Vient de la contraction de deux mots en latin : liberum, libre ; donum, cadeau, don, présent, offrande (aux dieux).
Historique
La présence des Templiers à Libdeau est attestée par plusieurs documents dès la fin du XIIe siècle. Une charte non datée attribue à l'évêque de Toul, Pierre de Brixey, la confirmation du droit d'usage et de paison d'un bois proche de Libdeau, que son prédécesseur Henri de Lorraine avait accordé aux frères du Temple : « li dons dou bois devant Liebedos fait aux frères du Temple dudit lieu ». Le document mentionne les frères du Temple impliquant une installation des Templiers à Libdeau au moment où a été établie la donation par Henri de Lorraine. L'établissement a donc probablement été fondé au cours du deuxième tiers du XIIe siècle à l'instigation de Henri de Lorraine, évêque de Toul de 1128 à 1165. En 1312, la suppression de l'ordre du Temple par le pape Clément V conduisit à la dévolution de ses biens au profit de l'ordre de l'Hôpital de Saint-Jean de Jérusalem.
À la suite de la Révolution française entraînant la dissolution de tous les ordres religieux, la commanderie fut vendue le 6 Thermidor de l'An II () comme propriété nationale pour la somme de 255 000livres.
Commandeurs templiers et hospitaliers
Pour la période templière, seul un nom nous est parvenu.
✝: date de décès.
☩ : date de nomination.
↔ : fonction en cours.
Possessions
Les archives départementales de Meurthe-et-Moselle conservent 13 actes mentionnant des dons accordés aux frères du Temple de Libdeau. Hormis la charte de Pierre de Brixey, tous sont datés entre 1214 et 1272. Ces documents livrent des informations relatives aux possessions de la commanderie qui reflètent un établissement de bonne importance principalement consacré à l'exploitation céréalière. La lecture des manuscrits montre l'attachement des frères du Temple à acquérir la totalité d'un bois nommé « Les Trois Chênes » et de plusieurs champs et prés. Une grange et le moulin de Boyer, situés à proximité, comptent également parmi les biens.
Des terres et biens de toute nature ayant appartenu à la Commanderie de Libdeau ont été identifiés dans une trentaine de communes du Toulois, il est cependant probable qu'une partie importante des donations a été réalisée à partir du XIVe siècle à l'époque des Hospitaliers.
La chapelle
Après la suppression de l'ordre du Temple en 1312 et la dévolution de ses biens au bénéfice des Hospitaliers de Saint-Jean, la pérennité de la plupart des commanderies fut assurée jusqu'en 1790. Après cette date, l'abolition de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem et de tous les ordres religieux en France entraîna la dégradation puis la ruine de nombreux édifices. Aujourd'hui seules quatre commanderies sont attestées en Lorraine par la subsistance d'une chapelle, Xugney et Norroy dans les Vosges, Marbotte dans la Meuse et Libdeau en Meurthe-et-Moselle. La chapelle de Libdeau peut être considérée comme intacte, malgré de nombreuses altérations, elle est la seule à conserver ses voûtes d'ogives.
Le bâtiment de plan rectangulaire mesure intérieurement dix-huit mètres trente de longueur et huit mètres soixante de largeur. Il comporte trois travées, deux pour la nef et une pour le chœur fermé par un chevet droit percé d'une fenêtre gothique à trois baies aux arcs en lancette avec grand oculus. Les travées ont reçu des voûtes sur croisées d'ogives avec nervures toriques retombant sur des chapiteaux à corbeille nue avec astragale rehaussant des colonnes engagées. La nef était éclairée par de hautes fenêtres gothiques à deux baies jumelées et à oculus, trois s'ouvrent sur le côté de droite et une seule du côté opposé, elles sont actuellement murées. Les extérieurs sont épaulés par huit contreforts à ressaut terminés en bâtière, quatre sont angulaires dont deux encadrant fortement la façade qui s'ouvrit jusqu'en 1963 par un élégant portail déposé au Musée Lorrain. Façade et chevet se terminent par un pignon insérant une haute toiture de tuiles plates. La corniche de la façade est décorée de modillons. Le portail en plein cintre est constitué de deux colonnettes aux chapiteaux à décor végétal portant un arc trilobé. Le tympan est décoré de figures en bas-relief représentant une Vierge à l'Enfant et deux anges thuriféraires, cette composition est classique vers la fin du XIIe siècle à l'image de celle représentée sur le tympan du portail nord de la cathédrale de Chartres. Quatre corbeaux alignés dans la paroi au-dessus du portail de Libdeau suggèrent qu'une large toiture en appentis l'abritait. Les rampants du pignon de la façade sont ponctués par une corniche bourguignonne remplacée sur les côtés et le pignon du chevet par une corniche plus discrète en simple pierre de taille. Au-dessus du portail enlevé, une élégante rose en pierre composée de douze compartiments à tête trilobée rayonnant d'un anneau central surprend par son important diamètre, l'ensemble est actuellement muré. Cette rose est surmontée d'une petite fenêtre en plein cintre de style roman.
Il est attesté que jusqu'à la Révolution, la messe était dite et l'entretien assuré, expliquant l'état relativement satisfaisant dans lequel la chapelle est parvenue jusqu'au milieu du XXe siècle. Après la Révolution et la mutation des bâtiments de la commanderie en exploitation agricole, la chapelle a subi de multiples altérations dont l'une des dernières fut à l'issue d'un don en 1963[18], le démontage puis le transfert, pierres à pierres, de son intéressant portail qui constitue l'un des éléments majeurs de l'édifice. Trois pierres tombales situées dans la nef ont également été démontées puis transférées, l'une datée de 1588 mentionne une épidémie de peste. L'ensemble des éléments démontés ont été transférés au palais ducal, l'actuel Musée lorrain[19] à Nancy.
L'intérieur de la chapelle était orné de décors peints dont il ne subsiste presque rien dans les deux premières travées de la nef. L'occupation humaine au cours des guerres successives depuis 1814 suivi d'un abandon définitif ont altéré les enduits en profondeur. Néanmoins dans cette partie il subsiste trois croix cerclées polychromes très altérées qui peuvent être assimilées à des croix de consécration de la chapelle. Les nervures toriques des croisées d'ogives conservent quelques décors diffus. La troisième travée correspondante au chœur a partiellement conservé les enduits successifs en relativement bon état. Des indices probants permettent d'espérer la conservation de peintures murales ou de fresques masquées par les badigeons au niveau du chevet.
Depuis le , la chapelle de Libdeau est juridiquement protégée puisqu'elle bénéficie d'une inscription à l'Inventaire Supplémentaire des Monuments historiques[20] interdisant désormais son démantèlement. Le Préfet de la Région Lorraine motiva sa décision en invoquant ceci : « […] Considérant que l'ancienne chapelle de la commanderie de Libdeau, unique vestige de l'architecture templière en Lorraine à l'aube de la suppression de l'ordre, présente un intérêt public pour l'histoire et en raison de la qualité de son architecture […] ». La chapelle a subi les méfaits du temps amplifiés par l'absence d'entretien et un abandon total depuis 1938. Depuis 2009 un projet de sauvetage était à l'étude relayé depuis par une association spécifique [21].
La restauration de la chapelle progresse, au fur et à mesure des financements publics et privés reçus.
La ferme de Libdeau
La ferme de Libdeau sur le territoire de Toul appartenait en bien propre à Alexis Chauxcouillon (Amodiateur ou admoniateur de la Cense du Libdo sur l'acte de mariage avec Catherine Cabaret à Pont à Mousson le )[22] et resta dans la famille jusqu'à sa vente en 1938. La présence dans la chapelle d'une pierre tombale évoquant une épidémie de peste de 1588 et mentionnant le nom de Chauxcouillon suggère la présence de cette famille dans cette ferme au moins depuis le XVIe siècle.
D'autres archives attestent la présence de cette famille à la ferme de Libdeau au XVIIIe siècle comme on le constate sur l'acte de décès de Dominique Chauxcouillon (né à Gondreville le ) décédé le à l'âge de 65 ans[23]. Un jugement relatif à la régularisation du droit de mutation rendu le par le tribunal de Toul confirme la propriété du corps de ferme à Claude Chauxcouillon avant son décès le .
La plupart des constructions actuelles datent du XVIIe siècle, en effet les bâtiments de ferme furent incendiés pendant la Guerre de Trente Ans et seule la chapelle échappa à la destruction. La disposition actuelle des constructions reflète très probablement, au moins partiellement, l’organisation spatiale du bâti conventuel et utilitaire précédant les destructions.
Références
↑A. D. Thiéry, Histoire de la ville de Toul et de ses évêques, tome 1, 1841, p. 269.
Il y a une erreur dans les deux ouvrages de Michel Henry (Henry 2006, p. 74), (Henry 1998, p. 180), l'auteur mentionne « Frère Bertrand » alors que les deux sources sur lesquelles il s'appuie contiennent le nom de frère Renaud (Henry 1998, p. 247, n° 84-85).
↑Nouveau supplément au grand dictionnaire historique, géographique, généalogique, &c. de M. Louis Moreri pour servir à la dernière édition de 1732. & aux précédentes : A - G, t. I, Paris, (lire en ligne), p. 299
↑abbé Piot, « Cirey-le-Château : La marquise du Châtelet », Mémoires de la Société des lettres, des sciences, des arts, de l'agriculture et de l'industrie de Saint-Dizier, t. VII, , p. 126, lire en ligne sur Gallica ; Augustin Calmet, Histoire généalogique de la maison Du Chatelet, branche puînée de la maison de Lorraine, Nancy, , p. 134, lire en ligne sur Gallica
↑ a et bCatherine Guyon, André Philippe et François Dousset, Archives départementales des Vosges - 50 H - Ordres religieux militaires : Répertoire numérique détaillé - (commanderies de Robécourt et de Laon, grands prieurés d’Aquitaine et de Champagne), Épinal, (1re éd. 1956) (lire en ligne), p. 32
Cote LH 64: Diminution par François de Haraucourt, commandeur de Robécourt, Libdeau et Norroy, sur la requête des habitants de Robécourt, des droits et redevances qu'ils lui devaient pour "leurs bestes tirans", avril 1528. En 1527, il apparaît déjà comme commandeur de Robécourt et Norroy (Guyon, Philippe et Dousset 2007, p. 21 (LH 49)) et il était commandeur de Virecourt et Villoncourt depuis au moins 1519 Germain 1900, p. 20 (note 6) et en 1525-1527 d'après Lepage 1853, p. 53.
L. Germain, « Note sur François de Haraucourt, commandeur de Saint-Jean du Vieil-Aître (XVIe siècle) », Journal de la société d'archéologie Lorraine et du musée historique Lorrain, Nancy, t. 49, , p. 20, lire en ligne sur Gallica
↑Henri Lepage, Les communes de la Meurthe : journal historique des villes, bourgs, villages, hameaux et censes de département, vol. 2, (lire en ligne), p. 696 ; Lepage 1853, p. 54, lire sur Google Livres
↑Michel Henry est le seul auteur qui inclut ce Lebeuf de Guyonville dans les commandeurs de Xugney et de Libdeau (Henry 2006, p. 283). Il doit s'agir de Guy Lebœuf de Guyonvelle, que cet auteur nomme par ailleurs Guy le Beuf de Guillonville[sic] (Henry 2006, p. 265, 267), formellement attesté comme commandeur de Saint-Jean-du-Vieil-Aître (Nancy) en 1529-1530 (Germain 1900, p. 20) ainsi que de Virecourt à partir de 1529 si on en croit Henri Lepage[9]. Il a donc succédé à François de Haraucourt, commandeur du Vieil-Aître en 1525 et de Virecourt en 1519 et 1528[8] mais il ne semble pas y avoir de documents qui prouvent sa présence à Xugney et Libdeau.
Cote LH 58: Jean de Choiseul, commandeur des commanderies de Robécourt, Norroy, St Jean-devant-Nancy et Xugney [dont dépend Libdeau] en 1534. Permet d'avancer la première date indiquée par Henry 2006, p. 283 pour Jean de Choiseul (1537) et de reculer celle de Leboeuf de Guyonville qui le précède.
Cote LH 5: Comptes de Claude d'Igny de Rizaucourt, commandeur de la Neuville-au-Temple concernant Guy de Mandres commandeur de Xugney pour la dite commanderie et celle de Libdeau qui en dépend.
Charles Descrots-Duchon, commandeur de Corgebin, Thors, Xugney et Libdeau, parrain de Sébastien Godefroy, baptisé en la paroisse Saint-Pierre de Toul le 3 juin 1670
↑François de Haudessens d'Escluseaulx, Privilèges des papes, empereurs, rois et princes de la chrétienté, accordez à l'ordre Saint Jean de Hiérusalem, (lire en ligne), p. 929-931
Arrêt de la Cour de Parlement de Metz du 5 décembre 1675 portant résolution de bail par changement de Commanderie. On le voit également en décembre 1676 dans une sentence du parlement de Metz, cf. Guyon, Philippe et Dousset 2007, p. 15, Cote LH 35, puis dans un arrêt du même parlement en date du 8 avril 1686, confronté aux intérêts défendus par le curé de Manonville cf. Pouillé ecclésiastique et civil du diocèse de Toul par le père Benoît Picard, tome 1, p. 281
Acte de funérailles de Gaspard de Pernes daté du 28 avril 1690 - Registre de la paroisse Saint-Pierre de Toul
↑✝ à Toul, le 13 décembre 1774 (Inventaire-sommaire des Archives départementales de Meurthe-et-Moselle, par Henri Lepage, 1881, H. 3287. Il est mentionné en H. 3054, 3156-3158, 3164, 3171, 3278, 3280-3285, 3289.
↑ROGER Jean-Marc, Le prieuré de Champagne des « Chevaliers de Rhodes », 1317-1522, Thèse de doctorat d'État 2001, Lille, 2003, p. 1709.
↑Recherches de Robert Depardieu aux Archives départementales de Meurthe-et-Moselle - Registres paroissiaux et d'état civil Francheville B., M., S. 1674-1725, 1727-1729, 1731-1792 vue 594 ET 595 et registre des mariages de Pont à Mousson Paroisse Sainte-Croix B.M.S 5Mi 430/R 3 Pages 186,187/553
Pierre Simonin, « Quatre chapelles du temple en Lorraine », Le Pays Lorrain, vol. 73, no 1, , p. 15-25, lire en ligne sur Gallica
Pierre Simonin, « L'ancienne chapelle des Templiers de Libdeau », Études Touloises, vol. 61, , p. 21-25 (lire en ligne).
Henri Lepage, « Notice sur quelques établissements de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem situés en Lorraine : IX. Commanderie de Libdeau et de Toul », Annuaire administratif, statistique, historique et commercial de la Meurthe, , p. 61-64 (lire en ligne)
Henri Lepage, Inventaire sommaire des archives départementales antérieures à 1790 : Meurthe-et-Moselle : Archives ecclésiastiques, série H, n°1693 à 3353, Nancy, , 191 p. (présentation en ligne) « Les Commanderies de Xugney et de Libdeau, près de Toul », H. 3155 à 3171.
Nipels et Arnould, Journal de l'enregistrement et du notariat: recueil des décisions, arrêts, jugements en matière d'enregistrement, de timbre, de greffe, d’hypothèque, de notariat, de successions, de mutations par décès, de domaines, etc., Éditions Meline, Cans et Compagnie, Bruxelles, vol. 15 à 16, 1848, p. 27.
Julien Frizot, Les grands sites templiers en France, Éditions Ouest-France, 2005.
Daniel Gaillard, Les Hauts-Lieux Templiers, Éditions Lacour-Rediviva, 2005.
Jean-Luc Aubarbier et Michel Binet, Les Sites Templiers en France, Éditions Ouest-France, 1997.
Michel Mazerand, Les Templiers en Lorraine, Éditions JMC, Nancy, 1993, (ISBN2-908141-03-5).