Tour du silence

Tour du silence près de Yazd.

Une tour du silence ou dakhmâ (de dakhmag)[1] est une structure circulaire surélevée utilisée pour les rites funéraires des zoroastriens. Elle permet au corps du défunt de ne pas se décomposer à même le sol, mais d'entrer en putréfaction en hauteur. Parfois voué à être en partie décharné par des animaux, les restes osseux sont prélevés une fois les chairs décomposées.

Le rite funéraire

Dakhma à Yazd.

Durant l'Antiquité, les Perses croyaient en un dieu suprême et immatériel : Ahura Mazda. Au-dessous de lui, Ormazd (le Bien, la lumière et la Vie) et Ahriman (le Mal, les ténèbres et la Mort) se disputent les hommes. Lorsqu'un homme meurt, son âme est immortelle et trois jours après sa mort, elle est emportée par le vent au lieu du jugement, sur le pont de Chinvat. Les actes du défunt sont pesés dans la balance de trois juges. Absoute, l'âme gagne la lumière et le bonheur éternel ; condamnée, elle tombe dans le gouffre des ténèbres et de la douleur ; si le bien et le mal s'équilibrent, l'âme reste dans la demeure des poids égaux. Les cadavres étaient considérés par les Perses comme des objets impurs qu'on ne pouvait mettre en terre, jeter au feu ou à l'eau sans souiller un de ces trois éléments. Seul le cadavre du roi était divin et avait donc droit à un tombeau.

Les autres corps étaient enduits de cire avant d'être enterrés ou, le plus souvent, étaient exposés dans de larges tours ouvertes, les tours du silence, pour y être dévorés par les oiseaux de proie (ce qu'on désigne comme des « funérailles célestes »). Quand il ne reste plus que les os, ceux-ci sont alors rassemblés et déposés dans un ossuaire central.

Les zoroastriens, selon les dernières hypothèses, pratiquaient ce rite de l'exposition du cadavre en lieu et place de tout autre procédé, car ils considéraient la chair, au contraire de la terre et du feu, comme impure, et par conséquent, on assurait à l'âme du défunt son intégrité, en abandonnant le corps de cette manière[1].

Les tours du silence de nos jours

Tour du silence Pârsî, Bombay (photographie, avant 1907)[2].
Une tour du silence à Bombay (gravure, avant 1886)[3].

Le zoroastrisme est encore pratiqué en Inde par les Parsis qui ont, notamment à Bombay, mais aussi à Bangalore, leurs tours du silence. La pratique est rendue difficile par la quasi-disparition des oiseaux de proie en Inde[4],[5],[6],[7],[8].

On retrouve également des vestiges de ces tours à Yazd en Iran et à Nukus en Ouzbékistan.

En 1979, avec la victoire des religieux chiites, et la proclamation de la République islamique en Iran, les zoroastriens ont dû changer certaines coutumes et aspects de leurs mœurs, et traditions, comme les pratiques funéraires. Les musulmans chiites iraniens étaient attachés à l'inhumation et au respect de l'intégrité du corps humain, et même s'ils la connaissaient depuis des siècles, ils comprenaient mal la pratique des zoroastriens, qu'ils jugeaient « barbare » et indigne pour les défunts. Depuis, les zoroastriens inhument leurs défunts ou pratiquent la crémation, qui est acceptée.

Bibliographie

  • Joseph Secher, L'Orient et la Grèce, collection d'Histoire Paul Vial, Paris : J. De Gigord, 1967
  • Jean-Marie Lamblard, Le Vautour, mythes et réalités, Paris : Imago, 2001
  • Éloi Crubbecq, La Grande Arche Cosmique, ou l'enseignement révélé des derniers maîtres du zoroastrisme, Bruxelles, 1957 (" « Pénitence ! Pénitence !! » criaient les misérables fidèles effrayés, alors que résonnaient sourdement ces mélopées lascives qui étreignaient les consciences et broyaient les volontés…")

Notes et références

  1. a et b Pierre-Yves Balut, « Tour du silence », in: Philippe Di Folco (dir.), Dictionnaire de la mort, Larousse, 2010, pp. 1039-1040.
  2. Frederic Courtland Penfield, East of Suez - Ceylon, India, China and Japan, New York, The Century Co., février 1907.
  3. Cornelius Brown, True Stories of the Reign of Queen Victoria, Londres, Griffith Farran Browne & Co., 1886.
  4. (en) Divya Gandhi. Standing tall against odds, The Hindu, 25 février 2009.
  5. David Kelly, « L'extinction des vautours bouscule les rites funéraires parsis », sur persee.fr, (consulté le )
  6. (en) Jesús A. Lemus, Guillermo Blanco, « Cellular and humoral immunodepression in vultures feeding upon medicated livestock carrion », (consulté le )
  7. (en) « Peregrine Fund study shows that the ban on toxic veterinary drug diclofenac is effective in addressing Asian vulture crisis », (consulté le )
  8. Philippe Charlier, « La mort chez les Parsis de Bombay. Impureté et transcendance », sur persee.fr, (consulté le )

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