Aziz Chouaki est né à Tizi Rached, en Algérie française à l'époque, dans une famille d'instituteurs. En 1955, alors que la guerre d'Algérie bat son plein, il rejoint la capitale avec sa mère institutrice francophone. Profondément marqué par l'abandon de son père, il se réfugie dans les livres, au carrefour de deux langues, le berbère et le français[3].
C'est en fouinant dans la bibliothèque de la caserne qu'il découvre la littérature française classique. À sa sortie, en 1977, il se met à écrire. En 1983, il publie à compte d'auteur un recueil de nouvelles et de poèmes au style très particulier : Argo (« Le diadème était maudit », « Feux et encres », « Intronisant fatal le venin », « Le serpent vénérant royal », « Fiel et science », « Le siècle était bien funeste »).
Il entame des études de littérature anglaise à l'Université d'Alger et rédige un mémoire sur Ulysse de James Joyce. Parallèlement à son cursus universitaire, il se frotte à la musique, qu'il pratique depuis l'âge de 17 ans. Rapidement hissé au rang de professionnel, il devient un acteur majeur du milieu rock algérois, bien loin du circuit traditionnel. Guitariste héritier des traditions musicales pieds-noirs, il écume les cabarets de la côte algéroise et joue un répertoire qui va des Beatles, Jimi Hendrix à Wes Montgomery. La musique marque durablement sa démarche d'auteur : Chouaki se dit influencé autant par Rabelais et Borges que par Miles Davis.
En 1988, il publie Baya, un premier roman singulier. Il s'agit du long monologue d'une femme où l'inconscient féminin algérien remonte à la surface. À la fois pur produit colonial et dépositaire de la tradition algéroise, Baya incarne l'Algérie nostalgique du « temps de la France ». Ayant un lourd complexe d'identité, il écrit notamment :
« Paris gris dehors pluvieux, chaud dedans radieux. Les belles voitures de luxe, feutrées, le métro tout clinquant, net. Les Arabes et les Noirs, ils rasent les murs, ça se voit; il y en a un il était en chemise, il tremblait de froid mais va t'acheter une veste, mon vieux ! Ou alors dégage : il me donne honte d'être algérienne. J'ai rien à voir avec cette chose crépue moi ! »
En 1988, sur fond d'islamisme radical, l'Algérie est le théâtre d'émeutes populaires. Durant cette période, Aziz Chouaki signe chaque semaine dans le Nouvel Hebdo des « Nouvelles sulfureuses » qui mettent en scène autant le FLN que les islamistes. Des menaces de mort le persuadent de quitter le pays définitivement le 11 janvier 1991.
Exil parisien : le théâtre
En 1997, il publie aux éditions Mille et une nuitsLes Oranges, texte majeur du théâtre francophone qui rencontre son public et la critique. À la fois fable et fresque historique, le texte raconte l'histoire du peuple algérien à travers la métaphore des Oranges. Le texte est joué fréquemment en France et à l'étranger. Cependant, l'écriture romanesque reste son territoire de prédilection. Entre 2000 et 2004 paraissent Aigle, L'Étoile d'Alger (publié dans plusieurs langues, Prix Fnac 2004, Prix Flaiano 2006 à Rome) et Arobase.
Au théâtre débute un long compagnonnage entre Aziz Chouaki et Jean-Louis Martinelli, directeur du Théâtre des Amandiers de Nanterre, qui lui commande plusieurs textes (Zoltan, Corsica, Esperanza), ainsi qu'Une virée, monté en 2004, 2005, 2006. S'ensuit une adaptation pour le théâtre suédois en 2007 : « Tel l'auteur suédois Lars Norén, Aziz manie de la dynamite et parvient à nous faire rire alors même que ses 3 personnages — trois grands paumés du monde — nous entraînent dans une descente aux enfers », affirme Jean-Louis Martinelli.
La collaboration avec Jean-Louis Martinelli, marquée par la mise en scène du texte Les Coloniaux en 2009, mène à une commande d'écriture autour du Dom Juan de Molière, texte mis en espace par Michel Didym et Laurent Vacher à la Mousson d'été en 2006. « C'est à partir de cette structure — celle d'un Dom Juan qui trahit toutes les formes de pureté — qu'Aziz Chouaki laisse sa langue magnifique pénétrer dans la modernité de ce mythe si présent », déclare Michel Didym.
« Quel parcours, quel parcours. Je suis né de poussières de paroles, moi, de présents lambeaux de propos, Dom Juan, de balcon à balcon, bribes de marchés andalous, racontars de bars à tapas, coutelas et vin sombre, légendes d'arrière mémoire (...). Molière a moulé mes raisons, il a mis des étoiles dans le flot de ma fange. Puis j'ai voyagé, beaucoup, au hasard des plumes, tant y a du jus à jouir, dandy absolu chez Baudelaire, héros romantique chez Mozart mille e tré, je me suis retrouvé icône de classe chez Brecht, de retour d'exil chez Pouchkine, à la fois carpe et lapin, toujours entre l'ail et la croix, quoi, le soufre et le ciel. »
— Aziz Chouaki, Dom Juan, acte IV, scène 1.
Aziz Chouaki meurt d’un arrêt cardiaque le 16 avril 2019 à Saint-Denis.
2001 : El Maestro, mise en scène Nabil El Azan, scène nationale du Creusot, la Mousson d’été, TILF La Villette + mise en scène de l’auteur, Avignon 2002. Tournée en 2003. Mise en scène Francis Azéma, Toulouse, 2009
2003 : L'Arrêt de bus, mise en scène Laurent Vacher, scène nationale de Forbach, suivie d'une tournée
2004 : Une virée, commande d’écriture Nanterre-Amandiers, mise en scène Jean-Louis Martinelli, ; adaptation en suédois, produite par Lars Norén au Riksteatern, mise en scène Jean-Louis Martinelli, tournée suédoise en 2005 ; tournée française en 2006 ; reprise en 2006 à Nanterre-Amandiers
Kenza Abdellahi, L'identité algérienne à travers les dramaturgies de Mohamed Kacimi et Aziz Chouaki, Université Paris 3, 2010, 77 p. (mémoire de master 1 d'Études théâtrales)
Rym Benhachemi, La question de l'exil et du partage d'une mémoire collective chez Aziz Chouaki, Université Paris 3, 2011, 84 p. (mémoire de master 1 d'Études théâtrales)