Tu jing bencaoClassique illustré de la materia medica Tu jing bencao
La pharmacopée chinoise Tujing bencao 图经本草, le « Classique illustré de matière médicale », (variantes du titre : Bencao tujing 本草图经 le titre originel, Tujing wai lei 图经外类 / 圖經外類), est une pharmacopée réalisée du temps du quatrième empereur Song, sur le modèle de la « Matière médicale des Tang » Tang bencao (659), avec une section comportant des notices sur les substances médicinales et une section d’illustrations commentées. Mais quatre siècles plus tard, durant la dynastie Song, aucun manuscrit pharmaceutique illustré produit jusqu’à la période Tang incluse, n’avait survécu[1],[2]. Il fallut donc recommencer le travail. La Tujing bencao publiée en 1061 est l’œuvre d’une équipe de rédacteurs dirigée par le savant polymathe Su Song 蘇頌 (1019-1101) en collaboration avec Zhang Yuxi 掌禹錫 (990 - 1060)[3] et d’autres spécialistes. Les rédacteurs sont presque tous les mêmes que ceux qui venaient de compiler la Jia you bencao 嘉佑本草, publiée l'année précédente, en 1060[n 1]. La Tujing bencao 图经本草 est un ouvrage de matière médicale divisé en 20 juan (chapitres) qui décrit 780 substances médicinales dont 103 qui sont nouvelles, et qui est enrichi par 933 illustrations. Les rédacteurs se sont appuyés sur des connaissances contemporaines rassemblées dans tout l'empire plutôt que sur d'anciennes compilations comme il était souvent d'usage[4]. Il fut composé en 1061. Le texte et les illustrations d’origine sont perdus mais des fragments du texte ont été préservés dans l'édition de 1108 de la Zheng lei bencao 证类本草[3], ce qui a permis de reconstruire une partie du texte. Sous la direction de l'érudit Su Song, la Tujing bencao a marqué une avancée significative en termes de précisions dans la description botanique des plantes médicinales et des autres substances médicinales. En donnant aussi une approche intégrée qui combinait des illustrations précises avec des descriptions naturalistes exhaustives ainsi que les lieux d’origine précis des substances, elle permettait une meilleur identification de celles-ci. Pour toutes ces raisons, c'est un travail novateur et pionnier. Toutefois, elle donnait peu d’informations sur les utilisations thérapeutiques, se reportant probablement sur les anciennes pharmacopées. Li Shizhen l’auteur de la Bencao gangmu a hautement apprécié le travail de Su Song pour son érudition et ses innovations mais l’a critiqué pour ses nombreuses incohérences dans la correspondance entre des explications pharmaceutiques et des illustrations correspondantes[3] (aujourd’hui perdues). Historique du texteDans la préface, les auteurs d’emblée indiquent qu’ils inscrivent leurs travaux dans la longue lignée de la filiation d’œuvres pharmaceutiques qui a commencé avec la Shennong bencao jing. Ils pointent notamment les difficultés des médecins à s’assurer d’avoir la bonne substance médicinale (comme une espèce de plante particulière par exemple) quand celle-ci est collectée au loin dans la montagne, par des personnes qui utilisent des vocables locaux, et qu’elle doit passer entre les mains d’intermédiaires marchands qui ne contrôlent pas correctement la marchandise. C’est pourquoi l’utilisation d’illustrations leur est d’un grand secours. La traduction en anglais de la préface est disponible dans A History of Pharmaceutics de Paul Unschuld[2] ; pour voir le texte en chinois de la préface, aller dans Zhongyao shi jia www.zysj.com.cn[5] ou dans zh.wikisource.org[6]. Préface :
L’empereur promulgua alors un autre ordre adressé à toutes les régions productrices de substances médicinales demandant aux personnes ayant une bonne connaissance de la pharmacopée de faire des observations soigneuses des racines, tiges, pousses, feuilles, fleurs et fruits des plantes, de bien prendre note de leur aspect extérieur, de leur couleur et de leur taille. Il demanda d’observer de même les substances médicinales d’origine animale (insectes, poissons, oiseaux, bêtes) et minérales. Des dessins devaient être fait de chacun de ces produits, avec des notes sur les périodes de floraison, de fructification et de récolte. Pour ce qui concerne les substances importées de l’étranger, les marchands étrangers devaient être interrogés, et un ou deux exemplaires de leurs produits devaient être obtenus et envoyés à la capitale pour qu’ils soient dessinés[1]. Les notices de substances médicinalesLe texte des notices de matière médicale sont essentiellement des descriptions naturalistes de substances naturelles classées en minéraux[n 4] (yushi 玉石 « jade et pierre »), herbes médicinales (cao 草), arbres (mu 木), et animaux (shouqin 兽禽), classes elles-mêmes sous divisées dans les trois grades traditionnels (de la Shennong bencao) supérieur, intermédiaire et inférieur parfois sous divisés en chapitres (juan) supérieur et inférieur, formant en tout 13 chapitres dans la version reconstruite utilisée[7], au lieu des 20 chapitres dans la version originelle[3].
Dans les siècles passés, les bencao restaient généralement silencieuses sur la morphologie des drogues, plantes médicinales ou minéraux. On peut penser que régulièrement, les médecins prescripteurs pouvaient avoir des doutes sur l’authentification des substances qu’ils achetaient aux marchands, venant de contrées lointaines, face à la multiplicité des parlers locaux et aux difficultés de communication. Les descriptions naturalistes de la Tujing bencao ont offert pour la première fois une description systématique des plantes. Le rôle du savant naturaliste polymathe Su Song dans la direction de l’équipe de descripteurs a certainement était déterminante. Exemple d’herbe classée[n 5] classe des herbes (cao bu 草部), de grade supérieur (shang pin上品), chapitre (juan) supérieur (shang juan 上品)
On notera l’effort manifeste des rédacteurs pour décrire chaque partie de la plante conformément aux instructions impériales. Mais comme la botanique n’était pas encore une science constituée avec un vocabulaire spécifique permettant de décrire la morphologie en soi des racines, feuilles, fleurs et fruits, les auteurs doivent recourir à des comparaisons avec d’autres plantes supposées connues de tout le monde (des fleurs comme celles du liseron). Les notices s’attachent aussi à donner systématiquement la région d’origine, ce qui fournit un indice supplémentaire pour identifier correctement l’espèce. En revanche, peu ou aucune informations ne sont données sur les indications et l’efficacité thérapeutique. Le terme chinois longdan 龙胆 s’analyse morphologiquement comme « vésicule biliaire de dragon ». Ce qui renvoie aux propriétés médicinales de la gentiane en particulier pour stimuler et améliorer les fonctions du foie et de la vésicule biliaire. Prenons aussi l’exemple de danggui 当归, l’angélique de Chine, dont la racine est une matière médicale importante depuis deux millénaires.
La Tujing bencao donne une description naturaliste de la plante, par comparaison à d’autres plantes que le locuteur est supposé connaitre. Bien que la racine d’angélique de Chine soit une drogue des plus précieuse et des plus couramment utilisée, le « Classique illustré de matière médicale » reste silencieux sur ses propriétés médicinales. Dans les siècles suivants des médecins vont se lancer dans l'explication des mécanismes d’action des principes de la plante. Le médecin Wang Haogu 王好古 (1200-1264) établira le mécanisme d’action du remède danggui qui permettrait en principe d’expliquer les divers effets thérapeutiques de la drogue par l'intermédiaire les conduits/méridiens (voir Angélique de chine#Utilisations médicinales). Les illustrationsLes illustrations de la Bencao tujing ont les deux grandes caractéristiques suivantes[1]:
Pour répondre aux exigences de descriptions officielles, les dessinateurs durent produire des vues des représentations de plantes entières (comme le giroflier de Canton, Syzygium aromaticum) et de leurs parties feuilles, fleurs etc., dans des vues minuscules. Les artistes ont aussi essayé de mettre en valeur les parties ayant une utilisation médicale, ce qui les a conduits à changer les proportions naturelles (comme celle du clou de girofle dingxiang 丁香). Parfois les dessins peuvent alors s’apparenter à des diagrammes. Si les illustrations sont en général basées sur des observations directes, il y des cas, comme pour les plantes venant de l’étranger ou de régions reculées de Chine où ce n’était pas possible. Dans ce cas les artistes ont proposé des reconstructions basées sur les descriptions connues, comme pour le sang-dragon (qilingjie 麒麟竭) du Guangzhou, ou du camphre de Bornéo, longnao 龙脑[1]. Tout comme la Jia you bencao (1060), la Tu jing bencao (1061) a été perdue en tant qu’œuvre indépendante, et seul des fragments de texte ont pu être reconstruits à partir de citations dans des travaux ultérieurs. Le type des illustrations reste aussi inconnu, à moins de supposer que les illustrations de la Da guan bencao 大觀本草de 1108, la première pharmacopée de la tradition principale à avoir été complètement préservée, proviennent de la Tu jing bencao[2]. Par la suite, des changements de méthodologie dans la conception des bencao ont conduit à l’abandon des illustrations.
Notes et référencesNotes
Références
Articles connexes
Liens externes
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