Anne Élisabeth Petitpain est l'aînée d’une fratrie nombreuse. Elle reçoit une éducation rousseauiste et expérimente précocement le rôle d'éducatrice en aidant sa mère à élever ses frères et sœurs, après la mort de son père, organiste à la cathédrale de Nancy, laissant trois enfants en bas âge. Elle apprend l'allemand en secondant son beau-père M. Wouters, manufacturier à Nancy, dans son négoce[1]. En 1807, Antoine Eustache d'Osmond, conçoit la pensée de la faire admettre à la cour de Joséphine, où l'on songeait à créer des dames d'annonce, projet qui n'a pas eu de suite mais pour la dédommager, l'impératrice lui donne, avec une pension de 500 francs, l'espoir d'être admise dame à la maison d’Écouen[2].
Portrait de madame Élise Voïart (1814) par Constance Mayer, (musée des beaux-arts de Nancy).
Élise PetitPain se destine à entrer à Écouen, lorsqu'elle rencontre un veuf de trente ans son aîné, Jacques-Philippe Voïart, administrateur des vivres aux Invalides, amateur d'art, déjà père de deux filles dont la future poétesse Amable Tastu. ils se marient en 1806[3]. Élisabeth Voïart (v. 1814-1875), qui devient pastelliste, naît de leur union[4].
Carrière littéraire
Les Voïart élisent domicile au 4, rue des Vertus à Choisy-le-Roi à la campagne pour préserver la santé d'Amable[3].
Élise Voïart obtient ses premiers succès littéraires sous la Restauration, comme traductrice d'œuvres allemandes et anglaises. Une trentaine de volumes sont ainsi publiés entre 1817 et 1821 — des romans sentimentaux d'August Lafontaine pour l'essentiel — qu'elle n'hésite pas à remanier, s'appropriant ainsi l'écriture. Pour Fridolin de Friedrich von Schiller, elle opte au contraire pour une fidélité rigoureuse au texte, seul moyen de rendre « la simplicité touchante et naïve inhérente au caractère et à l'idiome allemand ». Elle s'affranchit de la rime, contribuant ainsi à l'invention du vers libre[8].
Son premier roman historique, La Vierge d'Arduène[9], dont la toile de fond est le règne d'Auguste, décrit le passage de la Gaule sous la domination romaine. Il s'inscrit dans le mouvement romantique de redécouverte du passé national. Paraissent ensuite des œuvres de commande destinées à l'Encyclopédie des dames (Lettres sur la toilette des dames (1821), Essai sur la danse antique et moderne (1823) puis La Femme et les six amours, primé par l'Académie française[10],[11].
Au début des années 1830, Élise Voïart écrit dans la presse éducative et féminine en plein essor, contribuant au Journal des Dames, au Journal des Demoiselles et au Journal des jeunes personnes. Elle soutient Amable Tastu que la faillite de l'imprimerie de son mari contraint à des travaux alimentaires : ensemble, elles collationnent des contes de fées. Désireuse de promouvoir les cultures nationales, elle traduit les Chants populaires des Serviens (1834). Sa notoriété est alors attestée par sa participation à des keepsakes et recueils collectifs tels que le Livre des Cent et un de Pierre-François Ladvocat[13], dans lequel son nom côtoie celui des littérateurs les plus en vue, et par son élection comme membre associé à l'Académie de Stanislas. Elle est la première femme à y être admise. À la même époque époque, les Voïart offrent leur hospitalité à l'auteur de la Marseillaise, Rouget de Lisle[14], âgé et ruiné[15].
Après son veuvage en 1842, Élise Voïart retourne à Nancy où elle compose des romans historiques lorrains qui lui valent d'être considérée comme le « Walter Scott de la Lorraine »[16]. Elle signe aussi une série de romans pour la collection de la Bibliothèque des petits enfants créée par l'éditeur catholique Alfred Mame, en 1845. Dans une littérature enfantine dominée par « une production massive d'histoires morales, mièvres et fades »[3], ses récits se distinguent par une observation précise du monde de l'enfance et la mise en scène de personnages féminins autonomes.
Réception de son œuvre
Sainte-Beuve évoque avec condescendance Élise Voïart comme « une jeune personne, douée du goût et du talent d'écrire, connue par plusieurs agréables ouvrages »[17]. L'œuvre de Voïart occupe vingt colonnes dans le catalogue de la Bibliothèque nationale de France[18]. L'intérêt littéraire et la charge subversive de ses écrits a été d'emblée sous-estimée et rapidement occultée, comme c'est souvent le cas pour les femmes de lettres stigmatisées comme des bas-bleus[19]. Pourtant, Élise Voïart est une traductrice, érudite de la littérature allemande, romancière et intellectuelle engagée dans les débats de son temps, est aussi une penseuse de la condition féminine, capable de subvertir les normes imposées aux femmes[20].
Publications partielles
La Vierge d'Arduène, traditions gauloises, Bataille, (lire en ligne sur Gallica).
Lettres sur la toilette des dames, Paris, Audot, .
Essai sur la danse antique et moderne, (lire en ligne).
La Femme ou les Six Amours, A. Dupont, 1827-1828, 6 vol. (lire en ligne sur Gallica)
Faust, vingt-six gravures d'après les dessins de Retzsch, avec une analyse du drame de Goethe, par Mme Élise Voïart, Audot, (lire en ligne).
Le Mariage et l'Amour, anecdote contemporaine, Paris, Delongchamps, .
Mignonne (imité de l'allemand par Mme Élise Voïart), Delongchamps, , 2 vol.
Contes de fées : Le Livre des enfants, choisis par Mmes Élise Voïart et Amable Tastu (6 vol), Paulin, 1836-1838 (lire en ligne).
Les Enfants de la vallée d'Andlau ou Notions familières sur la religion, la morale et les merveilles de la nature (par mesdames E. Voïart et A. Tastu), Didier, , 2 vol. (lire en ligne).
Caroline Pichler (traduction libre de Mme Élise Voïart), Coralie, ou le Danger de l'exaltation chez les femmes, Paris, Schlesinger, (lire en ligne sur Gallica).
Fridolin (Schiller), avec une traduction littérale de la ballade par Mme Élise Voïart, Audot, (lire en ligne sur Gallica).
Le Dragon de l'île de Rhodes (Schiller) (avec une traduction littérale de la ballade par Mme Élise Voïart), Audot, (lire en ligne).
La Croix du meurtre (dernier roman d’August Lafontaine, traduction libre par Mme Élise Voïart), Paris, Delongchamps, , 4 vol. (lire en ligne).
L. Kruze (traduction libre par Mme Élise Voïart), L'Anneau, Paris, Delongchamps, (lire en ligne).
Chants populaires des Serviens (recueillis par Vuk Stephanowisch et traduits d'après Talvy par Mme Élise Voïart), Merklein, , 2 vol. (lire en ligne).
Nouveaux contes populaires de miss Edgeworth (traduits de l'anglais par Mme Élise Voïart), Paris, Baudoin, , 4 vol.
Le Robinson suisse, par Wyss, traduit de l'allemand par Madame Élise Voïart, Didier, , 2 vol. (lire en ligne).
Notes et références
↑Gustave Vapereau, « Élise Voïart », Dictionnaire des contemporains, p. 1086.
↑Joseph Duplessy, Trésor littéraire des jeunes personnes : choix de morceaux de prose et de poésie, Tours, Alfred Mame, (lire en ligne), p. 393.
↑ ab et cMathilde Lévêque, « Élise Voïart, petit écrivain modèle », Cahiers séguriens, t. IX, 2010, p. 64.
↑Laurence Olivier-Messonnier, « AMABLE TASTU ET ÉLISE VOÏART: Envergure européenne d’une littérature enfantine édifiante », Cahiers d’études nodiéristes, no 8, , p. 103–120 (ISSN2264-8496, lire en ligne, consulté le )
↑Louis Benoit, Éloge de Madame Élise Voïart, Nancy, Bordoillet et fils, imprimeurs de l'Académie de Stanislas,
↑Christine Lombez, La Traduction de la poésie allemande en français dans la première moitié du XIXe siècle, Tübigen, Niermeyer, 2009, p. 119-120.
↑Élise (1786-1866) Auteur du texte Voïart, La Vierge d'Arduène, traditions gauloises, ou Esquisse des moeurs et des usages de la nation avant l'ère chrétienne, par Mme Élise Voïart, (lire en ligne)
↑Revue encyclopédique, ou analyse raisonnée des productions les plus remarquables dans la politique, les sciences, l'industrie et les beaux-arts: recueil mensuel, Bureau de la Revue Encyclopédique, (lire en ligne)
↑Norbert de Beaulieu, Maison de Chateaubriand et Bruno Centorame, Portraits de l'époque romantique: une passion de collectionneur, Conseil général des Hauts-de-Seine, pôle Communication, (ISBN978-88-366-2854-4, lire en ligne)
↑Marc C. Philippe, « Les associées-libres de la Société linnéenne de Paris (1821-1827) », Bulletin mensuel de la Société linnéenne de Lyon, vol. 89, nos 7-8, , p. 179-195
↑Élise Voïart, L'Église des Petits Pères à Paris, Paris, le Livre des cent-et-un, Ladvocat, t. VI, p. 157-184.
↑Nicole Cadène, Élise Voïart, une femme de lettres romantique, de la lumière à l'ombre.
Bibliographie
Félix Bourquelot, La Littérature française contemporaine, Paris, Delaroque aîné, , p. 581-2.
François Le Guennec (dir.) et Nicole Cadène, « Élise Voïart, une femme de lettres romantique, de la Lumière à l’ombre », Femmes des Lumières et de l’ombre. Un premier féminisme (1774-1830), Orléans, Vaillant, vol. Mar 2011, , p. 163-172 (lire en ligne, consulté le ).
François Le Guennec, Le Livre des femmes de lettres oubliées, Paris, Mon Petit éditeur, , 250 p. (ISBN978-2-342-00467-0, lire en ligne), p. 231-234.