Vitis est un genre d'arbustes et arbrisseaux sarmenteux de la famille des Vitaceae. Ce genre rassemble les espèces de plantes désignées collectivement sous le nom vernaculaire « vignes ». Il comporte plus de 72 espèces[2] réparties dans les zones tempérées et subtropicales de l'Europe et du Proche-Orient, d'Asie Orientale et d'Amérique du Nord et Centrale.
Ce sont des arbrisseaux grimpants qui s'attachent aux supports par des vrilles. Les tiges, taillées en culture, peuvent atteindre dans la nature de très grandes longueurs en grimpant dans les arbres.
Les feuilles à nervation palmée comportent cinq lobes principaux plus ou moins découpés, et sont en forme de cœur à la base.
Les fleurs sont très petites, verdâtres et regroupées en grappes composées. Elles comportent 5 pétales soudés au sommet dans le bourgeon floral. À l'anthèse, ils se déchirent par le bas et se détachent comme une coiffe (appelée calyptra). Chez les Vitis, le disque ne produit pas de nectar.
Les fruits murs sont des baies de forme et de couleur variables. Ils sont blancs, jaunâtres, violets ou noirs, et presque toujours noirs à l'état sauvage.
Distribution
Le débat est resté longtemps ouvert sur l'origine asiatique ou américaine des Vitis[3].
Les découvertes des botanistes chinois Wang[4] et Li[5], dans la seconde moitié XXe siècle, révèlent que la Chine est un centre majeur de diversification des Vitis[2]. Ils reconnaissent 40 espèces et 13 variétés de vignes sauvages chinoises. La région des Monts Qinling (au centre de la Chine, Shaanxi, Henan et Gansu) qui divise le pays en régions tempérées au nord et subtropicales au sud, est une zone de grande diversité, puisque 18 espèces de vignes sauvages y ont été trouvées[6].
Des travaux en 1996 basés sur l'analyse de l'ADN d'espèces sauvages actuelles montrent qu'elles sont d'origine américaine où elles sont apparues à la fin de l'éocène (vers 40 Ma)[7].
« À partir de ce centre originel, les Vitis se sont dispersées vers l'Asie par la Béringie, avant une migration plus tardive vers l'Europe. De manière concomitante, une diversification continue et complexe s’est opérée sous la pression des variations du climat et des contraintes géographiques. Durant les périodes glaciaires successives de l’ère quaternaire, la vigne s’est réfugiée dans des zones épargnées du froid dans lesquelles elle a survécu. Lorsque les glace sont fondu, les populations de vigne fragmentées, qui avaient évolué indépendamment, ont recolonisé les espaces libérés, se sont retrouvées et se sont hybridées. Quatre ou cinq épisodes de fragmentation et de rencontre ont eu lieu durant le quaternaire. De cette histoire évolutive est née la diversité actuelle des 72 espèces de Vitis. La plupart pousse en zone tempérée dans l’hémisphère nord, entre les latitudes de 10 à 55°, du Japon à la Californie : 34 Vitis américains, 37 Vitis asiatiques et Vitis vinifera, l’unique espèce européenne[8] ».
Histoire de la systématique
Carl von Linné introduisit en 1753 le genre Vitis et décrivit V. vinifera la vigne européenne et deux vignes américaines V. labrusca, V. vulpina. Il donnait aussi deux vignes d'Inde qui ne sont plus maintenant retenues.
Les premières études systématiques du genre Vitis sont dues aux scientifiques de Montpellier qui, à la fin du XIXe siècle, cherchaient un remède au phylloxéra qui ravageait le vignoble du midi. Pierre Viala fut envoyé aux États-Unis pour étudier les vignes américaines résistantes au phylloxéra et tolérantes au calcaire. Henri Degron, lui fut envoyé au Japon avec une mission similaire. Il envoya des plants au professeur Jules Emile Planchon de la Faculté de Pharmacie de Montpellier.
La première classification[9] du genre Vitis est due à ce professeur de Montpellier, qui fut un des découvreurs du phylloxéra et voyagea aussi aux États-Unis (Planchon, 1887). Il divisa le genre en espèces américaines et espèces asiatiques. Cette division fut reprise par les ampélographes français Foëx (1895), Ravaz (1902), Galet[10] (1967) et Levadoux (1968).
Aux États-Unis une recherche systématique sur les espèces de Vitis d'Amérique du Nord fut menée par Bailey (1934).
Le traitement le plus complet du genre fut pendant longtemps celui dû à Galet[10] (1967) qui donna une liste de 59 espèces, classées dans 11 séries.
L'étude des fossiles indique le genre Vitis était largement distribué dans l'hémisphère nord à la fin du Tertiaire.
Au début du Pléistocène, il y a 2 millions années, le genre Vitis s'est divisé en deux sous-genres[11] (Winkler 1962):
Euvitis : les "vraies vignes" caractérisées par des grappes allongées, des vrilles fourchues, une écorce se détachant en longues bandes. Elles comprennent V. vinifera et V. labrusca.
Muscadinia : les "vignes muscadines" portent de petites grappes, des baies avec une pellicule épaisse, des vrilles simples, une écorce lisse avec des lenticelles. Elles comprennent V. rotundifolia, V. munsoniana (Amérique du Nord).
Le domaine tempéré chinois qui, jusqu'à la fin du XXe siècle, avait été peu exploré s'est révélé une aire d'origine des Vitis très riche. Un élève de Linné, Thunberg, qui séjourna au Japon, avait décrit V. flexuosa en 1794, des botanistes russes comme Alexander von Bunge, Franz Ruprecht ou Maximowicz décrivirent quelques autres espèces (V. bryoniifolia 1833, V. amurensis 1857, V. piasezkii 1881) puis à la fin du XIXe siècle, les ampélographes de Montpellier autour de Planchon décrivirent quatre nouvelles espèces (V. balansana, V. coignetiae, V. davidii, V. retordii).
Si les troubles politiques que connut la Chine de la chute de l'empire (1912) à la politique de réformes et d'ouverture (gaige kaifeng 1978) ne permirent pas de grands progrès, les décennies 80 et 90 virent une fantastique moisson de découvertes s'accumuler. Deux chercheurs chinois s'illustrèrent par de nombreuses découvertes : W.T. Wang[4] 王文采 décrivit 7 nouvelles espèces et C.L. Li[5] 李朝銮 8 nouvelles espèces. Les articles publiés en chinois dans des revues chinoises mirent cependant très longtemps à être connus en Occident.
Le genre Vitis comprend beaucoup d'espèces. On considère que la principale espèce de vignes cultivée en Europe, et dans le monde, est Vitis vinifera. Cette espèce est, en effet, à l'origine de très nombreux cultivars, appelés cépages, parmi lesquels le cabernet, le chardonnay, le merlot, le pinot, le sauvignon etc.
Toutefois, il ne faut pas réduire la vigne à cette seule espèce. Certaines autres espèces peuvent être utilisées pour obtenir du jus, notamment Vitis labrusca en Amérique et Vitis coignetiae en Asie. Le goût de leurs moûts n'est pas autant apprécié que celui des cépages issus de Vitis vinifera.
Vitis vinifera L. est une espèce cultivée depuis des temps immémoriaux en Europe, dans l'ouest de l'Asie (Moyen-Orient, Caucase) et le nord de l'Afrique, mais que l'on peut trouver à l'état subspontané, notamment dans le sud de la France.
La majorité des cépages est issue de la sous-espèce Vitis vinifera subsp. vinifera.
Vitis labrusca L., la vigne américaine, vigne isabelle ou vigne-framboise (en anglais fox grape, dont les raisins on un goût « foxé » peu apprécié en Europe)
Vitis riparia Michx., la vigne des rivages (frost grape)
Vitis rupestris Scheele, la vigne des rochers (sand grape) ;
Vitis berlandieri Planch., la vigne dite espagnole (Spanish grape), (syn. Vitis cinerea var. helleri (L.H.Bailey) M.O.Moore)
Peu sensibles au phylloxéra, ces vignes, ainsi que leurs hybrides, sont utilisées soit comme porte-greffes, soit par croisement avec des variétés de Vitis vinifera sous forme d'hybrides producteurs (non admis dans les appellations).
Le raisin de Vitis labrusca peut être vinifié mais donne un vin foxé, dont le goût rappelle la framboise. Un cépage de cette espèce, l’Isabelle est quelquefois cultivé en Europe centrale, notamment en Suisse sous le nom de « gros framboisé ».
Vitis labrusca L. - la vigne américaine, vigne-framboise ou vigne isabelle (en anglais fox grape, dont les raisins on un goût « foxé » peu apprécié en Europe)
↑Roland Wilbur Brown, Paleocene Flora of the Rocky Mountains and Great Plains
↑ a et bWan YZ, Schwaninger H., Dan Li, CJ Simon, Wang YJ, Zhang CH, « A review of taxonomic research on Chinese wild grapes », Vitis, vol. 47, no 2, , p. 81-88
↑Frédérique Pelsy, Didier Merdinoglu, La vigne, miracle de la nature ? 70 clés pour comprendre la viticulture, Quæ, , p. 12-13.
↑ a et b(zh) WANG Wen-tsai 王文采, « VITACEARUM NOVITATES », Acta phytotaxonomica sinica, vol. 17, no 3, (lire en ligne)
↑ a et b(zh) Li CL, Cao YL, He YH, 李朝銮,曹亚玲,何永华, « A taxonomical study on Vitis L. in China 中国葡萄属 (Vitis L.) 分类研究 », J. Appl. Environ. Biol., vol. 2(3), , p. 234-253
↑Wan YZ, Schwaninger H., Dan Li, CJ Simon, Wang YJ, He PC, « The eco-geographic distribution of wild grape germplasm in China », Vitis, vol. 47, no 2, , p. 77-80
↑(en) Xiu-Qun Liu, Stefanie M.Ickert-Bond, Ze-Long Nie, Zhuo Zhou, Long-Qing Chen Jun Wen, « Phylogeny of the Ampelocissus–Vitis clade in Vitaceae supports the New World origin of the grape genus », Molecular Phylogenetics and Evolution, vol. 95, , p. 217-228 (DOI10.1016/j.ympev.2015.10.013).
↑Michael G. Mullins, Alain Bouquet et Larry Edward Williams, Biology of the Grapevine, Cambridge University Press,
↑ a et bPierre Galet, Recherche sur les méthodes d'identification et de classification des Vitacées des zones tempérées, Thèse, Université de Montpellier, , 600 p.
↑(en) Tim Unwin, Wine and the Vine : An Historical Geography of Viticulture and the Wine Trade, Routledge, , 440 p.