Elle est surtout connue pour son album de textes et de photographies Kiken na Adabana (危険な毒花?) paru en 1957 et pour sa description du akasen(en) (quartier de prostitution) de Yokohama après l'occupation du Japon avec des soldats américains[2].
Biographie
Toyoko Tokiwa (常盤 刀洋子?) naît à Yokohama en . (En tant que photographe, elle épelle plus tard « toyo » en hiragana plutôt que dans les caractères originaux). Sa famille gère une entreprise de grossiste en liqueur à Yokohama où elle vit jusqu'au bombardement américain du au cours duquel son père décède[3],[4]. Son frère ainé utilise un appareil Rolleicord et une chambre noire et cet élément combiné avec le désir de travailler parmi les hommes conduit Tokiwa à vouloir travailler en tant que photographe, avant même qu'elle ait elle-même utilisé un appareil photo[3].
Diplômée de la Tokyo Kasei-Gakuin (prédécesseur du Tokyo Kasei-Gakuin Junior College) en 1951[2], Tokiwa commence à travailler comme présentatrice à la radio mais rêve d'être photographe à la place et rejoint le « club Shirayuri Camera » (白百合カメラクラブ?), Shirayuri Kamera Kurabu) exclusivement réservé aux femmes[5]. Elle est influencée par le réalisme de la photographie japonaise de l'époque (conduite par Ken Domon)[2].
Certaines des premières photographies de Tokiwa sont prises au Ōsanbashi,
l'embarcadère de Yokohama auquel sont amarrés les navires américains à quai et qui est donc le site de séparations et de retrouvailles émouvantes des familles de militaires américains. Elle peut photographier en gros plan sans attirer de commentaires et apprécie grandement ce travail[3]. Elle passe pourtant rapidement à son intérêt principal, les femmes qui travaillent. Malgré une haine initiale de l'armée américaine, motivée en particulier par la mort de son père, et son dégoût de la prostitution, elle s'invite simplement dans l'akasen(en) (quartier chaud) de Yokohama, demande aux filles si elle peut photographier et y est acceptée[4].
Tokiwa épouse plus tard un photographe amateur, Taikō Okumura (奥村泰宏?), 1914-1995)[6],[7] dont les photographies de l'après-guerre au Japon paraissent avec les siennes dans un album publié en 1996 et travaille à la fois comme femme au foyer et photojournaliste[2].
En 1956, Tokiwa organise une exposition intitulée Hataraku Josei (働く女性?), « Femmes au travail ») à la Plaza Konica Minolta (galerie photo Konishiroku) à Tokyo qui est particulièrement bien accueillie. L'exposition montre des catcheuses professionnelles, des modèles, des ama des infirmières et des prostituées[2].
En 1957, son album Kiken na Adabana (危険な毒花?), littéralement « Dangereuses toxiques/fleurs stériles »)[n 1] est publié par Mikasa Shobō. Son texte est divisé en trois parties :
Kiken na adabana (comme expliqué ci-dessus)
Fāsutofurekkusu kara Kyanon made (« Du Firstflex au Canon »; Firstflex était une marque d'appareils reflex bi-objectif fabriqués par Tokiwa Seiki, (常盤精機?))
Kōfuku e no iriguchi no aru ie (à savoir « Une maison avec une entrée au bonheur »)
Chacune d'elles est subdivisée en courts essais. Le texte est à la première personne et souvent de Tokiwa elle-même : la photo (composite) de couverture et la photo dans le frontispice montrent toutes deux Tokiwa portant un appareil à mise au point télémétrique de Canon, à une époque où la photographie était vraiment une activité masculine au Japon[n 2].
Le texte du livre est interrompu par quatre sections de photographies prises entre 1952 et 1957 (sous-titres et données techniques apparaissent pp. 242 et 241[n 3]). Il y a un titre sur la première photo de chacune des sections; ces quatre titres sont :
Aru machi no kurai onna no iru fūkei (« Paysage sombre avec des femmes d'une certaine ville japonaise »). En majorité des scènes de rue dans cette ville (Yokohama) montrant beaucoup de filles et de militaires américains. La photographie la plus connue de Tokiwa se trouve pages 44, 45[n 4] prise à Wakaba-chō Bā-gai (若葉町バー街?), rue à bars), derrière l'arrondissement d'Isezakichō(en)[4] qui montre une jeune fille tenue par un homme étranger tandis qu'un autre en uniforme regarde au loin.
Kiken na hakimono (« Dangereuses chaussures »). La photographie d'ouverture montre des geta et des sandales déposées à l'entrée d'un l'hôpital; les photos qui suivent montrent des filles qui attendent ou reçoivent des injections et des contrôles obligatoires certifiant qu'elles ne sont pas porteuses de maladies vénériennes.
Fāsutofurekkusu kara Kyanon made (comme expliqué ci-dessus). Série complexe : visiteurs étrangers au Japon, ama, modèles nues et chindon'ya.
Kōfuku e no iriguchi no aru ie (comme expliqué ci-dessus). Scènes plus heureuses de jeunes femmes, bien que la série se termine par la scène représentée à l'intérieur de l'objectif sur la couverture.
Kōtarō Iizawa caractérise le livre comme étant « le travail le plus fort, le plus compatissant par une femme photographe de l'époque »[10].
Travaux pour la télévision
De 1962 à 1965, Tokiwa produit la série télévisée Hataraku Josei-tachi ((働く女性たち?), femmes qui travaillent)[2].
Autres photographies et publications
Tokiwa photographie autour des bases militaires américaines de Yokosuka (1958) et des îles Ryūkyū (1960), l'Union soviétique (1974), Taiwan et la Malaisie (1975-80). Depuis 1985, elle travaille sur les questions relatives aux personnes âgées[4].
Le , lorsqu'elle prend la parole à l'exposition de photo intitulée « Femmes » organisée à Yokohama à l'occasion du 60e anniversaire de la Société des photographes professionnels du Japon[11] devant un public d'une centaine de personnes à propos de ses débuts en tant que photographe, elle réside à Yokohama et photographie des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer[12].
Autres travaux
En 1967 Tokiwa fait partie d'un comité de sélection de travaux pour une exposition organisée par la préfecture de Kanagawa et en 1987 elle est enseignante à la Fujisawa Bunka Sentā (Fujisawa, Kanagawa)[13].
Expositions
En 1957, Tokiwa se joint à Tōmatsu, Narahara et d'autres photographes pour la première exposition de Jūnin no Me (10人の目?), « Les yeux de dix »). Jusqu'en 1960, Tokiwa présente son travail dans plusieurs expositions, au moins une fois avec Hisae Imai[2],[13].
Le 3e « Mois de la Photographie de Tokyo » montre divers expositions de photographie de différentes galeries à Tokyo en 1998, le thème principal étant « L'Œil des femmes photographes » (Josei Shashinka ne manazashi) et il présenté des photos de Tokiwa et d'autres japonaises photographes établies de la période 1945-1997[14].
Tokiwa participe à l'exposition Yokohama Photo Triangle en 2009, tenue dans le cadre du 150e anniversaire de l'ouverture du port de Yokohama où elle organise également un programme de participation civique[5].
Kiken na Adabana (危険な毒花?)[n 1] Tokyo: Mikasa Shobō, 1957. (ja)
With Taikō Okumura (奥村泰宏?). Sengo 50-nen: Yokohama Saigen: Futari de Utsushita Haisen Sutōrī (戦後50年 横浜再現 二人で写した敗戦ストーリー?)[n 6] Tokyo: Heibonsha, 1996. (ISBN4-582-27733-0). (ja) Photographies de Yokohama après la guerre; les pp. 3, 95 montrent le travail d'Okumura, les pp. 96, 143 celui de Tokiwa.
Watashi no naka no Yokohama Densetsu : Tokiwa Toyoko Shashinshū 1954-1956 (わたしの中のヨコハマ伝説 常盤とよ子写真集 1954-1956?) / A Collection of Photographs by Toyoko Tokiwa. Yokohama : Tokiwa Toyoko Shashin Jimusho, 2001. (ja) Photographies de Yokohama, 1954-56.
Bibliographie
Iizawa Kōtarō (飯沢耕太郎?). Shashin to Kotoba: Shashinka Nijūgo-nin, Kaku Katariki (写真とことば 写真家二十五人、かく語りき?). Shūeisha Shinsho. Tokyo: Shūeisha, 2003. (ISBN4-08-720176-7). Les pages 91 et 97 sont consacrées à Tokiwa.
Matsumoto Norihiko (松本徳彦?). Gun-kichi-mondai ni idomu: Saeki Yoshikatsu to Tokiwa Toyoko (軍基地問題にいどむ—佐伯義勝と常盤とよ子と?). pp. 35, 40 of Shōwa o Toraeta Shashinka no Me: Sengo-Shashin no Ayumi o Tadoru(昭和をとらえた写真家の眼 戦後写真の歩みをたどる?). Tokyo : Asahi Shinbunsha, 1989. (ISBN4-02-258453-X).
Notes
↑ a et bLe titre de ce livre abonde en complications. La première (triviale), est qu'il se lit (危險な毒花?) (avec l'ancienne forme du caractère pour ken) sur le devant et la tranche de la jaquette et sur la page de titre mais (危険な毒花?) (avec la forme orthographique plus récente) sur la tranche elle-même, le faux-titre, le colophon et l'avant du bandeau (obi). Deuxièmement, la lecture des deux derniers caractères du titre est problématique. Le livre lui-même ne semble pas indiquer de lecture où que ce soit (même si son colophon donne la lecture Tokiwa). Les dictionnaires japonais de vocabulaire sino-japonais n'incluent pas la combinaison (毒花?); les dictionnaires de japonais comme le Kōjien ne le listent pas sous l'une de ses lectures les plus évidentes : dokubana, dokuhana, dokuka ou dokka. Les comptes-rendus de ce livre en japonais, tels que l'article de Moriyama dans Nihon Shashinka Jiten ou Nihon Shashinshi Gaisetsu (日本写真史概説?); Tokyo : Iwanami Shoten, 1999; (ISBN4-00-008381-3) n'en donnent pas la lecture. Par conséquent quelqu'un qui doit fournir une lecture pour le titre devra normalement juste deviner ou dépendre des hypothèses des autres et Kiken na Dokubana et Kiken na Kokuka sont attestés sur OPACs, les bases de données bibliographiques etc. Cependant, le ruby (あだばな?) (adabana) est fourni pour le titre dans la chronologie de Tokiwa page 159 de Yokohama Saigen (voir « Albums de Tokiwa ») et il est très improbable que cela a été fait sans consultation avec Tokiwa elle-même. Tant Kōtarō Iizawa que Luisa Orto spécifient adabana, bien que sans commentaire. Iizawa, The evolution of postwar photography, in Anne Wilkes Tucker et al., The History of Japanese Photography (New Haven, CT: Yale University Press, 2003; (ISBN0-300-09925-8), p. 217; Orto, Toyoko Tokiwa, in Orto and Matsuda Takako, Artist Profiles, in Tucker et al., p. 364. Le troisième problème est de savoir comment faire passer le titre en anglais. Iizawa et Orto donnent « Dangereuses fleurs stériles ». Adabana signifie effectivement « Fleur(s) stérile(s) » mais est normalement écrit (徒花?) et n'implique pas de toxicité. Par extension métaphorique, cela peut signifier « prostituée(s) ». Adabana est parfois écrit (仇花?), dans lequel le caractère pour ada signifie « dommage » ou « malice » (en plus de « ennemi », etc.). Cependant, le caractère (毒?) signifie « toxicité ». Ainsi le titre signifie-t-il « Dangereuses fleurs stériles », « Dangereuses prostituées », « Dangereuses fleurs toxiques » ou quelque chose de similaire
↑« Jusque dans les années 1980, il y avait peu de femmes photographes à succès [au Japon] ». Anne Wilkes Tucker(en), Introduction, Tucker et al., p. 12. Tucker mentionne ensuite et fait allusion à plusieurs d'entre elles qui ont précédé Tokiwa.
↑Ce n'est pas une erreur; puisqu'il s'agit d'un îlot de deux pages d'écriture horizontale dans un livre dont le texte est par ailleurs vertical, il est paginé à l'envers.
↑Reproduite par exemple dans The evolution of postwar photography d'Iizawa, chez Tucker etc. p. 236.
↑Comme le suggère son inclusion, sans note de qualification, dans le livre Nihon Shashinka Jiten / 328 Outstanding Japanese Photographers.
↑Autre titre problématique. Les trois éléments apparaissent sur la couverture, la page de titre et le colophon mais la question de savoir de quelle façon ils doivent se succéder n'est pas claire. Dans cette liste, ils suivent l'ordre de l'achevé d'imprimer.
↑ abcdefg et hTomoe Moriyama (森山朋絵?), Tokiwa Toyoko, Nihon Shashinka Jiten (日本写真家事典?) / 328 Outstanding Japanese Photographers (Kyoto: Tankōsha, 2000; (ISBN4-473-01750-8)), p. 221. (ja). En dépit du titre alternatif en anglais, l'ensemble du texte est en anglais.
↑ abc et dEntretien avec Tokiwa, Nakahō Nyūsu (中法ニュース?) no 5435 (mars 2004), Yokohama Naka Hōjinkai. (ja) consulté le 9 janvier 2011.
↑ abc et dNoriko Tsutatani (蔦谷典子?), "Tokiwa Toyoko", in Kōtarō Iizawa, ed., Nihon no Shashinka 101 (日本の写真家101?); Tokyo: Shinshokan, 2008; (ISBN978-4-403-25095-8)), pp. 92, 93 .
↑Nihon no shashinka: Kindai shashinshi o irodotta hito to denki, sakuhinshū mokuroku (日本の写真家 近代写真史を彩った人と伝記・作品集目録?) / Biographic Dictionary of Japanese Photography (Tokyo: Nichigai Associates, 2005; (ISBN4-8169-1948-1)), p. 105. (ja) Uniquement en japonais en dépit du titre en anglais.
↑Page about the Association, Kanagawa Pioneer Station, Kanagawa Prefectural Government. (ja) consulté le 9 janvier 2011.
↑Iizawa, The evolution of postwar photography, in Tucker et al., p. 217.
↑La rencontre, Nihon Shashinka Kyōkai sōritsu 60-shūnen kinen shashinten Onna: Tachidomaranai josei-tachi (日本写真家協会創立60周年記念写真展「おんな――立ち止まらない女性たち」?), est décrite ici et ici sur le site de la Société des photographes professionnels du Japon, consulté le 9 janvier 2011.
↑Yokohama zaijū no shashinka Tokiwa Toyoko san (横浜在住の写真家・常盤とよ子さん?), Mainichi Shimbun-Kanagawa, 24 November 2010. (ja) disponible ici sur le site Asakura Dezain Kōbō (朝倉デザイン工房?). Consulté le 9 janvier 2011.
↑Philbert Ono, PhotoHistory 1998, Photoguide.jp. (en) consulté le 9 janvier 2011.
↑Iizawa, The evolution of postwar photography, in Tucker et al., pp. 236, 337.
↑Norihiko Matsumoto (松本徳彦?), ed., Nihon no Bijutsukan to Shashin Korekushon (日本の美術館と写真コレクション?), Japan's art galleries and photography collections; Kyoto : Tankōsha, 2002; (ISBN4-473-01894-6), p. 163;(ja)