Le yéyé est un courant musical ayant émergé au début des années 1960. L'expression est utilisée en France et au Québec et vise à désigner, généralement, une musique ou une chanson adaptée d'un succès anglo-saxon, alors très prisée par la jeunesse baby boomer née après la Seconde Guerre mondiale. Elle désigne aussi bien le jeune public amateur de ces airs que leurs non moins jeunes interprètes (les yéyés), la connotation dans la bouche des adultes et surtout des intellectuels se voulait à l'origine péjorative et railleuse.
Les expressions « les yéyés » ou encore « la période yéyé », usités a posteriori, couvrent généralement la totalité des années 1960, sans distinction entre les genres musicaux, les artistes de la nouvelle génération, les créations originales et les adaptations ; alors que « le yéyé » stricto sensu débute à l'automne 1961 avec l'avènement du twist et prend fin au printemps 1966.
Histoire
L'interjection « yéyé » est, au départ, la transcription française de « yeah », une déformation de « yes » (oui), souvent répétée (« yeah! yeah! »), qui ponctue les chansons de rock et de twistaméricaines très appréciées des jeunes. Les paroliers (traducteurs-adaptateurs) préfèrent « yé » à une traduction plus littérale en « ouais ». De là, « yéyé » désigne le courant musical[1]. Cette formule musicale est une invention marketing, qui promeut de jeunes interprètes au détriment de la chanson à texte, dite « rive gauche », alors incarnée par Georges Brassens, Jacques Brel, Serge Gainsbourg ou Mouloudji, certains d'entre eux faisant figure de résistants face à la vague yéyé[2].
Quelques jours plus tard, dans une chronique publiée le 7 juillet 1963 dans le journal Le Monde, Edgar Morin baptise ces jeunes « les Yéyés », phénomène qui, selon le sociologue, « préfigure une autre possible révolte » (anticipant en cela Mai 68) : « C'est toute l'ambivalence du nihilisme qui accompagne parfaitement l'âge de l'adolescence, cet âge qui porte avec excellence la possible révolte, comme le probable conformisme, qui c'est manifesté avec éclat à la Nuit de la Nation », écrit-il[5],[6]. Le même été, les Beatles publient le titre She Loves You qui rencontre un grand succès dans toute l'Europe et qui est ponctué de « Yeah! Yeah! Yeah! », mot répété 29 fois dans la chanson[7].
Par extension « yéyé » désigne aussi un phénomène de mode des années 1960, caractérisé par les pantalons serrés et les blazers cintrés (avec cravate le plus souvent). Les artistes de la pop française de la fin des années 1960, venant principalement du rock, rompent avec les chansons yéyés.
En 1965, le chanteur Georges Milton (1886-1970) indique ironiquement dans un entretien « le yé-yé, il y a longtemps que je connais. je poussais des « yé-yé » en 1913 en chantant Lorsque j'entends la musique[8] ».
Postérité
En France, dans les années 1970 et 1980, quelques artistes s'inspirent musicalement de ce style de chansons, par exemple Karen Cheryl, considérée comme la « petite sœur » de Sheila à ses débuts et qui enregistre avec succès plusieurs adaptations de chansons anglo-saxonnes et italiennes, Dorothée (pour les enfants), Lio ou encore Étienne Daho (qui a souvent dit son admiration pour les artistes de cette époque et a eu l'occasion de travailler avec Sylvie Vartan et Françoise Hardy), mais aussi le groupe de RockabillyLes Forbans dans les années 1980, ou encore le groupe Les Vagabonds dans les années 1990, dont le premier tube, en 1990, se nomme Le temps des yéyés, medley de reprises de succès des années 1960, suivi du titre Le temps des copains la même année.
En , revenant sur sa carrière, Françoise Hardy déclare : « Je n'ai pas honte du tout d'avoir appartenu à ce mouvement. Au moins, ces chanteurs qualifiés de yéyés avaient le sens de la mélodie. Ce qui se perd de nos jours[9]. »
↑(en) Gary Stewart, Rumba on the river : a history of the popular music of the two Congos, London/New York, Verso, , 436 p. (ISBN978-1-85984-368-0, lire en ligne), p. 154
↑Frédéric Quinonero, Johnny live 50 ans de scènes, 2012, Éditions L'Archipel, page 79, citation : « Afin de célébrer solennellement le premier anniversaire du magazine Salut les copains et, à quelques jours près, les vingt ans de Johnny Hallyday, Daniel Filipacchi lance de façon quasi impromptue l'idée d'un concert gratuit sur la place de la Nation, sous l'égide d'Europe n°1. Pour seule publicité, une annonce lancée sur les ondes : "Il y aura Johnny, Sylvie, Richard (Anthony), et aussi Danyel Gérard, Les Gam's, Mike Shannon et Les Chats Sauvages. On vous attend nombreux les copains !". »
↑Philippe Lombard, Rock'N'Paris 1956-1965 Johnny, Eddy, Dick... et les autres, 2019, Éditions Parigramme, page 65, citation : « Le 22 juin 1963, Europe n°1 organise sur la place de la Nation un grand concert gratuit qui rassemble des milliers de jeunes à la grande surprise des autorités. [...] Johnny et Sylvie sont en Camargue où ils tournent D'où viens-tu Johnny ?, mais ils acceptent de faire l'aller-retour. »
↑Steve Turner (trad. de l'anglais), L'Intégrale Beatles : Les secrets de toutes leurs chansons [« A Hard Day’s Write »], Paris, Hors Collection, , 284 p. (ISBN2-258-06585-2), p. 32
↑Article de René Quinson sur Georges Milton intitulé : « Georges Milton (72 ans) revient à la chanson et révèle : "En 1913, j'ai inventé le yé-yé" », publié dans L'Écho républicain de la Beauce et du Perche du 21 janvier 1965. Extrait de l'article : « le yé-yé, il y a longtemps que je connais. Je poussais des « yé-yé » en 1913, en chantant Lorsque j'entends la musique »