Chefs musulmans face aux croisadesL’objectif des croisades étant de délivrer les Lieux saints de l’occupation musulmane, les croisés se sont retrouvés à lutter contre des chefs musulmans. Cet article dresse la liste des chefs et des États musulmans ainsi que leurs rapports avec les croisés. Contrairement aux États croisés, qui perdurent pendant près de deux siècles sans changer d’institutions et souvent dans une continuité dynastique, les États musulmans se caractérisent par une grande instabilité politique due à deux facteurs. Le premier est qu’à la mort d’un souverain, ses héritiers commencent le plus souvent à lutter pour la succession, et le second facteur est que lorsqu’un chef subit des échecs répétés face aux Francs, ses soldats considèrent qu’il n’a plus la faveur d’Allah et l’abandonnent, mettant leur chef à la merci d’un émir plus puissant. Les deux exceptions sont le sultanat de Roum qui, mis à part le premier choc entre croisés et musulmans, reste à l’écart des conflits et le sultanat mamelouk, qui s’organise dans une structure propre à résister aux changements de sultan. Une autre caractéristique des États musulmans est leur désunion et les rivalités, voire les haines qui les empêchent de s’allier contre les croisés, permettant les succès de ces derniers. On voit même des principautés musulmanes s’allier aux Francs contre leurs voisins musulmans. AnatolieL’Anatolie représente le premier contact entre les croisés et le monde musulman. À l’époque de la première croisade, l’Anatolie est dominée par deux familles, les Seldjoukides et les Danichmendides. Sultanat seldjoukide de RoumLes Seldjoukides sont des Turc[note 1] qui quittèrent le Turkestan à la fin du Xe siècle à cause du manque de pâturages nécessaires pour satisfaire aux besoins d’une population croissante. Ils s’installent en Iran sous la domination des sultans Ghaznévides qui contrôlent alors le califat de Bagdad. Profitant de ce que les Ghaznévides soient engagés dans la conquête de l’Inde, le seldjoukide Tughril Beg se révolte en 1038 et bat le sultan ghaznévide Ma’sûd en 1040 à Dandânaqân et se proclame sultan. En 1050, il achève la conquête de l’Iran et en 1055 il domine le califat. Profitant des guerres civiles qui secouent l’empire byzantin de 1057 à 1081, les seldjoukides envahissent l’Arménie et prennent possession des villes et des places fortes, sous la conduite d’Alp Arslan, second sultan et neveu de Tughril Beg. L’empereur Romain IV Diogène tente de reprendre l’Arménie, mais il est battu et fait prisonnier à Mantzikert le [1] et meurt l'année suivante. Les différents prétendants qui se disputent ensuite le trône impérial font appel à des auxiliaires turcs et les autorisent à s’établir en Anatolie. Ainsi un cadet seldjoukide, Süleyman Ier Shah, reçoit des terres et fonde en 1073 le sultanat de Roum. En 1081, il s’empare de Nicée, à quelques dizaines de kilomètres de Byzance, où il établit sa capitale[2]. Mais en 1086, Süleyman entre en guerre contre Tutuş, son cousin qui contrôle la Syrie et est tué par ce dernier. Cette guerre cause une haine profonde entre les cousins et même les croisades ne parviennent pas à combler ce fossé. Le sultanat de Roum reçoit le premier choc des croisés et ne peut rien contre sa progression. Nicée est prise, obligeant le sultan à déplacer sa capitale à Qonya (ou Iconium). Kılıç Arslan Ier tente ensuite de défaire les croisés dans une embuscade à Dorylée, mais il est vaincu. Par la suite, il pratique la tactique de la terre déserte, sans réussir à stopper la croisade. Plusieurs croisades de secours tentent de traverser l’Anatolie en 1100 et en 1101 et seront massacrées par Kılıç Arslan. Profitant du succès des croisés, l’empereur Alexis Ier Comnène conquiert la partie occidentale du sultanat de Roum, mais cet État continue à faire office de barrière aux croisés. La seconde croisade, conduite par Conrad III est sévèrement battue à Dorylée en 1147, mais la troisième croisade conduite par Frédéric Barberousse prend Qonya d’assaut le . Les croisades suivantes préfèrent se rendre en Terre sainte par la voie maritime et renoncent définitivement à prendre la route terrestre de l’Anatolie, laissant tranquille le sultanat de Roum qui perdure jusqu’en 1307.
DanichmendidesCet émirat est également issu de Turcs qui ont accompagné les Seldjoukides dans leur expansion. C’est probablement en profitant de la guerre civile qui déchire l’empire byzantin entre 1057 et 1081 et à titre d’armée auxiliaire d’un prétendant qu’ils reçoivent des terres en Anatolie orientale. Où peut-être peu entre 1086 et 1092, quand le sultanat de Roum s’est retrouvé sans maître après la mort de Süleyman Ier Shah[3]. Mais les textes n’en parlent pas avant l’an 1095. C’est le principal rival du sultanat de Roum et si le sultan seldjoukide Kılıç Arslan tarde à secourir Nicée assiégé par les croisés en 1097, c’est parce qu’il est en train de disputer la suzeraineté de Malatya à Danichmend. Il accepte de faire la paix avec Kılıç Arslan et combat à ses côtés à Dorylée, puis contre les croisades de secours de 1100, mais l’alliance est rompue peu après. Par la suite, éloigné du théâtre des opérations, il n’a peu de combat avec les croisés (seulement avec la principauté d'Antioche), mais s’attaque aux seldjoukides, permettant à Alexis Comnène de se rendre maître d’une partie du sultanat de Roum, et aux établissements arméniens de Cilicie. Son objectif principal reste Malatya, tenu par Gabriel de Malatya et vassal du comté d'Édesse. En 1100, il capture Bohémond de Tarente, prince d’Antioche, qui était venu secourir Malatya assiégé, et s’empare de la ville en 1103. L’émirat danichmendide dure jusqu’en 1168, date à laquelle il est conquis par les seldjoukides[4].
ÉgypteVoisins immédiats des États croisés par le sud, les Égyptiens sont également les possesseurs de Jérusalem lorsque les croisés prennent la ville en 1099. Trois régimes se sont succédé en Égypte pendant les deux siècles que durent les croisades :
Califat fatimideTout oppose les Fatimides aux Seldjoukides. Les Seldjoukides soutiennent et protègent le calife de Bagdad, de tradition sunnite et successeur du prophète de l'islam, Mahomet, tandis que les Fatimides sont de tradition chiite ont conquis le nord de l’Afrique sur le califat abbasside et se sont ensuite proclamés califes, contestant à l’Abbasside la suprématie religieuse. Au Xe siècle, ils dominent la façade méditerranéenne de la Syrie, mais les Seldjoukides la leur ont reprise au cours du XIe siècle. Depuis, les deux dynasties se disputent la Syrie. En 1098, les Fatimides profitent de ce que les Seldjoukides soient aux prises avec les croisés assiégeant Antioche pour leur reprendre la Syrie méridionale, y compris Jérusalem. Ils proposent même une alliance aux croisés pour les aider à prendre Antioche, mais ces derniers refusent, car leur objectif final est Jérusalem, que les Fatimides ne veulent pas céder. Au cours des décennies qui suivent 1099, les Égyptiens tentent à plusieurs reprises d’envahir le royaume de Jérusalem, mais sans succès[5]. Puis le califat fatimide tombe dans la décadence et les vizirs se font la guerre pour le pouvoir. À partir de 1160, les forces de Nur ad-Din et du royaume de Jérusalem interviennent en Égypte, chacun soutenant un prétendant au vizirat. Les Francs commencent par l’emporter et placent l’Égypte sous protectorat, mais ils tentent maladroitement d’annexer le pays qui se révolte et se rallie à Shirkuh, un général de Nur ad-Din, qui devient vizir. Saladin, son neveu et successeur, abolit le califat et prend son indépendance vis-à-vis de Nur ad-Din, qui meurt peu après[6].
Sultanat ayyoubideLa lutte de pouvoir au sein du califat fatimide a entraîné l’intervention de Shirkuh, lieutenant de Nur ad-Din et des Francs, et amenant la victoire des premiers. Shirkuh meurt peu après, laissant le pouvoir à son neveu Saladin qui prend ses distances face à Nur ad-Din et se proclame sultan. La mort de Nur ad-Din empêche le conflit armé, et Saladin reprend le programme d’unification de l’Islan des Zengides au détriment des fils de Nour ad-Din. Son plus grand succès est la victoire de Hattin et la reprise de Jérusalem, mais après sa mort, ses fils se déchirent pour la succession. Al-Adil, frère de Saladin, s’empare de l’Égypte en 1198, puis élimine les autres héritiers. Les Ayyoubides se maintiennent en Égypte jusqu’en 1250, ayant une politique plutôt bienveillante vis-à-vis des Francs, en dehors de la venue des croisades. En 1250, le sultan Tûrân Châh est détrôné et égorgé par sa garde mamelouk.
État mameloukArrivé au pouvoir après avoir détrôné et égorgé le dernier des Ayyoubides d'Égypte, ces soldats n’ont de cesse de reprendre tout le Proche-Orient aux Francs. Mis en difficulté par l’invasion mongole de 1260, ils parviennent à battre les Mongols. En 1291, ils prennent la dernière place forte franque, unifiant le Proche-Orient sous leur domination.
SyrieAlepAlep, initialement possession du sultanat de Roum est conquise en 1086 par Tutuş, émir de Damas, qui se proclame ensuite sultan seldjoukide de Syrie. À sa mort, ses émirats sont partagés entre ses deux fils, qui se détestent. Il s'ensuit une rivalité entre les deux émirats, qui survit longtemps à l'extinction de la descendance de Tutuş. Lié à Mossoul, l'émirat se retrouve dans l'empire zengide, avant de devenir le centre du pouvoir de Nur ad-Din, puis de passer sous le contrôle de Saladin. Après la mort de Saladin, il devient un émirat distinct, parfois rattaché à l'Égypte, mais finalement détruit par les Mongols.
Il faut également citer un cadi de la ville, Ibn al-Khashshâb, qui, sans prendre part au gouvernement de la ville, s'est fait le champion de la lutte contre les croisés de 1099 à sa mort en 1125. Sans vouloir le pouvoir pour lui-même, il a pris part à plusieurs reprises pour influer sur la politique de la ville, n'hésitant pas à solliciter un chef musulman à prendre la direction de la ville quand l'émir en place n'était pas assez combatif vis-à-vis des Francs. AntiocheJusqu’en 1085, Antioche est tenue par Philaretos Brakhamios, un gouverneur d’origine arménienne qui tient théoriquement la ville au nom des Byzantins, mais qui se comporte comme un prince indépendant. La ville est prise en 1085 par Süleyman Ier Shah, sultan de Roum, mais ce dernier est tué l’année suivante par le seldjoukide syrien Tutuş et la ville d’Antioche est confiée sur l’intervention de Malik Shâh, le grand seldjoukide à un de ses officiers Yâghî Siyân. Après la mort de Malik Shâh, Yâghî Siyân parvient à se concilier la faveur de Tutuş, puis celle de son fils, Ridwan d’Alep, de sorte qu’Yâghî Siyân est le premier des émirs syriens à se retrouver face aux croisés[16].
DamasDamas est confiée en 1078 par le sultan seldjoukide Malik Shah Ier à son frère Tutuş, qui fait ensuite la conquête d'Alep et se proclame sultan seldjoukide de Syrie. À sa mort, ses émirats sont partagés entre ses deux fils, qui se détestent. Il en découle une rivalité entre les deux émirats qui va survivre longtemps à l'extinction de la descendance de Tutuş. Longtemps Damas préfère s'allier au royaume de Jérusalem contre Zengi, mais la maladresse des croisés de la seconde croisade au siège de Damas renverse l'opinion, et la ville se rallie à Nur ad-Din, fils de Zengi, puis passe sous le contrôle de Saladin après la mort de Nur ad-Din. Après la mort de Saladin, il devient un émirat distinct, parfois rattaché à l'Égypte, mais finalement détruit par les Mongols.
HomsHoms, anciennement Émèse, est un émirat mineur, vassal de celui d’Alep. Ses émirs, au cours du début du XIIe siècle sont de farouches ennemis des Francs. En 1129, inquiet de la montée de pouvoir de Zengi, l’émir de Homs fait allégeance à l’émir de Damas. Il meurt peu après et ses fils, mineurs cèdent Homs à Damas en échange de Palmyre. Le mamelouk Mu’în al-Dîn Unur reçoit la ville et la défend contre les assauts des Byzantins, du prince d’Antioche et de Zengi. Ce dernier accepte cependant de céder la place par diplomatie en 1138, et Homs suit les destinées d'Alep, jusqu'à ce que Saladin envoie un de ses cousins en faire la conquête. Ce cousin transmet la ville à ses descendants, jusqu'à la conquête mongole en 1260, puis Homs se retrouve ensuite intégré dans l'empire mamelouk.
JérusalemDurant le XIe siècle, Jérusalem fait partie du califat fatimide. En 1071, le chef turc Atsiz ibn Abaq en fait la conquête au nom du sultan seldjoukide Alp Arslan, qui confie ensuite la ville aux Ortoqides. Profitant des ennuis des Seldjoukides aux prises avec les croisés qui assiègent Antioche, les Fatimides reprennent Jérusalem, mais pour peu de temps, car les croisés prennent la ville le [33].
MossoulMossoul est une cité située au nord de la Mésopotamie et qui tient les routes reliant cette région à la Syrie. La création du comté d'Édesse dès 1098 la place sous la menace directe des Francs, aussi, après les échecs de Ridwan d'Alep et de Duqâq de Damas, l’atabeg Kerbogha prend-il la tête de la résistance musulmane face aux croisés, espérant obtenir du même coup la prédominance en Syrie. Sa défaite sonne le glas de ses espérances et, après sa mort en 1102, Mossoul devient l’enjeu de luttes de successions et se désintéresse des croisades. Mossoul est pourtant une cité qui présente au sultan seldjoukide le double avantage d’être à portée de sa main et d’être suffisamment proche de la Syrie pour envisager d’en faire une base pour lancer des contre-croisades, aussi reprend-il le contrôle de la ville pour y nommer des atabegs chargés d’organiser la contre-attaque contre les Francs. Le premier d’entre eux à obtenir des succès est Zengi qui s’empare du comté d’Edesse de 1144 à 1146, mais qui a également commencé l’unification politique de la Syrie. À sa mort son royaume est divisé entre ses fils, Alep revenant à Nur ad-Din et Mossoul à Saif ad-Dîn Ghâzî Ier. Dès lors, Mossoul est séparé des États francs par ceux de Nur ad-Din, puis par ceux de Saladin, et prend une très faible part de la lutte contre les Francs[36], se consacrant plutôt aux luttes de pouvoir en Mésopotamie.
TripoliAu cours du Xe siècle, Tripoli fait partie du califat fatimide d’Égypte, mais, profitant de l’avancée des seldjoukides en Syrie, qui s’emparent de la Palestine, Abû Tâlib, qâdî de Tripoli et fondateur de la famille des Banû ’Ammâr, se rend indépendant de l'Égypte et pratique une politique d’équilibre entre les Fatimides et les Seldjoukides. En effet, fortement défendue par ses remparts, la ville pouvait subir un siège des uns ou des autres en attendant que le camp adverse envoie une armée déloger les attaquants. Cette politique est un succès, jusqu’à l’arrivée des Croisés, qui commencent à coloniser le pays. Ceux-ci, pressés d’atteindre Jérusalem, diffèrent la conquête de Tripoli en raison de la puissance de ses murailles, mais l’un des chefs croisés, Raymond de Saint-Gilles, revient dans le pays avec la ferme intention de se tailler une principauté ayant Tripoli pour capitale. Le siège dure de 1102 à 1109, à l’issue duquel la ville devient la capitale du comté de Tripoli[48].
Califat abbasside de BagdadLoin à Bagdad, vit le calife abbasside, l’autorité religieuse islamique suprême. Il n’exerce aucune autorité politique depuis le milieu du IXe siècle, le pouvoir étant assuré par les Seldjoukides du milieu du XIe siècle à la fin du XIIe siècle, puis par les Korasmiens. Ce pouvoir politique est cependant très disputé et l’on voit Zengi intervenir dans les affaires du califat quand il ne lutte pas contre les Francs. L’invasion mongole de 1258 mettra une fin définitive au califat abbasside de Bagdad, qui sera cependant restauré en Égypte sous la protection des Mamelouks. Mais le calife jouit d’une autorité religieuse incontestée et on le voit intervenir pour ramener la paix entre Musulmans. Ainsi en 1250, les Mamelouks détrônent et assassinent le dernier sultan ayyoubide d’Égypte, et son cousin, émir de Damas, leur déclare la guerre pour venger son cousin et s’approprier l’Égypte. Pour éviter que les deux camps ne s’affaiblissent face à Saint-Louis qui séjourne en Terre sainte, le calife ordonne aux belligérants de faire la paix, et il sera obéi.
En 1194, Tuğrul III est déposé par Takash, chef Khorezmiens, qui met fin au sultanat seldjoukide et fonde le sultanat khorezmiens. Ce dernier est détruit en 1231. Chefs musulmans par croisadePremière croisade : 1096-1099
Entre la première et la seconde croisade
Seconde croisade : 1147-1149
Entre la seconde et la troisième croisade
Troisième croisade : 1189-1192
Quatrième croisade : 1202-1204
Cinquième croisade : 1217-1221
Sixième croisade : 1228-1229
Septième croisade : 1248-1254
Entre la septième et la huitième croisade
Huitième et neuvième croisade : 1270
Après la neuvième croisade
Notes et référencesNotesRéférences
AnnexesLiens internesSources
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