Zenki
![]() Zenki (全機 ) « Procès total »[n 1] est la transcription d'un discours prononcé en 1242 par Dôgen, fondateur de l'école du Zen Sôtô au Japon. Il fait partie de son œuvre majeure, le Shôbôgenzô, recueil de prédications à propos de différents aspects de la pratique du bouddhisme chan (zen). Ce discours a, dans le Shôbôgenzô, la particularité d'avoir été prononcé devant des laïcs, dans la résidence d'un seigneur de guerre, et non pas pour un auditoire de moines. Dans ce texte court, Dôgen y présente principalement la non-dualité, à travers l'allégorie du bateau et avec le couple naissance / mort. TitreZenki est un mot sino-japonais composé de deux sinogrammes : 全 zen (intégrité, plénitude) et 機 ki. Charles Vacher traduit 機 ki par instantanéité, introduisant alors dans Zenki l'idée de « la nature entière, la nature instantanée[1] », pour traduire le titre par « Chaque instant est un instant de plénitude »[2]. Par contre, Yoko Orimo interprète 機 ki par tisser en tant que verbe et par "système, fonction, machine..." en tant que substantif, ce qui lui suggère la traduction de Zenki par "Totalité dynamique"[3], et Pierre Nakimovitch est sur la même voie en traduisant par Procès total. Cette différence est soulignée par Charles Vacher qui considère que Dôgen exprime où Yoko Orimoet Pierre Nakimovitch voient « la totalité dynamique ». Ces deux lectures du second caractère 機 ki, correspondent aussi à deux interprétations du texte légèrement différentes, l'une totalement immanentiste, l'autre prenant en compte également une dimension plus dynamique. PrésentationCas particulier dans le Shôbôgenzô, Zenki est la transcription d'un discours prononcé non pas devant une communauté de moines, mais devant un auditoire de laïcs et de guerriers, dans la résidence d'un seigneur de guerre[4]. Prononcé en 1242, c'est l'un des textes les plus courts du Shôbôgenzô, « court et limpide[5] ». Zenki, le 22° texte du Shôbôgenzô, doit être considéré en rapport avec Tsuki, (la lune ou la Réflexion, le 23°), composé 20 jours plus tard. Les deux textes , tout en étant parfaitement autonomes, constitueraient cependant les deux faces d'une même médaille, illustrant et confirmant ainsi la lecture que fait Yoko Orimo du thème de la non-dualité selon Dôgen, tel qu'il l'évoque dans Zenki[3]. EnseignementLe navire, allégorie de l'êtreL'instant, univers du navire La vie, par exemple, est semblable au temps où des passagers sont embarqués sur un navire. Même si nous[n 2] hissons les voiles, tenons, le gouvernail, conduisons à la gaffe, le navire nous porte, nous ne sommes rien d'autre que le navire. Embarqués à bord, nous faisons être le navire en tant que navire. Il faut s'ingénier à étudier cet instant tout juste, tel quel. Cet instant tout juste, tel quel, n'est que l'univers du navire. Le ciel, les eaux, les rives, sont tous le moment du navire, et ils diffèrent du moment qui n'est pas le navire. C'est pourquoi, la vie, je la fais naître, et la vie me fait être. Quand on est à bord, corps et esprit, environnement et individu ensemble sont procés du navire. La terre entière, le ciel vide entier, sont ensemble le procés du navire. Ainsi en est-il de la vie qui est en nous, de nous qui sommes vie[7].— Dôgen - Zenki[n 3] Dôgen met en scène (voir encadré) un bateau et ses bateliers, dans le cadre probablement d'une navigation lacustre, de celles qu'on peut observer sur le lac Biwa (voir l'estampe de Hiroshige), figure souvent utilisée dans la poésie japonaise, dans la région de Kyôtô. Le bouddhisme utilise fréquemment de telles allégories mettant en scène un bateau. Dans Zenki, il s'agit en fait d'un voyage dans l'instant présent, et Dôgen invite son auditoire à réfléchir sur ce qui s'opère à cet instant[8]. « Étudiez cet instant avec application. Cet instant est celui où le monde entier et le bateau sont un seul et même monde. Tout - le ciel, l'eau, le rivage, le bateau - est un seul et même moment »[9]. Le bateau symbolise la vie, nous sommes les bateliers, et c'est notre montée à bord qui nous fait exister, en même temps que le bateau. Agissant à propos, nous remplissons notre rôle, et formons avec le bateau un ensemble pleinement efficient. Bateau et bateliers[n 2] sont identifiés à la vie, et ne font qu'un. Dans cette allégorie, Dôgen unifie trois éléments : l'activité (le bateau, les bateliers) - la nature entière (le ciel, le lac, les rives) - l'instant universel (le moment), comme une synthèse du particulier et de l'universel[10]. Yoko Orimo souligne que cette allégorie exprime elle aussi le non-dualisme, dans l'unité du moi et du bateau[11]. Charles Vacher indique également que, compte-tenu de l'auditoire de ce sermon, probablement des laïcs et des guerriers, une lecture politique peut en avoir été faite, bien que Dôgen ait gardé ses distances par rapport au monde politique. Une telle interprétation a d'ailleurs été reprise plus tard par l'un de ses successeurs, Yasutani Hakuun (1885-1973), pour présenter Dôgen comme un défenseur du système impérial[12]. Non-dualité et instant présentDôgen traite de la notion bouddhique de la non-dualité, à partir également de l'exemple du couple naissance (vie) / mort. Dans la vision bouddhique, c'est la création du moi plongé dans l'ignorance qui est l'obstacle sur la Voie, dans laquelle la subjectivité n'a pas sa place. La pensée et le langage fonctionnent sur un mode binaire, créant le monde conventionnel avec ses couples de contraires. Nirvana et samsara représentent une dualité mais sont cependant unis dans la grande Voie et ces couples de contraires permettent de passer du monde conventionnel au monde réel[13].
Il y a donc deux interprétations du sens de Zenki,
La connaissance immédiate porte sur des instants ultimes, indivisibles, efficients, le hic et nunc, pures énergies absolument séparées les unes des autres. La construction logique, indirecte, porte sur un enchaînement d'instants, une durée qu'elle façonne[22]. — Lilian Silburn - Sautrântika et logiciens de l'école de Dignâga[n 4] .qui correspondent aussi à deux traductions du même passage du Zenki :
Ces deux interprétations correspondent en fait l'une à la vérité ultime, l'autre au monde conventionnel, et Charles Vacher[24] cite Lilian Silburn (voir encadré) qui suggère que ces interprétations correspondent à Nirvana et Samsara, deux niveaux de connaissance, comme les recto et verso d'une feuille de papier qu'évoque Yoko Orimo. Cette dualité fait passer d'un monde à l'autre, et conduit au silence car « c'est seulement avec la fin des mots qu'on accède au réel dans la non-dualité[25]. »[26] BibliographieTraductions et commentaires du Shôbôgenzô
Autres ouvrages
Notes
Références
Articles connexes
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