Chambre des comptesLe nom de chambre des comptes a été appliqué à plusieurs institutions judiciaires chargées de vérifier les comptes publics et la gestion financière des agents de l'État. De telles institutions ont existé dans la Grèce antique et la République romaine. Au Moyen Âge, elles apparaissent d'abord dans le duché de Normandie avant d'être imitées dans le royaume d'Angleterre, le royaume de France et plusieurs principautés qui leur sont liées. En France sous l'Ancien Régime, il y a des chambres des comptes dans les principales provinces. Elles sont dissoutes à la Révolution française. Leurs attributions sont en partie reprises par la cour des comptes. La gestion des deniers publics dans le monde antiqueDroit athénienÀ Athènes, chaque candidat à une magistrature publique doit, avant son élection, se soumettre à une enquête sur sa citoyenneté, ses capacités et sa conduite, la docimasie (δοκιμασία). Il ne doit pas être frappé d'atimie (ἡ ἀτιμία). À la sortie de sa fonction, il doit rendre compte de son administration. Ses comptes financiers sont étudiés par des vérificateurs, les logistes qui remettent leurs conclusions à des correcteurs, les euthynes, qui peuvent recevoir en audience publique les plaintes des citoyens contre le magistrat sortant. S'ils le jugent nécessaire, ils peuvent renvoyer le magistrat sortant devant les juges des dèmes quand il y a atteinte à des intérêts privés. Quand il y a atteinte aux intérêts publics, ces conclusions sont transmis aux archontes thesmothètes qui organisent le procès devant les héliastes. À Athènes, la procédure judiciaire n'est entamée que lorsqu'il y a contentieux. Cette procédure peut être entamée par tout citoyen, souvent pour des raisons politiques. Droit romainDans la République romaine, le droit a créé la distinction entre les magistrats ordonnateurs et les comptables. Les ordonnateurs sont les consuls, puis les censeurs. Les comptables sont les questeurs. Ces magistrats doivent rendre des comptes à leur sortie de fonction devant le Sénat. Le Sénat statue sur les reproches sur la gestion du magistrat sortant. Ces reproches sont ensuite portés devant des commissions permanentes (quaestiones perpetuae créées par la Lex Calpurnia de repetundis en 149 av. J.-C.)[1]. Dans le droit romain, comme dans le droit athénien, la procédure judiciaire n'est entamée que s'il y a contentieux. Chambres des comptes en Normandie, en Angleterre et en FranceOrigines normandesLes études historiques faites par Léopold Delisle[2] et Charles Homer Haskins[3] ont montré que l'origine des Chambres des comptes se trouve dans l'Échiquier créé par les ducs de Normandie. Cet organisme de contrôle des comptes des officiers du domaine du duc sont connus depuis le début du XIIe siècle, mais qui existait antérieurement. Ces études n'ont pas permis de savoir si cette institution a été apportée par les Normands avant leur installation en Normandie, ou si elle a été inventée après leur installation. L'originalité de cette institution vient d'un principe nouveau que l'Échiquier de Normandie introduit : tout compte doit être non seulement vérifié, mais jugé, c'est-à-dire que tout comptable doit rendre compte de sa gestion, mais aussi doit s'en justifier devant un juge qui doit examiner si cette gestion est régulière, et, si c'est le cas, en décharger le comptable dont la responsabilité est alors protégée de toute action ultérieure. Dans le cas où sa gestion n'est pas jugée régulière, le comptable est responsable personnellement sur le plan pécuniaire pour les recettes. L'Échiquier anglaisLes barons normands ont mené plusieurs expéditions de conquête, particulièrement en Angleterre et en Italie du Sud au XIe siècle. Ils ont amené leurs institutions dans les territoires où ils se sont établis : l'Angleterre et la Sicile, plus tard Naples. L'Exchequer anglais a perduré comme cour de justice jusqu'en 1834 avec le Chief Baron of the Exchequer et subsiste avec sa cour inférieure avec le Trésor britannique et un de ses officiers, le chancelier de l'Échiquier. Jean-Philippe Genet rappelle que l'Échiquier anglais est différent de la Chambre des comptes de Paris à partir des transformations introduites par le roi d'Angleterre Henri II. L'Échiquier anglais se divisait en deux chambres :
Implantation du système en FranceDans le royaume de France, le rôle primordial est tenu par les représentants personnels du roi et le parlement de Paris. Ils n'ont pas permis à la Chambre des comptes de Paris d'être à l'origine de la justice royale. En France, la chambre des comptes est une cour souveraine devant laquelle les personnes ou organisations chargées de la gestion du domaine du roi ou d'un prince doivent déposer leurs comptes où ils sont audités par des maîtres qui vérifient la conformité des recettes et des dépenses. La Chambre des comptes s'assure de la conservation du domaine de la Couronne. En cas de contentieux entre le maître chargé d'étudier les comptes qui lui sont soumis et l'officier les ayant présentés, le litige était porté devant un juge. La particularité de la Chambre des comptes, en France, est que les comptes des deniers publics étaient rendus devant un juge même en l'absence d'un contentieux. Chambre des comptes de ParisLa Chambre des comptes de Paris, issue de la curia regis, a pour objet de recevoir et de juger les comptes remis par les officiers du roi chargés des recettes et dépenses de la partie du domaine royal qui lui est confiée ainsi que de la non aliénation du domaine. Son organisation va se mettre en place progressivement sous la pression du financement du royaume et du coût des guerres. Jusqu'au début du règne de Philippe le Bel, le roi de France a pu financer ses dépenses à partir des revenus de son domaine en mettant de l'ordre dans sa gestion. Ce premier temps correspond à la mise en ordre commencée par Louis IX en respectant le principe le roi doit vivre du sien. Avec le développement du royaume et des guerres, dès le début du règne de Philippe le Bel, les finances du domaine ne suffisent plus et les conseillers du roi cherchent des solutions pour augmenter ses ressources : manipulations de la monnaie, taxes sur les Juifs, les Lombards, suppression de l'ordre du Temple, décimes sur l'Église, création de nouveaux impôts comme la gabelle. Dans cette phase intermédiaire, la Chambre des comptes n'est pas encore instituée mais des conseillers spécialisés dans la gestion des comptes apparaissent. Sous le règne de Philippe le Bel on voit le début de la séparation entre ces conseillers et la curia regis, la cour où les nobles et les proches conseillers du roi se réunissent en parlement, c'est-à-dire pour parler des affaires du royaume. Pour éviter que ces nobles interviennent pendant le travail des maîtres des comptes, le roi leur interdit l'entrée dans la chambre où ils se réunissent pendant qu'ils étudient les comptes. La Chambre des comptes nait avec les fils de Philippe le Bel et l'ordonnance du Vivier-en-Brie prise par Philippe V en janvier 1319/1320. On voit apparaître la distinction entre les recettes ordinaires qui proviennent du domaine du roi et des droits qui y sont attachés, et les recettes extraordinaires, à l'origine temporaires, constituées par les impôts levés pour financer des évènements particuliers, en général la guerre. Les aides sont créées pour payer la rançon de Jean le Bon, en 1360, la gabelle recréée par Philippe le Bel, les traites et le fouage sont mis en place progressivement et ont souvent été à l'origine de révoltes populaires. La levée de ces recettes extraordinaires est gérée par le général des finances. La Chambre des comptes de Paris va contrôler les recettes ordinaires et extraordinaires. Son organisation et ses procédures ont servi de références à toutes les Chambres des comptes établies en France. De la chambre des comptes à la Cour des comptesLe 7 septembre 1790 l'Assemblée constituante a arrêté le principe de la suppression des chambres des comptes. Le décret du 22 décembre 1790 décide que « toute présentation de comptes aux chambres des comptes cessera de ce jour ». La loi rendant effective cette décision est prise le 5 janvier 1791. L'Assemblée constituante a créé le Bureau de comptabilité, transformé en Commission de la comptabilité sous la Convention. La loi du 16 septembre 1807 a créé la Cour des comptes. Chambre des comptes des principautésDans le royaume normand de Sicile, l'institution de contrôle des comptes était établie à Palerme. Elle s'est ensuite établie à Naples avec le royaume des Deux-Siciles. Elle y est connue comme Grand'Cour des maîtres des comptes, Gran Corte dei maestri razionali. Cette institution a été reprise dans le royaume angevin de Naples. Ils ont repris ce modèle de contrôle des comptes dans la Chambre des comptes de Provence avec les maîtres rationaux. L'organisation de cette chambre a aussi inspirée la création de la Chambre des comptes du Dauphiné par Humbert II de Viennois qui avait séjourné à Naples avant de devenir dauphin de Viennois. La Chambre des comptes de Paris a servi de modèle aux Chambres des comptes princières établies par des princes de la famille capétienne :
Hors du domaine capétien, des princes dont les domaines se trouvaient proches du royaume de France ont créé des Chambres des comptes en s'inspirant de l'exemple français :
Contrôle des comptes d'institutions non souverainesLe contrôle des comptes est un problème qui s'est généralisé dans les différentes organisations qui structuraient la vie sociale entre le XIIIe et le XIVe siècle :
Notes et références
AnnexesBibliographie
Articles connexes
Liens externes
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