Coker v. Georgia

Coker c. Géorgie (Coker c. Georgia)
Sceau de la Cour suprême des États-Unis
Cour suprême des États-Unis
Informations générales
Nom complet Erlich Anthony Coker c. État de Georgie (Erlich Anthony Coker v. State of Georgia)
Soumis ...
No de l'affaire 433 U.S. 584
Branche de droit Droit pénal
Lien http://www.law.cornell.edu/supct/html/historics/USSC_CR_0433_0584_ZS.html
Opinion majoritaire
Juge White, rejoint par Steward, Stevens et Blackmun

Brennan
Marshall
Powell (concurrence-dissidence)

Opinion(s) dissidente(s)
Juge(s) Burger, rejoint par Rehnquist

L’arrêt Coker c. Georgie ((en)Coker v. Georgia) opposait l'État de Géorgie et Ehrlich A. Coker devant la Cour suprême des États-Unis sur la question de l'inconstitutionnalité de la peine de mort pour viol au regard du VIIIe amendement.

Contexte

Historique

Dans l'histoire pénale américaine, la liste des crimes capitaux ne se limitait pas uniquement au meurtre et à la trahison[Note 1],[1],[2],[3],[4]; ainsi, entre 1930 et 1967 environ 3859 furent exécutées dont 455 le furent pour viol et 70 pour crimes divers tels que l'effraction, le vol à main armée, la tentative de meurtre, l'enlèvement ou les voies de fait commises par des prisonniers à vie[5].

Caryl Chessman fut condamné à mort et exécuté pour enlèvement, les Rosenberg le furent pour espionnage tandis que Jimmy Wilson fut condamné à mort pour vol avec violence avant de voir sa peine commuée en réclusion criminelle à perpétuité.

Le Ronald Wolfe fut exécuté à mort dans la chambre à gaz du Missouri pour avoir violé une fille de huit ans peu de temps après être sorti d'une prison fédérale et fut le dernier à mourir pour viol n'ayant pas entrainé la mort de la victime.

Quatre mois après, le , James Coburn fut exécuté à mort sur la chaise électrique de l'Alabama pour vol avec violence et fut à la fois le dernier à mourir aux États-Unis pour vol exécuté avec violence ou port d'arme et pour un crime autre que meurtre.

Années 1970

En 1972 la Cour suprême des États-Unis rendit l’arrêt Furman déclarant la peine de mort anticonstitutionnelle dans son application en raison du caractère fantasque des condamnations.

Les différents États fédérés décidèrent alors de rédiger des lois qui seraient acceptables pour la Cour: certains décidèrent de mettre en place des peines de mort automatiques et d'autres des systèmes de délibération guidée où les juges ou les jurys auraient des critères objectifs afin de déterminer les peines de coupables de crimes capitaux au cours d'une phase de détermination de la peine située après la détermination de la culpabilité.

En 1976 la Cour admit les systèmes de délibération guidée[Arret 1],[Arret 2],[Arret 3] mais refusa, en revanche, les systèmes automatiques[Arret 4],[Arret 5].

En 1974, lorsque la Géorgie décida de rétablir la peine de mort, la législature décida qu'en plus du meurtre, de la trahison et du détournement d'avion, l'enlèvement, le viol et le vol à main armée demeureraient des crimes capitaux[Note 2] et décida en revanche que le faux témoignage ayant entrainé une condamnation à mort ne le serait plus.

Crime

À sept heures et demie du soir, le et profitant d'une réunion des Alcooliques anonymes à la prison d'état de Ware, Ehrlich Coker, condamné à perpétuité dix-huit mois auparavant pour avoir violé et assassiné une fille de seize ans et violé et tenté de tuer une autre fille de seize ans[Note 3], menaça le directeur avec une barre de fer puis partit avec deux autres prisonniers.

Trois heures et demie plus tard, séparé des autres fugitifs, vêtu de sa tenue pénale et armé d'une palette en bois, Coker pénétra dans le domicile occupé par le couple formé par Allen et Elnita Carver, tous deux âgés de seize ans.

Il ordonna à Mme Carver d'attacher son mari, que le mari rattacha alors à la barre de douche après l'avoir dépouillé de ses vêtements, son portefeuille, ses clefs et son argent, l'avoir bâillonné avec les sous-vêtements de son épouse et pris un couteau, qu'il utilisait, avec la palette, pour menacer les époux.

Il viola alors Mme Carver bien qu'elle l'ait averti de son état particulièrement affaibli à la suite de son accouchement trois semaines auparavant puis l'emmena avec lui dans le véhicule du couple après avoir interdit à son mari d'appeler la police sous peine de voir sa femme mourir.

M. Carver désobéit cependant à cette consigne et la police arrêta Coker, toujours armé du couteau qu'il avait pris chez les Carver et retenant Mme Carver[Arret 6].

Le l'acte d’accusation fut émis par le parquet, la question de démence fut soulevée le et réglée en sa défaveur le , date à laquelle commença son procès.

Le Ehlrich Coker fut condamné à la chaise électrique pour viol avec les circonstances aggravantes d’antécédents de condamnation pour crimes capitaux et de connexité à la commission d'un autre crime capital (vol à main armée et enlèvement).

Le la cour suprême de Géorgie jugea en sa défaveur son recours en cassation de son arrêt capital[Arret 6].

Il introduit alors près de la cour suprême des États-Unis un recours en cassation pour cause de violation des VIIIe et XIVe amendements.

Arrêt

La Cour rendit sa décision le en faveur de l'appelant[6],[7].

Opinion de la Cour

Le juge White, rejoint par les juges Douglas, Steward et Blackmun, vota la cassation.

Il argua du fait que dix-huit états, principalement situés dans le Sud, punissaient de mort le crime de viol en 1925 puis, en 1971, seize états; après Furman seulement trois États (la Louisiane, la Caroline du Nord et la Géorgie) punissaient de mort le viol d'une femme adulte[Note 7]. La Louisiane et la Caroline du Nord ayant vu leurs systèmes de peine capitale annulés par Woodson pour leur caractère automatique et n'ayant pas maintenu la peine de mort pour viol, la Géorgie restait seule, dans l'Union, à maintenir la peine de mort pour le viol d'une femme adulte.

Il argua ensuite du fait que les jurys de Géorgie n'ont imposé la peine de mort que dans six cas sur soixante-trois et parmi ces six cas, la Cour suprême de Géorgie commua la peine capitale dans un cas.

Il argua enfin que le viol ne pouvait être comparé à l'homicide volontaire de par ses conséquences.

Opinions concurrentes

Brennan et Marshall

Les juges Marshall et Brennan votèrent pour la cassation de l’arrêt portant condamnation à mort du requérant Coker, se basant sur leur opinion que la peine de mort en elle-même est une violation de la constitution.

Powell

Le juge Powell vota la cassation de l’arrêt en disant que ce cas n'était pas assez grave pour justifier une peine capitale.

Il exprima cependant son désaccord avec l'idée de l'opinion principale qu'aucun cas de viol ne pourrait être puni de mort.

Opinion dissidente

Le juge en chef des États-Unis Burger, rejoint par le juge Rehnquist, vota le refus de la cassation de l’arrêt portant condamnation à mort de Coker en arguant du fait que, condamné à perpétuité, Coker était quasiment à l'abri de toute peine sérieuse pour les crimes qu'il commettraient à l'extérieur et même en prison.

Il évoqua ensuite la souveraineté des États fédérés en matière de droit criminel et demanda que la Cour suprême laisse les états libres de déterminer librement quelle peine constitutionnelle doit être affectée à quel crime.

Suites

Court terme

Cet arrêt cassa la condamnation à mort de Coker, obligeant l’État de Géorgie à le condamner à une autre peine.

Cet arrêt cassa aussi les condamnations à mort des prisonniers suivants[6],[8]:

  • John Wallace Eberheart et John Wesley Hooks, condamnés à mort pour avoir enlevé puis violé une automobiliste originaire du Michigan et partant rejoindre son mari en Floride[Arret 7];
  • Donald Boyer; condamné pour viol, enlèvement et vol de voiture[Arret 8]
  • William James Hughes, pour le viol de la secrétaire d'un avocat à son cabinet et vol de 102 dollars sous la menace d'un couteau[Arret 9].

Coker purge encore ses peines de prison à Philips, sous le numéro d’écrou 0000379279.

Long terme

Cet arrêt fit penser à certains juristes que la peine capitale pour crimes n'ayant pas entrainé la mort était interdite.

Cependant plusieurs États fédérés tentèrent d'exécuter des personnes pour de tels crimes: ainsi la Cour suprême de Floride attendit 1981 pour invalider la loi punissant de mort le viol sur mineur de 11 ans, après plusieurs condamnations à mort (William Shue[9], Daniel Coler[10] et Lucious Andrews[11]), sur la base de l’arrêt Coker[Arret 10] et le Mississippi attendit le cas Alfred Leatherswood en 1989 pour faire de même mais sur la base du fait que les circonstances aggravantes pour les crimes capitaux n'aient été rédigées que pour s'appliquer dans les cas de meurtre[Arret 11]; de même l'Utah tenta de faire condamner à mort Ronnie Lee Gardner et un autre détenu pour voies de fait aggravées par un prisonnier[Arret 12].

Le Tennessee, quant à lui, se retrouva dans la même situation que la Louisiane et la Caroline du Nord, dont les systèmes de peines de mort automatiques furent invalidés.

En 2008 l’arrêt Kennedy c. Louisiane mit un terme final à cette polémique en déclarant la peine de mort illégale dans les cas de crimes n'ayant pas entrainé la mort s'ils n'intéressaient pas la sûreté de l’État.

Voir aussi

Liens internes

Notes et références

Notes

  1. « [...] the list of other offenses that one or more states include in their lists of capital crimes is long: carnal knowledge, robbery, perjury in a capital case, bombing, dynamiting, assault by a life term prisoner, burglary, arson, train wrecking, espionage, machine gunning, innumerable forms of assault, selling narcotics to a minor, train robbery, a third conviction for any offense, piracy of an aircraft, [...] »

    — Richard Hammer, Between life and death

    « [...] la liste des autres infractions qu'au moins un État inclut dans leur liste de crimes capitaux est longue : atteinte sexuelle, vol avec violence, faux-témoignage au cours d'un procès où la peine de mort est encourue, dépôt d'engin explosif, détonation de substances explosives, voies de fait par un prisonnier à vie, effraction, incendie volontaire, déraillement volontaire de train, espionnage, décharge d'une mitrailleuse, innombrables formes de voies de fait, vente de stupéfiants à un mineur, braquage de train, troisième condamnation pénale, piraterie aerienne, [...] »

    — Between life and death

  2. Cependant, les crimes de trahison et de détournement d'avion ne sont pas concernés par le système de délibération guidée.
  3. Pour un total de trois peines de prison à vie, deux peines de vingt ans et une peine de huit ans (soit quarante-huit ans au total)
  4. « Every person eighteen (18) years of age or older who shall be convicted of rape by carnally and unlawfully knowing a child under the age of fourteen (14) years, upon conviction, shall be sentenced to death or imprisonment for life in the State Penitentiary; [..] »

    — (en) États-Unis, Mississippi. « Miss. Code », art. 97-3-65(1). (version en vigueur : 1990)

    « Toute personne ayant dix-huit (18) ans ou plus et qui aura été condamnée de viol sur un mineur de quatorze (14) ans sera condamnée à mort ou à l'emprisonnement à vie au pénitencier d’État »

  5. « A person 18 years of age or older who commits sexual battery upon, or in an attempt to commit sexual battery injures the sexual organs of, a person less than 12 years of age commits a capital felony, punishable as provided in ss. 775.082 and 921.141. »

    — (en) États-Unis, Floride. « Fl. Stat. », art. 794.011(2) (a)

    « Une personne âgée d'au moins 18 ans qui commet un viol sur un mineur de 12 ans ou qui, en tentant de commettre un tel crime, cause des lésions sur les organes génitaux de la victime, commet un crime capital (capital felony), punissable comme stipulé aux art. 775.082 et 921.141. »

  6. « Whoever is convicted of the rape of any female under twelve years of age shall suffer death by electrocution. »

    — (en) États-Unis, Tennessee. « Tenn. Code Ann. », art. 39-3702. (version en vigueur : 1975)

    « Quiconque aura été condamné pour le viol d'une mineure de douze ans sera puni de mort par électrocution »

  7. Trois autres États - le Mississippi[Note 4], la Floride[Note 5] et le Tennessee[Note 6] - avaient la peine de mort pour viol sur mineurs.

Références

Arrêts et jugements

  1. (en) Cour Suprême des États-Unis, Troy Leon Gregg c. Géorgie, , 428 U.S. 153
  2. (en) Cour Suprême des États-Unis, Jerry Lane Jurek c. Texas, (lire en ligne), 428 U.S. 262
  3. (en) Cour Suprême des États-Unis, Charles William Proffitt c. Floride, (lire en ligne), 428 U.S. 242
  4. (en) Cour Suprême des États-Unis, James Tyrone WOODSON and Luby Waxton, Petitioners, v. State of NORTH CAROLINA., (lire en ligne), 428 U.S. 280
  5. (en) Cour Suprême des États-Unis, Stanislaus Roberts c. Louisiane, (lire en ligne), 428 U.S. 325
  6. a et b (en) Cour Suprême de Géorgie, Coker c. État, (lire en ligne), 234 Ga. 555
  7. (en) Cour Suprême de Géorgie, John Wallace Eberheart c. Etat, (lire en ligne), 232 Ga. 247
  8. (en) Cour suprême de Géorgie, Donald Boyer c. État, (lire en ligne), 240 Ga. 170
  9. (en) Cour suprême de Géorgie, James Hughes c. État, (lire en ligne), 239 Ga. 393
  10. (en) Cour suprême de Floride, Robert Lewis Buford c. État, (lire en ligne), 403 So.2d 943
  11. (en) Cour suprême du Mississippi, Alfred Dale Leatherwood c. État, (lire en ligne)
  12. (en) Cour suprême de l'Utah, Etat c. Ronnie Lee Gardner, (lire en ligne)

Autres

  1. (en) United States Congress House Judiciary Committee, Capital Punishment : Hearings Before Subcommittee No. 3., , 476 p. (lire en ligne), p. 261-264
  2. (en) James A. McCafferty, Capital Punishment, Aldine Transaction (ISBN 978-1-4128-4477-2, lire en ligne), p. 45
  3. (en) Richard Reifsnyder, « Capital Crimes in the States », Journal of Criminal Law & Criminology, vol. 45, no 6,‎ (lire en ligne, consulté le )
  4. (en) Leonard D. Savitz, « Capital Crimes as Defined in American Statutory Law », Journal of Criminal Law, vol. 46,‎ (lire en ligne, consulté le )
  5. (en) Margaret Vandiver, Lethal Punishment : Lynchings and Legal Executions in the South, Rutgers University, , 304 p. (ISBN 978-0-8135-4106-8, lire en ligne), p. 10
  6. a et b (en) « Rape verdict based on non-fatal issue », Beaver Country Times,‎ , B7 (lire en ligne)
  7. « LA COUR SUPRÊME ABOLIT LA PEINE DE MORT POUR FAIT DE VIOL », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  8. (en) Criminal Law Series, , 1236 p. (lire en ligne).
  9. (en) « Convicted Rapist Returning To Ocala For Resentencing », Ocala Star-Banner,‎ , p. 2A (lire en ligne, consulté le )
  10. (en) Walter Putnam, « Man Charged In Rape Of Daughter Set Free », Sarasota Herald-Tribune,‎ , p. 10B (lire en ligne, consulté le )
  11. (en) « Judge Sentences Man To Death For A Rape », Sarasota Herald-Tribune,‎ , p. 2D (lire en ligne, consulté le )