Assia (Assia Granatouroff)

Assia Granatouroff
Statue Assia à Rotterdam, sculptée en 1937 par Charles Despiau
Biographie
Naissance
Décès
Nationalité
Activités

Assia, rarement désignée par son nom complet Assia Granatouroff[N 1], née le à Pervomaïsk en Ukraine, dans l'Empire russe, et morte à Paris dans le 15e arrondissement le , est une modèle et actrice française qui a été, dans l’entre-deux-guerres, le modèle de nu de nombreux photographes et sculpteurs parisiens.

Biographie

Assia Granatouroff est la fille de Échiel et Méchama Granatouroff. Elle a un frère, Hersch[N 2]. Elle a trois ans quand son père, démocrate qui refuse le régime de Nicolas II, part pour les États-Unis en abandonnant les siens. C'est donc sans lui que sa famille vit le début de la Première Guerre mondiale et la révolution russe. Fin 1920, malgré la disparition de la monarchie en Russie, son père ne retourne pas dans son pays, mais demande à sa femme et à ses enfants à le rejoindre à Paris, où il vit chez sa sœur. Le voyage dure près d'un an ; Assia a donc presque onze ans quand elle arrive à Paris.

Elle a seize ans quand elle quitte le domicile familial. Elle s'établit rue de Rennes, près de Montparnasse, qui est alors le centre de la vie artistique de Paris. Elle pratique le dessin, réalise des motifs floraux, qu'elle vend aux usines textiles du Nord, et des travaux de couture. À partir de 1930, elle est modèle pour des photographes comme Roger Schall, qui la découvre, Dora Maar, Germaine Krull, Ergy Landau, Emmanuel Sougez[1]. Très vite, elle pose également pour de nombreux sculpteurs : Charles Despiau, qui nomme Assia une de ses œuvres créée en 1937[2], Aristide Maillol, Paul Belmondo, Chana Orloff, ainsi que pour des peintres  : André Derain, Moïse Kisling, Kees van Dongen, Marcel Gromaire, Suzanne Valadon, Henry de Waroquier, Edmond Ceria. Assia « incarne l'essence même de la photographie de nu de l'époque »[3].

Elle commence au Vieux-Colombier une carrière théâtrale qu'elle poursuivra sous la direction de Charles Dullin. En 1935, elle joue quelques rôles au cinéma et participe au film Les Yeux noirs de Victor Tourjanski.

En 1940, Assia Granatouroff se réfugie en zone libre. Arrêtée en 1943 à Cassis par la Gestapo avec l'acteur Robert Lynen parce que juive, soupçonnée d'appartenir (comme lui) au réseau Alliance, elle parvient à se faire libérer et se refugie en Suisse. Elle francise son nom et se fait désormais appeler Granatour. Son mari est arrêté lui aussi vers 1941 ; il revient de captivité en 1944. Le couple divorce en 1949.

À partir de 1950, elle se rapproche de l'ésotérisme, et sa production artistique s'oriente vers un symbolisme très personnel. Elle réalise des compositions de fleurs, dont elle a une « perception spirituelle », et des tapisseries inspirées de cartes de tarot. Elle expose entre 1972 et 1978.

Un cancer des os l'emporte en quelques semaines le [4],[5].

Modèle

Les photographes de la Nouvelle Vision tournent le dos au pictorialisme de leurs prédécesseurs comme au surréalisme, et privilégient l'aspect graphique des clichés. Man Ray, Edward Weston photographient un sujet pour lui-même plus encore que comme représentation. On voit l'apparition du nu pour le nu, dans lequel « c'est la ligne qu'il faut étudier avant tout ; [...] comme la simplicité est une degré supérieur de beauté, c'est donc à la simplicité de la ligne qu'il nous faut parvenir »[6]. En même temps, l'époque voit l'essor de l’activité en plein air, l’exercice physique en groupe, bientôt libre de s’ébrouer pendant les congés payés.

Dans ce contexte, Assia est un modèle idéal : elle « rayonne d'une beauté et d'un charme parfaitement naturels »[7], « un peu garçonne, avec son carré blond, bouclé, ses jambes solides, son buste fin »[8], qui montre sans afféterie « un corps puissant qu’aucune maternité ou promesse de maternité n’alourdit »[9]. Elle pose en particulier pour des femmes photographes : Dora Maar qui réalise notamment la photographie Assia à la fourrure publiée en dans la revue Art et Industrie comme première publicité pour le studio Kéfer-Dora Maar[10], Ergy Landau et Germaine Krull ; pour cette dernière, dans la réclame pour la poudre de riz Gibbs, la "Walkyrie d’acier" saisit l'objet tout en douceur[8].

Le sculpteur Charles Despiau dira d'elle, dont il donnera plusieurs représentations : « Les épaules sont égyptiennes. Le bassin est grec »[1]. Assia pose pour lui une ou deux fois par semaine de 1934 à 1938[7].

Photographies

Principaux photographes ayant pris Assia Granatouroff comme modèle

Filmographie

Expositions

puis - Musée des Beaux-Arts, Calais ; - Musée Sainte-Croix, Poitiers[1].

Notes et références

Notes

  1. Son patronyme ukrainien semble avoir causé quelque confusion chez ses contemporains parisiens. Dans une lettre citée par Christian Bouqueret (2006, p. 16), la fille d'Emmanuel Sougez appelle le modèle de son père Assia Grenet. Les génériques des quelques films auxquels elle a participé la nomment Assia Grenay ou Nine Assia.
  2. Les éléments de biographie d'Assia sont connus par l'ouvrage de Christian Bouqueret, qui a recueilli le récit de Hersch Granatouroff.

Références

  1. a b et c « Trois événements autour du mouvement moderniste. La femme, le modèle et le photographe », Le Monde,‎ (lire en ligne).
  2. Catherine Gras, « Assia », sur Musée des Beaux-Arts de Dijon, .
  3. « Paris capitale - Le nu / le portrait », (consulté le )
  4. Christian Bouqueret 2006, p. 122.
  5. Archives de Paris 15e, acte de décès no 1275, vue 1/31.
  6. Albert Flocon et Albert Roux, Formes nues, Paris, Forme - Éditions d'art graphique et photographique, .
  7. a et b Christian Bouqueret 2006, p. 16.
  8. a et b « Assia, sublime modèle », sur photographie.com (consulté le ).
  9. Christian Bouqueret 1993.
  10. Ji-Yoon Han, « Un désir d’image : les projets publicitaires pour Pétrole Hahn du studio Kéfer-Dora Maar (1933-1935) », Focales, no 7,‎ (lire en ligne Accès libre).
  11. « Granatouroff Assia (1911-1982) (représentée) », sur Centre Pompidou.
  12. (en) Adrienne Anne Chau, « Dora Maar: La femme fatale », dans The phallic woman: A Reexamination of the problematics of women and surrealism (mémoire universitaire - Senior Project), Bard College, (lire en ligne Accès libre), p. 33-74.

Bibliographie

  • Christian Bouqueret, Assia sublime modèle (catalogue d'exposition), Mont-de-Marsan, Musée Despiau-Wlérick, , 125 p. (ISBN 2-909070-04-2).
  • Christian Bouqueret, Assia, sublime modèle, Paris, Marval, , 135 p. (ISBN 2-86234-320-X).
  • Frédérique Fanchette, « Portée au nu. Redécouverte d'une icône non académique des années 30 », Libération,‎ (lire en ligne Accès limité).
  • Véronique Pittolo, « Le corps d'Assia Granatouroff », Beaux Arts Magazine,‎ .
  • (en) Sarah Wilson, « Assia Granatouroff », dans Dictionary of Artists' Models, Fitzroy Dearborn, , p. 243-247.

Liens externes