André Du Chesne, dit Duchesne, appelé en latinAndreas Chesneus, Andreas Chesnaeus, ou Andreas Querneus, voire Andreas Quercetanus, né le à L'Île-Bouchard, et mort le à Paris, est un géographe et un historiographefrançais qui a été vu comme le père de l'histoire[2]moderne.
Contemporain des savants du cercle de Mersenne, lui-même génie précoce et prolifique mais, de son propre aveu, brouillon, il a inauguré[1], en créant un réseau[4] personnel de bibliothécaires et archivistes[2], une méthode basée sur la collecte et l'exploitation systématique des documents qui, faisant fi de la tradition et des légendes[3], préfigure l'école méthodique.
Biographie
Extraction et formation (1584-1604)
André du Chesne naît près de Chinon à L'Île-Bouchard, place saumuroise que gouvernait son arrière-grand-père paternel[5] à la frontière de la Touraine. Il est le dernier des quatre fils de Tanneguy[2] Gabriel[1] Duchesne, écuyer et seigneur de la Sansonnière[2], qui est un modeste château[6] du Baugeois situé au sud d'Auverse[7], et de Jeanne de Baudry[4], une tourangelle[8]. Sa lignée compte plusieurs capitaines et remonte à un chevalier mentionné dans un acte de 1260[5], Baudouin du Chesne[4]. La famille porte d'argent, à deux écureuils passants, de gueules, ombrés, le second contourné[5]. L'aîné, Louis, étant destiné à hériter de la seigneurie de la Sansonnière, le puiné, Pierre, fait une carrière militaire qui se terminera prématurément au grade de capitaine de compagnie d'infanterie sur un champ de bataille des Pays-Bas, durant la guerre de Quatre-Vingts Ans[4]. Mathurin deviendra bourgeois de Paris[9].
Sa rhétorique terminée précocement, le jeune Duchesne intègre à Paris le collègejésuitique de Boncourt, où il reçoit l'enseignement de l'humanisteJules-César Boulenger[2]. De bonne heure il s'est consacré à la recherche historique et géographique et son premier travail, publié dans sa dix-septième année, laisse déjà voir une grande érudition. Egregiarum seu selectarum lectionum et antiquitatum liber est une compilation dédiée à son maître[2] relative aux usages de l'Antiquité romaine. Le bibliographe ne se défera plus jamais de cette méthode qui est d'accumuler les documents et s'en tenir aux textes comme à des preuves.
Parallèlement à ses études, il se livre à l'élaboration d'ouvrages susceptibles de piquer la curiosité de l'honnête homme, ce qui est une manière de s'introduire dans une société mondaine et de fuir l'exemple de ses maîtres et la carrière ecclésiastique que lui assignent sa position dans la phratrie et ses dispositions intellectuelles.
En 1605, pour séduire le public féminin, André du Chesne publie un « cabinet des dames » qui, sous le masque d'une invitation à l'élévation mystique de l'âme, tend un miroir du corps féminin et de ses atours à un esprit qui se retrouvera dans l'Homme de Cour de Balthazar Gracian. Figures mystiques, dissertation ornée de conseils esthétiques sur ce qu'est la beauté, l'élégance, le bon goût, est dédié à Martin Ruzé, un vieux compagnon tourangeau du galant Henri IV qui s'est illustré par les armes contre la très moralisatrice Ligue. L'auteur épouse la véritable destinataire, Susanne Soudan, deux ans plus tard, en 1608[2]. Il a vingt quatre ans et publie successivement plusieurs ouvrages d'histoires, qui, mêlant généalogies et curiosités, sont susceptibles de complaire à quelques grands personnages.
Entretemps, en 1613 ou 1614[1], André du Chesne a accédé à la charge de géographe du Roi, c'est-à-dire qu'il est un directeur de rechercheemployé par l'état. Cette position lui permet d'entrer en contact directement, parfois non sans froisser la susceptibilité de quelques sous-bibliothécaires, avec les archivistes des bibliothèques monastiques ou capitulaires. En quelques années, il tissera un réseau de correspondants.
Avec les nombreux interlocuteurs bénévoles qui finissent par lui apporter leurs concours, l'officier du Roi se montre original en appelant à contributions particuliers, notaires, greffiers des parlements, clercs de chambre des comptes[1], et en mettant délibérément en place une habitude de partager gracieusement les documents, les copies et les résultats de leur exploitation[4]. Remarquée par les contemporains, cette attitude neuve de mettre « au poings des larrons les clefs de leurs trésors »[15] ne va pas toujours sans fâcher les autorités[4] comme il arrivera au Père Migne deux siècles plus tard. En revanche, le savant restera son unique secrétaire en écrivant lui-même ses milliers de folios[4], soit plus d'une page par jour pendant vingt six années.
Carrière institutionnelle (1617-1639)
Sa position officielle amène André du Chesne à former et commencer en 1617[2] le projet d'une géographie de chaque province du Royaume. Il s'appuie sur ce programme pour soumettre au Roi un second projet, plus ambitieux, inspiré par les œuvres des calvinistesPierre Pithou et Marquard Freher[2], la compilation[3] de l'ensemble des écrits relatifs à l'histoire de France, qui sera l'œuvre de toute sa vie. Louis XIII agrée et fixe ses appointements annuels à deux mil quatre cents livres[2].
Richelieu, qui appelle André du Chesne « mon bon voisin »[2] en référence à leur commune origine loudunaise et devient ministre principal en 1624, ne lui fera pas encourir de disgrâce[16]. En 1631[2] , il lui dicte[3] sa généalogie mais le savant se montre, contrairement à d'autres, sans complaisance sur les racines du personnage[17], plus modestes que ce que celui-ci espérait, et ne tait pas qu'elles ne se rattachent aux branches royales que par les femmes et par mariages. N'appartenant pas à ce cercle de lettrés courtisans qui bénéficie des largesses du cardinal[1], c'est toujours à travers des tracasseries que le géographe du Roi se fait verser sa pension[2]
Ce n'est que tardivement, peut être en 1632 en récompense des Scriptores historiae francorum[18] ou en 1635[9], qu'il ajoute à sa première charge celle d'historiographe. Sa pension est alors portée à mil écus[3], soit trois mil livres. Devenu veuf, il se remarie le à Valentine de Vaucorbeil, dont le frère, Jean, est lieutenant des eaux et forêts de la prévôté et vicomté de Paris[9]. Une fille, née le , deux semaines avant terme, ne survit que six jours[9].
Décès et plagiats (1640-1646)
Le , aux abords de Bourg-la-Reine, André du Chesne bascule avec la charrette qu'un charretier téméraire a voulu conduire dans une ornière en pente et qui le ramène avec sa famille de la maison de campagne que son épouse possède à Verrières[3]. Écrasé par le moyeu arrière, il meurt d'une hémorragie viscérale durant son transport à son domicile[3]. Le lendemain de l'accident, au terme d'un office funèbre célébré en l'église Saint Côme[3], il est inhumé aux côtés de sa première femme, dans le cimetière de Saint-André-des-Arts[9], au cœur du quartier latin.
Treize jours plus tard, des lettres patentes transfèrent à son héritier titre et pension[4]. Les volumes III à IV du Recueil des historiens français, déjà sous presse[2], paraissent en 1641. La veuve se remarie le à un avocat au Parlement, Jacques Ivard, lui aussi historiographe du Roi[9]. Les beaux-fils de celle-ci achèveront leurs études sous la tutelle de leur oncle paternel Mathurin[9]. L'aîné, François, devenu avocat[9], publie en 1649 un cinquième volume du Recueil[2], qui, des douze initiaux, en prévoyait finalement vingt-quatre dont six consacrés à la géographie[4]. Privé dès 1643 du titre d'historiographe[9]royal de son père et de la pension[2] afférente, qu'il retrouvera toutefois quinze ans plus tard[4], le fils ne réussira pas à faire rendre justice[1] à une œuvre laissée en plan.
André du Chesne a diffusé sous le nom de Démophile, c'est-à-dire L'Ami du Peuple, des poèmes et des drames de sa composition mais rien n'en a été conservé.
Essais
Januariae Kalendae, seu de Solemnitate anni tam ethnicâ quam christianâ brevis libellus, Paris, 1602.
Comprend un poème en latin, Gryphus de ternario numero.
Figures Mystiques du Riche et précieux Cabinet des dames, Toussaint du Bray, Paris, 1605.
L'édition de 1615 ayant été saisie, c'est la seconde édition, celle de 1616, qui est considérée comme princeps. Publiée « censuradoctorum Parisiensium » et « cum privilegio Regis », elle sera néanmoins mise à l'index.
Bibliothèque des autheurs qui ont escrit l'histoire et la topographie de la France, Sébastien Cramoisy, Paris, 1618, rééd. 1627, rééd. 1628.
Series auctorum omnium qui de Francorum Historia. Et rebus Franciscis cum ecclesiasticis, tum secularibus, scripserunt. (Ab exordio Regni Franciae ad nostra usque tempora)., Sébastien Cramoisy, Paris, 1635.
Géographie
Les antiquitez et recherches des villes, chasteaux, et places plus remarquables de toute la France, Jean Petit-Pas, Paris, 1614, rééd. Anthoine Alazart, Paris, 1629, rééd. N. & J. de La Coste, Paris, 1631, rééd. M. Blageart, Paris, 1637, rééd. P. Margat, Paris, 1647, Jérémie Bouillerot, Paris, 1648, Michel Bobin & Nicolas Le Gras, Paris, 1668, J. Bouillerot, Paris, 1697, CESR, Tours, 2008.
Histoire de la maison de Châtillon-sur-Marne contenant les actions plus mémorables des comtes de Blois et de Chartres..., chez Sébastien Cramoisy, 1631, Paris.
Histoire généalogique de la maison de Vergy justifiée par chartes, tiʆtres, arrests, & aultres bonnes & certaines preuves, Paris, Sébastien Cramoisy, (lire en ligne)
Preuves de l'histoire de la maison de Vergy, (lire en ligne).
Ce dernier ouvrage devait comprendre 24 volumes et contenir les sources narratives pour l'histoire de France au Moyen Âge ; seuls deux volumes furent publiés par l'auteur, son fils François en publia trois autres et le travail resta inachevé.
Histoire des papes et souverains chefs de l'Église, Nicolas Buon éd., André Du Chesne impr., Paris, 1616, rééd. J. Villery , Paris, 1645, rééd. Jean Promé, Paris, 1645, J. Roger, Paris, 1653, Jean de La Coste, Paris , 1653.
Commande pour la même cérémonie du couronnement pareillement annulée.
L'épithète d'honneur d'Henry le Grand IVe du nom, où par abrégé sont représentées les plus grandes actions de sa vie, son lamentable trépas, ensemble ses obsèques., Jean Petit-Pas, Paris, 1610.
Il s'agit de la réédition d'un ouvrage de Nicolas Vigner, que Duchesne a eu l'honnêteté de citer, bien qu'il demeure l'auteur des nombreux compléments et mises à jour.
Histoire généalogique de la maison des Chasteigners, seigneurs de La Rochepozay, de Saint Georges de Rexe, de Lindoys, de la Rochefaton et autres lieux, Sébastien Cramoisy, Paris, 1633-1634.
Recherches de toutes les villes, bourgs et villages, château, fleuves, rivières et ruisseaux de France, avec les érections des terres en baronnies, comtés, marquisats et duchés, ensemble les noms des seigneurs qui avaient autrefois le droit de battre monnaie et les figures de chacune.
↑ abcdefghijklmnopqrstuvwxyzaa et abJ. Lelong, « André du Chesne », in Bibliothèque historique de la France, pp. 952-966, Charles Osmont, Paris, 1719, rééd. « André du Chesne (et Martin Bousquet) », in Bibliothèque historique de la France, t. III, suppl. VIII, pp. 15-18, Jean-Thomas Herissant impr., Paris, 1771.
↑ a et bL. Delisle, Histoire générale de Paris, t. I "Le Cabinet des manuscrits de la Bibliothèque Impériale", VI, 12, p. 322, Conseil municipal, Paris, 1868.
↑Besly, Lettre à Monsieur Duchesne, Paris BnF (Mss.) : Français 2812, f. 193, Paris, 16??, cité in Poupardin, op. cité.
↑J. X. Carré de Busserolle, Dictionnaire géographique, historique et biographique d'Indre-et-Loire et de l'ancienne province de Touraine, t. II, p. 235., Société archéologique de Touraine, Tours, 1878, réed. la Manutention, Mayenne, 1988.
↑J. Le Laboureur, Additions aux Mémoires de Messire Michel de Castelnau, t. II, p. 281, J. Léonard impr., Bruxelles, 1731.
↑J.-B. L'Hermite de Soliers, Histoire généalogique de la noblesse de Touraine, p. 538, chez J. Langlois, F. Clouzier & J. Langlois fils, Paris, 1665.
↑ abc et dL. Delisle, Histoire générale de Paris, t. I "Le Cabinet des manuscrits de la Bibliothèque Impériale", VI, 14, pp. 333–334, Conseil municipal, Paris, 1868.
↑L. Delisle, Histoire générale de Paris, t. I "Le Cabinet des manuscrits de la Bibliothèque Impériale", VI, 15, p. 347, Conseil municipal, Paris, 1868.
↑J. Du Bouchet, La Véritable origine de la seconde et troisiesme lignée de la Maison royale de France, justifiée par plusieurs chroniques et histoires anciennes d'auteurs contemporains, épistres des souverains pontifes et autres grands personnages, p. 29, Veuve Mathurin Du Puis, Paris, 1646, 97 p.
Annexes
Bibliographie
J.-B. L'Hermite de Soliers, Histoire généalogique de la noblesse de Touraine, pp. 533-545, chez J. Langlois, F. Clouzier & J. Langlois fils, Paris, 1665.
Anonyme. Paris BnF (Mss.) : Français 17616, f. 80., Paris, 16??.
J. P. Niceron, Mémoires pour servir à l'histoire des hommes illustres de la république des lettres, t. VII, pp. 323-333, Briasson, Paris, 1727.