Andreï Makine (en russe : Андрей Ярославович Макин, Andreï Yaroslavovitch Makine), né le à Divnogorsk, est un écrivainrusse naturalisé français. Il est membre depuis 2016 de l'Académie française, dont il fut le benjamin jusqu'à l'élection de François Sureau (né 9 jours après lui).
Biographie
Jeunesse en Union soviétique
Andreï Makine est né à Divnogorsk[1],[2] en Sibérie le [3]. Dès l’âge de quatre ans, il devient bilingue grâce à une vieille dame française qui s'occupe de lui ; elle est nommée Charlotte Lemonnier et présentée comme la grand-mère du narrateur dans le roman autofictif Le Testament français[4]. La famille s'installe à Penza, puis à Novgorod[5].
Durant une scolarité erratique, et notamment à partir de l’école primaire, il étudie le français.
Il étudie à l'université de Kalinine, rédige une thèse de doctorat[6] sur la littérature française contemporaine intitulée « Roman sur l'enfance dans la littérature française contemporaine (des années 70-80) » à l’université de Moscou, et enseigne la philologie à l'Institut pédagogique de Novgorod[5], où il collabore à la revue Littérature moderne à l'étranger.
Vie en France
En 1987, à trente ans, il s'installe clandestinement à Paris[7] puis demande l’asile politique, qu'il obtient. Il mène d'abord une vie précaire, qu'il décrit comme un « désespoir permanent »[7]. Il est d'abord assistant de russe au lycée Jacques-Decour, puis dépose une thèse de doctorat sur Ivan Bounine — intitulée La Prose de I.A. Bounine : la poétique de la nostalgie[8] — à la Sorbonne. Il enseigne à l'Institut d'études politiques de Paris[7] et envisage une carrière universitaire en littérature slave[9].
Son premier roman, La Fille d’un héros de l’Union soviétique, paru en 1990, est le point de départ d'une carrière littéraire avec le français comme langue d'écriture. En 1992, il fait paraître les Confessions d'un porte-drapeau déchu. Il ne peut faire paraître ces deux romans qu'en les présentant comme traduits du russe, respectivement par « Françoise Bour » et « Albert Lemonnier » (en fait deux hétéronymes de l'auteur)[10],[11],[12].
L'obtention du Goncourt lui vaut, entre autres, d'obtenir la nationalité française en 1996, ce qui lui avait été précédemment refusé à plusieurs reprises à partir de 1991 malgré le soutien de personnalités politiques comme Roselyne Bachelot. A ce sujet, il déclare « C'était humiliant pour moi, qui suis imprégné de culture française. Mais je ne veux pas me plaindre. Je n'avais pas de domicile ni de travail fixes. Ils avaient sans doute raison »[13].
En 2011, il révèle qu'il a publié des romans sous le pseudonyme de Gabriel Osmonde[14]. Il justifie l'usage du pseudonyme en déclarant « Rester dans la posture d'un nanti de la littérature ne m'intéressait pas. J'ai voulu créer quelqu'un qui vive à l'écart du brouhaha du monde. Osmonde m'a permis d'aller plus loin, d'élargir le champ des questions, jusqu'à l'ineffable »[13].
En 2019, il utilise ce pseudonyme pour l'un de ses personnages dans son ouvrage Au-delà des frontières.
Le , il est élu membre de l'Académie française au premier tour, au fauteuil occupé précédemment par l'écrivaine franco-algérienne Assia Djebar. Il obtient 15 voix sur 26 votants, devant Arnaud-Aaron Upinsky avec 2 voix et six autres candidats qui ne reçoivent aucun suffrage, cependant que l'on compte 6 bulletins nuls et 3 blancs[15]. ll prononce son discours de réception le 15 décembre 2016 devant l'assemblée de l'Académie[16] dans lequel il retrace les liens historiques, et littéraires de « l'entente franco-russe » et plaide pour une Russie forte. Il reçoit son épée ornée d’argent, d’émeraudes, de diamants et de saphirs conçue par l'entreprise suisse Chopard de la main de l’écrivain Danièle Sallenave[17]. Dominique Fernandez retrace sa carrière[18]. En juin 2024, d'après les notices biographiques des membres de l'Académie, publiées sur son site, Andreï Makine est, paradoxalement puisqu'il n'est pas né Français, le seul académicien titulaire d'un diplôme en rapport avec la linguistique (en philologie romano-germanique)[19].
Œuvres
1990 : La Fille d'un héros de l'Union soviétique, Robert Laffont
1992 : Confession d'un porte-drapeau déchu, Belfond
↑ a et bNina Nazarova, Andreï Makine, deux facettes de son œuvre, L'Harmattan, 2005, p. 13.
↑Andreï Makine, Roman o detstve v sovremennoi literature Francii (70-80 gody), Thèse
de doctorat d’État (non publiée), Université d’État Lomonossov de Moscou, 1985.
↑Murielle Lucie Clément, « Poétique du multilinguisme chez Andreï Makine », dans Axel Gasquet et Modesta Suárez (dir.), Écrivains multilingues et écritures métisses : l'hospitalité des langues, Clermont-Ferrand, Presses universitaires Blaise-Pascal, coll. « Littératures », (ISBN978-2-84516-338-6), p. 178.
↑Isabelle Collombat, « Pseudo-traduction : la mise en scène de l'altérité », Le Langage et l'Homme, vol. 38, no 1, , p. 146 (lire en ligne).
Rabâa Ben Achour-Abdelkéfi, Appropriation culturelle et création littéraire dans le Voyage en Orient de Gérard de Nerval et Le testament français d’Andreï Makine, Paris, Maisonneuve et Larose, , 339 p.
Thierry Laurent, Andreï Makine, Russe en exil, Paris, Connaissances et savoirs, , 74 p. (ISBN2-7539-0096-5, BNF40207022)
Murielle Lucie Clément et Ieme van der Poel (dir.), Andreï Makine : présence de l'absence : une poétique de l'art (photographie, cinéma, musique) (thèse de doctorat en lettres), Amsterdam, université d'Amsterdam, , 414 p. (ISBN978-90-436-0027-9, présentation en ligne, lire en ligne)
Murielle Lucie Clément, Andreï Makine : l'ekphrasis dans son œuvre, Amsterdam-New York, Rotopi, coll. « Collection monographique Rodopi en littérature française contemporaine », , 158 p. (ISBN978-90-420-3403-7, BNF4272775)