est-à-dire un élément de la forme hak avec h∈H et k∈K, alors le sous-groupe H ∩ bKb–1 est conjugué par h de H ∩ aKa–1, donc de même rang. On sait par ailleurs que si G est libre et si H et K sont de rangs m et n finis et > 0, il n'existe qu'un nombre fini de classes doubles Ha1K, … , HatK pour lesquelles ce rang est non nul. Si H∩K est de rang s > 0, on a alors[8] :
ce qui rend naturelle la « conjecture de Hanna Neumann renforcée » formulée par Walter Neumann[5] (l'un de ses trois fils) :
Résultats partiels et autres généralisations
En 1971, Burns affina la majoration de Hanna Neumann de 1957 en[9],[10]
s – 1 ≤ 2(m – 1)(n – 1) – min(m – 1, n – 1).
En 1990, Walter Neumann[5] précisa le résultat de Burns en démontrant que (avec les notations ci-dessus)
et formula la conjecture renforcée (voir ci-dessus).
En 1994, Warren Dicks[14] reformula la conjecture renforcée en termes de théorie des graphes.
En 2000, Goulnara Arzhantseva[15] démontra que si H est un sous-groupe de type fini et d'indice infini d'un groupe libre G alors, pour une classe « générique » – en un certain sens statistique – de sous-groupes K de G de type fini, tous les H ∩ aKa–1 sont triviaux. Ainsi, pour tout sous-groupe de type fini H de G, la conjecture renforcée est vérifiée pour des K génériques.
En 2001, Dicks et Formanek(en)[16] utilisèrent l'équivalence établie par Dicks en 1994 pour prouver la conjecture renforcée dans le cas où m ou n est inférieur ou égal à 3.
En 2002, Bilal Khan[17] et, indépendamment, John Meakin et Pascal Weil[18] prouvèrent la conjecture renforcée dans le cas où l'un des deux sous-groupes H ou K du groupe libre G est « positivement engendré », c'est-à-dire engendré par un ensemble fini d'éléments qui sont produits seulement de générateurs de G, et pas de leurs inverses.
Sergei Ivanov[19],[20], puis Dicks et Ivanov[21], ont obtenu des analogues et des généralisations des résultats de Hanna Neumann pour des intersections de deux sous-groupes d'un produit libre de plusieurs groupes.
En 2005 – donc avant que la conjecture de Hanna Neumann renforcée soit démontrée – Daniel Wise[22] a prouvé qu'elle implique une autre conjecture[23] en théorie des groupes qui résistait depuis longtemps, selon laquelle tout groupe à un relateur 〈 a1, a2, … | Wn 〉 avec n ≥ 2 est « cohérent », c'est-à-dire que tous ses sous-groupes de type fini sont de présentation finie.
Références
↑ a et b(en) Hanna Neumann, « On the intersection of finitely generated free groups. Addendum », Publ. Math. Debrecen, vol. 5, , p. 128
↑(en) Igor Mineyev, « Groups, graphs, and the Hanna Neumann Conjecture », JTA, vol. 4, no 1, , p. 1-12 (lire en ligne) : nouvelle preuve plus courte, grâce à une suggestion de Warren Dicks – cf (en) Mineyev and the Hanna Neumann Conjecture sur le site Low Dimensional Topology
↑ abc et d(en) Walter D. Neumann, « On intersections of finitely generated subgroups of free groups », dans Groups–Canberra 1989, Springer, coll. « Lecture Notes in Mathematics » (no 1456), (ISBN3-540-53475-X, lire en ligne), p. 161-170
↑La preuve de Burns est simplifiée dans (en) Peter Nickolas, « Intersections of finitely generated free groups », Bull. Austral. Math. Soc., vol. 31, , p. 339-348 (lire en ligne) et (en) Brigitte Servatius, « A short proof of a theorem of Burns », Math. Z., vol. 184, , p. 133-137 (DOI10.1007/BF01162012, lire en ligne), et sa majoration est améliorée en s – 1 ≤ 2(m – 1)(n – 1) – min(j(m – 1), i(n – 1)), où j et i désignent les indices respectifs de H et K, dans (en) R. G. Burns, Wilfried Imrich et Brigitte Servatius, « Remarks on the intersection of finitely generated subgroups of a free group », Canad. Math. Bull., vol. 29, , p. 204-207 (lire en ligne).
↑Voir par exemple (en) Richard Peabody Kent, « Intersections and joins of free groups », Algebraic & Geometric Topology, vol. 9, , p. 305–325, « 0802.0033 », texte en accès libre, sur arXiv. et sa bibliographie.
↑(en) Warren Dicks, « Equivalence of the strengthened Hanna Neumann conjecture and the amalgamated graph conjecture », Invent. Math., vol. 117, no 3, , p. 373-389 (DOI10.1007/BF01232249, lire en ligne)
↑(en) G. N. Arzhantseva, « A property of subgroups of infinite index in a free group », Proc. Amer. Math. Soc., vol. 128, , p. 3205-3210 (lire en ligne)
↑(en) Warren Dicks et Edward Formanek, « The rank three case of the Hanna Neumann conjecture », J. Group Theory, vol. 4, no 2, , p. 113-151 (DOI10.1515/jgth.2001.012, lire en ligne)
↑(en) Bilal Khan, « Positively generated subgroups of free groups and the Hanna Neumann conjecture », dans Combinatorial and Geometric Group Theory, AMS, coll. « Contemporary Mathematics » (no 296), (ISBN978-0-8218-2822-9, lire en ligne), p. 155-170
↑(en) S. V. Ivanov, « Intersecting free subgroups in free products of groups », IJAC, vol. 11, no 3, , p. 281-290 (DOI10.1142/S0218196701000267)
↑(en) S. V. Ivanov, « On the Kurosh rank of the intersection of subgroups in free products of groups », Adv. Math., vol. 218, no 2, , p. 465-484 (DOI10.1016/j.aim.2008.01.003)
↑(en) Warren Dicks et S. V. Ivanov, « On the intersection of free subgroups in free products of groups », Math. Proc. Cambridge Phil. Soc., vol. 144, no 3, , p. 511-534. « math/0702363 », texte en accès libre, sur arXiv.