Atractylodes lanceaAtractylode noir, cāngzhú Atractylodes lancea
Atractylode noir
Atractylodes lancea ou atractylode noir[n 1] est une espèce de plante à fleurs de la famille des Asteraceae, originaire d’Asie orientale et du Sud-Est. C’est une plante herbacée vivace, de 30–100 cm de hauteur, avec des feuilles bordées de fines aiguilles et un rhizome épais. L’inflorescence est un capitule composé uniquement de fleurons tubulaires, blancs, les bractées sont réduites à des épines pennées. Le rhizome séché est utilisé en médecine traditionnelle en Chine, au Japon et en Corée. Il est appelé cāngzhú (苍术) en Chine et So-Jutsu au Japon. En Chine, il est largement connu pour « traiter les déficiences de la rate et les diarrhées ». L’histoire de cette matière médicale, partant du modèle initial du Shennong bencao jing, a été faite d’enrichissements de données et d’observations nouvelles au cours des siècles. Elle porte de nombreux noms vernaculaires, pouvant couvrir des formes locales mais toutefois dont les statuts infraspécifiques (variétés ou sous-espèces) n’ont jamais été établis. Il faut de plus les distinguer d’une espèce proche, Atractylodes macrocephala, elle aussi très fournie en noms vernaculaires. Aux vertus médicinales de cette racine, comme « tonifier la rate », s’ajoute la tradition d’un remède pour « ne pas vieillir » ou même « pour rajeunir », lancé par Ge Hong le lettré chercheur d’immortalité. Les autorités chinoises ont mené une politique visant à intégrer la médecine traditionnelle chinoise à la médecine moderne. Le premier essai clinique de phase 1 pour évaluer l’innocuité et la pharmacocinétique de la formulation en capsule de l’extrait de A. lancea a été mené en 2021[1] Nomenclature et étymologieL’espèce a d’abord été décrite sous le nom d’Atractylis lancea par le naturaliste suédois Carl Peter Thunberg en 1784 dans Flora Japonica, 306. En 1775-1776, Thunberg s’était rendu dans la minuscule île de Dejima au Japon où il put conduire quelques recherches botaniques. En 1838, Augustin-Pyramus de Candolle (1778-1841) créa le nouveau genre Atractylodes dans lequel il plaça l’espèce précédente sous le nom de Atractylodes lancea, dans Prodromus Systematis Naturalis Regni Vegetabilis 7: 48[2]. Le nom de genre Atractylodes est un terme de latin scientifique composé de deux noms grecs: ἄτρακτος (átrakto̱s) latinisé en atractylo-, signifiant « flèche, fuseau » et εἶδος (eîdos) latinisé en - odes, signifiant « forme, apparence ». Ensemble, les deux termes pourraient faire allusion à la forme allongée-tubulaire prise par le rhizome (à moins que ce soit par le capitule ou par les anthères des fleurons ou par les feuilles). L’épithète spécifique lancea est un nom latin signifiant « lance, pique ». SynonymesSelon POWO[3], le nom Atractylodes lancea est un nom accepté (valide) de l’espèce et possède 44 synonymes. Synonymes homotypiques
Synonymes hétérotypiquesSur les 42 synonymes hétérotypiques, nous citerons seulement:
DescriptionAtractylodes lancea est une plante herbacée de (15-) 30-100 cm de hauteur, avec un rhizome épais, horizontal ou ascendant[4]. C’est un géophyte[n 2]. Les tiges sont solitaires ou en touffe, non ramifiées ou un peu ramifiées au sommet. Les feuilles sont ± rigidement papyracées, vertes. Les feuilles basales sont fanées à l’anthèse. Les feuilles caulinaires inférieures et moyennes sont pétiolées mais les inférieures parfois subsessiles ; le pétiole fait 0,5–8 cm de longueur ; le limbe de la feuille de 8–12 cm de long sur 5–8 cm de large, non divisé ou divisé presque jusqu'à la base en 3-5(-9) segments pennés ; ces segments indivis ou parfois près de la base avec quelques petits lobes épineux, ± étroitement elliptiques à oblancéolés ou obovales, la base cunéiforme, la marge est épineuse, l’apex brièvement acuminé à arrondi. Les feuilles caulinaires supérieures sont semblables mais plus petites. L’inflorescence est un capitule terminal, regroupant de nombreux fleurons sur un réceptacle plat ou légèrement convexe, entourées de bractées. À la différence des Centaurea européennes (comme le bleuet), le capitule est composé uniquement de fleurons tubulaires, sans fleurs ligulées sur les bords et sans écailles, poils ou autres éléments entre les fleurons. Les bractées externes sont peu nombreuses, en forme de feuille ; les bractées internes sont nombreuses, homomorphes, réduites à des épines pennées disposées de manière pectinée, dépassant mais ne cachant pas complètement l'involucre. Celui-ci est campanulé, de 1–1,5 cm de diamètre[4]. La corolle est blanche ou jaunâtre, de 0,9–1,2 cm. Le fruit est un akène obovoïde, ca. 5 mm, poils blancs. Le pappus est brun à blanc sale, de 7–9 mm. La floraison et la fructification se déroule de juin à octobre[4]. Distribution et habitatSelon POWO[3], l'aire de répartition naturelle de cette espèce s'étend de l'Extrême-Orient russe jusqu'en Chine et au Japon. Elle se rencontre dans la région du fleuve Amour (Oblast de l'Amour, Kraï de Khabarovsk), Kraï du Primorié, la Chine Centre-Nord, Chine Centre-Sud, Chine Sud-Est, Mongolie intérieure, Mandchourie, Japon, Corée, côte orientale du Vietnam. En Chine, Flora of China indique: les provinces de Anhui, Chongqing, Gansu, Hebei, Heilongjiang, Henan, Hubei, Hunan, Jiangsu, Jiangxi, Jilin, Liaoning, Nei Mongol, Shaanxi, Shandong, Shanxi, Zhejiang. Elle pousse dans les prairies, forêts, fourrés, crevasses rocheuses, de 200 à 2 500 m d’altitude[4]. Composés bioactifsLes principaux composés actifs d'A. lancea sont des composés d'huiles essentielles tels que les sesquiterpénoïdes (le β-eudesmol, l'hinesol, l'atractylon) et du polyacétylène (l'atractylodine). Le contenu des composés présente une grande variabilité en fonction de leur habitat. Une étude de Takahiro Tsusaka et al[5] suggère que les contenus en sesquiterpénoïdes et polyacétylène sont largement influencés par des facteurs génétiques. Ils présentent aussi une grande variabilité en fonction de leur habitat. UtilisationsUtilisations médicinalesLe rhizome d’Atractylodes lancea est utilisé comme matière médicale en médecine traditionnelle chinoise (MTC). Selon Flora of China, le nom vulgaire de cette espèce est 苍术 (trad. 蒼朮) cāngzhú, alors que celui de l’espèce proche A. macrocephala est 白术 (trad. 白朮) báizhú. Les rhizomes des deux espèces donnent des matières médicales aux propriétés distinctes. Le caractère chinois traditionnel 蒼 cāng désigne la couleur « bleu-vert profond » (深青色 shēnqīngsè, « cyan foncé » selon le dictionnaire Guoyu cidian[6]) ; le nom de cangzhu 苍术 viendrait de la couleur bleu-noirâtre des racines[n 3] , ce qui explique la traduction de cangzhu par atractylode noir de Paul Unschuld.
Le monosyllabe 朮 en chinois classique se prononce suivant la reconstruction zhú alors qu’en chinois moderne, il a les deux prononciations shù et zhú, à la suite de la simplification de l’écriture chinoise qui réécrit 朮 en 术. Il est utilisé comme abréviation des noms vernaculaires bisyllabiques qui sont employés pour les deux espèces d’Atractylodes[7]. Par contre dans la Pharmacopée chinoise[8] (éd. chi. 2003 - fr. 2008), 苍术 cangzhu Rhizoma Atractylodis est rapporté aux rhizomes des trois espèces distinctes: Atractylodes lancea, Atractylodes chinensis, Atractylodes japonica. Malheureusement sans nom de botaniste descripteur, on ne peut savoir avec certitude si ce sont des noms acceptés ou des synonymes (c’est-à-dire s’ils réfèrent à des espèces distinctes ou identiques). Cependant d’après Tropicos[9], le doute pourrait être levé puisque Atractylodes chinensis (Bunge) Koidz. et Atractylodes japonica Koidz sont des synonymes d'Atractylodes lancea (Thunb.) DC. (ce qui a été indiqué en début d’article dans la section Synonymes hétérotypiques). Donc, on retiendra que les trois espèces d’Atractylodes lancea / chinensis / japonica pourraient n’être qu’une seule et même espèce . Certains auteurs se sont appliqués à distinguer deux types de cangzhu: 1) le nan cangzhu 南蒼朮 « le cangzhu du Sud » et 2) le bei cangzhu 北苍术 « le cangzhu du Nord », sans donner leurs noms botaniques latins[11],[10],[12]. Le Cangzhu du Sud préfère les climats frais, doux et humides, il a une grande tolérance au froid, et craint la lumière forte et les températures élevées. Cangzhu du Nord est rustique, préférant les conditions climatiques fraîches et bien éclairées avec une grande différence de température entre le jour et la nuit. Le premier nan cangzhu 南蒼朮 « cangzhu du Sud » (ou maocangzhu 茅苍术) est une plante herbacée de 30 à 70 cm de hauteur, avec un rhizome épais dont la section transversale révèle des taches huileuses brun-rougeâtre, les feuilles sont pétiolées ou sessiles, à marge épineuses, les fleurs sont toutes tubulaires blanches, elles sont soit bisexuées soit unisexuées. Le second bei cangzhu 北苍术 « le cangzhu du Nord » est proche du premier, mais avec la différence que les feuilles sont sessiles, généralement pennées avec 5 lobes profonds. Nan cangzhu 南蒼朮 et bei cangzhu 北蒼朮 étant de la même espèce, on peut s’interroger sur leur statut infraspécifique. Les études génétiques indiquent une grande variabilité génétique d'Atractylodes lancea et suggèrent qu’il n'y a pas de distinctions claires en termes de sous-espèces ou de variétés spécifiques entre nan cangzhu et bei cangzhu[13]. Atractylodes lancea (ou bei cangzhu 北蒼朮) se distingue par un rhizome plus allongé que celui plus ramassé, globuleux, de la seconde espèce, nommée très à propos A. macrocephala « A. grosse tête». Les deux matières médicales ont en commun de « renforcer la rate » mais ont aussi des propriétés propres distinctes : nan cangzhu est généralement utilisée dans des formules où l’élimination de l’humidité est la priorité alors que bei cangzhu l’est plutôt dans les cas où il faut tonifier la rate et le qi. CultureLe cangzhu 苍术 est largement cultivé en Chine, particulièrement dans les deux régions de la Mongolie intérieure et du Nord-Est de la Chine qui sont réputées pour la qualité de leur production. Les cangzhu cultivés en Mongolie intérieure présentent des taches (de couleur) cinabre sur la section transversale du rhizome, signe de qualité et se vendent très bien dans le pays. Ceux cultivés dans le Nord-Est n'ont pas de taches de cinabre dans leur section transversale[11]. La culture se fait dans les sols limoneux dans les régions fraiches où les plantes peuvent résister à des températures de −15° C. Histoire de la matière médicale cangzhuLe premier ouvrage chinois de matière médicale le Shennong bencao jing (Classique de la matière médicale du Laboureur Céleste), compilé au début de notre ère sous les Han puis étendu par le médecin taoïste Tao Hongjing (452-536), ne mentionne que la notice nommée 朮 zhú, terme général pouvant s’appliquer aux deux espèces d’Atractylodes[14]:
Le vent, le froid et l’humidité font partie des six qi maléfiques (邪氣 xiéqì), à savoir les Six qi, nommés le Vent, le Froid, le Feu, la Canicule, l’Humidité, et la Sécheresse[n 5], dans leur capacité pathogène. Ce remède est classé dans la catégorie des drogues supérieures qui ne sont pas destinées à soigner les maladies mais à garder le corps en bonne santé le plus longtemps possible, voire à chercher l’immortalité. C’est ce qu’indique l’avant dernière phrase de la notice « consommé longtemps, il allège le corps, allonge la vie, prévient toute faim », il s’agit d’avoir le corps léger comme celui d’un immortel taoïste, capable de chevaucher les dragons pour divaguer dans les nuages[15]. Les herbes médicinales permettent d’allonger la vie, mais ce sont les élixirs à base d’or et de cinabre (HgS) qui permettaient d’espérer pouvoir atteindre l’immortalité. Avec la publication du Bencao gangmu « La matière médicale classifiée », en 1593, de Li Shizhen (1518-1593), fut atteint le point culminant de seize siècles de matières médicales, le climax de ce qui pouvait être fait avec la méthode traditionnelle de compilation. Après ces siècles d’enrichissement de la pharmacopée, la pensée magique est clairement écartée par Li Shizhen dans certains passages[n 6], mais dans la présente notice il cite Shennong bencao sans émettre de réserve et plus bas nous verrons comment il propose de combattre un démon femelle. Li Shizhen donne les indications de préparation du rhizome suivantes:
Il distingue ensuite
Dire « c’est une substance yang dans le yin » indique que bien qu’elle ait principalement les caractéristiques yin (froid, passif), elle possède aussi des aspects yang (chaux, actif). Suit une longue explication. Donnons seulement la citation de Kou Zongshi 寇宗奭, un médecin de la dynastie Song (960-1279) qui est très éclairante :
Puis il ajoute cette remarque de Li Gao 李杲 (1180-1251), un médecin de la dynastie Yuan (1279-1368)
Li Gao établit un mécanisme d’action du remède cangzhu, permettant d’expliquer les divers effets thérapeutiques de la drogue. Le cangzhu agit sur le conduit de la rate taiyin de pied Zú tàiyīn pí jīng 足太阴脾经 qui part du gros orteil, remonte le long de la face interne de la jambe, traverse la cavité abdominale puis entre dans la rate. La rate, en relation avec la terre, reçoit facilement les excès d’humidité du corps. Elle aime la sécheresse et craint l’humidité. Les correspondances rate ↔ terre ↔ humidité viennent de la théorie des correspondances wuxing, remontant à la période des Royaumes combattants (Ve-IIIe siècle av. J.-C.). Ce n’est qu’à partir de la dynastie Song, que la pharmacopée des bencao emprunta les concepts naturalistes de la médecine traditionnelle commencée avec le Huangdi neijing pour « expliquer » les mécanismes d’action des drogues. La matière médicale des élixirs de longue vieDepuis l’antiquité, la culture chinoise véhicule l’idée que la vie humaine peut être prolongée ici-bas, dans notre corps, très au-delà de la durée moyenne habituelle. Et pour ceux qui poursuivent les exercices spirituels et physiques, il est possible de devenir léger au point de pouvoir s’élever dans les nuages et y chevaucher les dragons. Devenir immortel (xian 仙), tantôt visible et invisible, mobile mais sans forme, est donc tout à fait possible[17]. Le traité sur la quête de l’immortalité le plus complet qui nous soit parvenu est le Baopuzi neipian « Le maître qui embrasse la simplicité » de Ge Hong 葛洪 (283-343). En parlant d’immortalité, Ge Hong développe une approche très pragmatique qui insiste sur la méthode rationnelle pour l’atteindre et sur des procédés alchimiques[18]. Il défendra l'idée que l'accomplissement de l'immortalité demande de « nourrir le principe vital » yangsheng 养生 (pratiques gymniques, techniques diététiques, respiratoires, etc.) mais exige surtout la fabrication et la prise d'un élixir d'immortalité. Car il distingue clairement les élixirs d’immortalité et les herbes médicinales pour rester en bonne santé le plus longtemps possible ou même pour rajeunir. Il donne de nombreuses recettes pour les deux. Et pour vanter les vertus l’atractylodes 朮 zhu, rien ne vaut le récit d’un succès exemplaire obtenu avec cette herbe de jouvence:
L’ « essence de la montagne », appelé aussi xiānzhu 仙术 « racine zhu d’Immortel », continua longtemps à fasciner beaucoup de monde en Chine. On trouve des savants qui ont vanté ses vertus « alchimiques » jusque sous la dynastie Song (960-1279), comme le spécialiste de matière médicale Su Song 蘇頌 (1019-1101) auteur de tujing bencao 图经本草 la première pharmacopée chinoise illustrée ou Tang Shenwei 唐慎微 (c. 1056-1093), auteur d’une pharmacopée zhenglei bencao 证类本草. Li Shizhen cite un bel éloge puisé dans la préface d’un ouvrage anonyme, le Tu na jing 吐纳经 , datant des dynasties du Sud et du Nord (420-589), attribuée à une immortelle légendaire Dame Ziwei 紫微夫人:
Li Shizhen conclut ce passage ainsi: « Toutes les citations précédentes réfèrent à cangzhu 蒼朮, pas seulement à beizhu 白朮. Les experts actuels dans la prise d’aliments [comme élixir de longévité] appellent le cangzhu l’« atractylode des immortels ». Donc toutes [les descriptions des effets de zhu] sont couvertes par cangzhu ». Pour terminer son éloge, Li Shizhen n’hésite pas à recourir à des arguments plus surprenants pour un auteur réputé rationaliste « À l’occasion d’épidémies ou du Nouvel an, les gens brûlent souvent des cangzhu pour chasser le qi maléfique...Le Yijianzhi 夷堅志 rapporte le cas d’un érudit du Jiangxi qui fut infecté par un démon femelle (nuyao 女妖). Quand celui-ci fut sur le point de partir, il lui dit « Seigneur, vous êtes infecté par des yin qi. Ils doivent être expulsés rapidement. Vous avez seulement à prendre plus de poudre de pingweisan 平胃散 comme remède pour équilibrer l’estomac ». Il comporte du cangzhu capable d’éradiquer les qi démoniaques » (trad. de Paul Unschuld[16]). Cangzu dans la Pharmacopée Chinoise moderne (2003)La Pharmacopée chinoise[8] traite cangzhu 苍术 sous le nom de Rhizoma Atractylodis, avec les caractéristiques suivantes:
Selon l’Encyclopédie de la Médecine chinoise 中医百科 (en ligne)[19], le cangzhu peut être utilisé pour traiter l'humidité excessive de la rate, la fatigue, la perte d’appétit, la diarrhée, la dysenterie, le paludisme, les mucosités etc. Il renforce la rate, élimine l’humidité, soulage la stagnation[n 8] etc. Le concept de « rate chinoise » (脾 pí) désigne un « organe » zang 藏, situé sur la face inférieure de l’estomac, ayant la fonction d’assimiler les nutriments des aliments dans l’estomac pour en faire du qi, du sang, et des fluides[20]. Doit-on la comprendre de manière métaphorique et symbolique ou l'abandonner puisqu’elle n’a rien à voir avec la « rate de la médecine moderne », organe parfaitement observable (située sous le diaphragme, dans la partie supérieure gauche de l’abdomen) et dont l’étude empirique a montré qu’elle avait des fonctions hématologiques (stockage des globules rouges, des lymphocytes) et immunitaires (ayant un rôle important dans l’immunité)? Comment montrer expérimentalement que le cangzhu « empêche le qi maléfique de pénétrer dans la rate » (Li Gao, citation précédente 使邪氣不傳入脾) ? Évaluations thérapeutiques de l’activité pharmaceutiqueLa Chine a cherché ces dernières années à intégrer la Médecine traditionnelle chinoise (MTC) à la médecine moderne. D’après une étude de Wu et al[21], moins de 5% des études cliniques publiées dans les bases de données chinoises en 2007, étaient conformes aux normes de recherche internationales acceptables. Les institutions de recherche ont alors été encouragées à établir des procédures opérationnelles standard (POS) pertinentes et à fournir une formation aux enquêteurs pour garantir le respect de ces protocoles. Malgré une utilisation intensive du cangzhu donnant une impression positive dans de nombreuses maladies, aucune étude clinique n'a pu étayer de manière concluante son profil d'efficacité et de sécurité chez l'homme avant 2021. Les tests de toxicité aiguë et subaiguë menés chez le rat et la souris menés par une équipe thaïlandaise[22] en 2014 ont indiqué des profils de sécurité de cangzhu dans une large gamme de niveaux de dose (1 000 à 5 000 mg/kg de poids corporel). Puis en 2021, le premier essai clinique de phase 1 pour évaluer l’innocuité et la pharmacocinétique de la formulation en capsule de l’extrait de A. lancea standardisé a été mené par Na-Bangchang et al[1] sur 48 patients en bonne santé. Ils n’ont observé aucun changement dans la pharmacocinétique de l’atractylodine lorsqu'elle est administrée en une dose unique ou en doses multiples pendant 21 jours. Ce qui suggère l'absence d'accumulation et de dépendance à la dose dans le plasma humain après une administration continue pendant 21 jours. Les auteurs ont aussi réalisé une série d’études appliquant l’approche de pharmacologie inverse pour soutenir le développement du cangzhu comme agent chimiothérapeutique potentiel pour le cholangiocarcinome, le cancer des voies biliaires, un cancer extrêmement agressif. Reste à faire les essais cliniques. Les prescriptions traditionnelles à base de cangzhu (ou de baizhu, d’ailleurs) contiennent des atractylénolides, un petit groupe de sesquiterpénoïdes dotés de propriétés antioxydantes et anti-inflammatoires pouvant être utilisées pour atténuer les dommages oxydatifs causés par les rayonnements ionisants des traitements anticancéreux. L’atractylénolide I (parmi les atractylénolides I, II et III) a été testé cliniquement pour le traitement de la cachexie induite par le cancer avec des résultats encourageants[23]. Notes
Références
Liens internesLiens externes |