Sara la noire
Sara la noire (Sara e Kali en langue romani) est une sainte vénérée par la communauté des Gitans aux Saintes-Maries-de-la-Mer en Camargue. Une légende fait d'elle la servante des Maries honorées en Provence. Une autre légende la tient pour une païenne de haute naissance, convertie à la religion chrétienne. Dans la tradition chrétienneSara viendrait de Haute-Égypte épouse répudiée du roi Hérode[Lequel ?] et serait la servante noire de Marie Salomé et Marie Jacobé ; après la Crucifixion de Jésus, à la mort de Marie, Marie-Salomé, Marie Jacobé et Marie Madeleine auraient dérivé sur une barque vers la côte provençale, au lieu-dit Oppidum-Râ, ou Notre-Dame-de-Ratis (Râ devenant Ratis, ou barque) (Droit, 1961, 19); le nom passant à Notre-Dame-de-la-Mer, puis aux Saintes-Maries-de-la-Mer en 1838. D'autres versions de la légende incluent Joseph d'Arimathie (qui serait le porteur du saint Graal selon d'autres légendes ultérieures). En France, le jour officiel de leur pèlerinage est le 25 mai[1]. Le film de Tony Gatlif, Latcho Drom (1993) montre cette procession annuelle, ainsi que le film de Louis Mouchet Le Chant des Rroms qui établit également la filiation avec Kali. Histoire du culteBien que la tradition des Maries soit assez ancienne, elle apparaît dans la Légende dorée du XIIIe siècle, Sarah - Sara chez les gitans n'a pas de h selon les propos recueillis par Rolf Kesselring - n'apparaît pas avant 1521 dans La Légende des Saintes-Maries de Vincent Philippon. Au début du XVIIIe siècle, Jean de Labrune écrit :
Son culte n'a laissé aucune trace avant 1800. De tradition provençale, il reprend les rites de celui des « saintes Maries de la mer », dont elle est la servante selon la tradition hagiographique. Fernand Benoit, qui fut le premier historien à décrypter ce folklore, souligne que comme pour Marie Jacobé, Marie Salomé et Marie Magdeleine, c'est une procession à la mer que font les Bohémiens depuis 1936. Elle précède d'un jour celle des Maries, et la statue de Sara la noire est immergée jusqu'à mi-corps[3]. En Camargue, l'immersion rituelle dans la mer obéit à une tradition séculaire. Déjà au XVIIe siècle, en souvenir de la légende de la Madelaine qui explique que la barque aborda sur ces rivages, les Camarguaises et Camarguais se rendaient à travers les bois et les vignes, sur la plage, alors éloignée de plusieurs kilomètres de l'église des Saintes, et se prosternaient à genoux dans la mer[3].
— Fernand Benoit, La Provence et le Comtat Venaissin, Arts et traditions populaires[4] . Et l'historien de souligner que ces processions à la mer participent au caractère même de la civilisation provençale et à sa crainte respectueuse de la Méditerranée puisqu'elles se retrouvent tant aux Saintes-Maries-de-la-Mer, qu'à Fréjus, Monaco, Saint-Tropez ou Collioure, liées à d'autres saints ou saintes[5]. Les influencesKâlîSara-la-Kali (Sara la noire) pourrait rappeler selon certains la déesse indienne Kâlî (Bhadrakali, Uma, Durga, et Syama)[6]. Cette appellation concorde avec l'hypothèse de la provenance indienne des Roms vers le IXe siècle. Elle serait alors une manifestation syncrétique et christianisée de Kali. Mais sachant que les Roms viendraient d'Inde et que kali veut simplement dire "noir", ce lien pourrait n'être qu'une invention postérieure de ceux qui tendent au syncrétisme. Durga, autre nom de Kali, déesse de la création, de la maladie et de la mort, pourvue d'un visage noir, est aussi immergée dans l'eau tous les ans en Inde (Weyrauch, 2001, 262). Cela dit, la hiérarchie catholique romaine et les fidèles ne tombent pas dans ce syncrétisme car Sarah est une personne bien réelle, une sainte, et non une idole. C'est pourquoi le pèlerinage des Saintes-Maries-de-la-Mer reste dans le giron officiel du christianisme.
— Régis Blanchet, Un peuple-mémoire les Roms[7] Cette origine hindoue de Sainte Sara se confirmerait pour certains dans le fait que la statue n'est pas exposée dans une église mais dans la crypte. Selon les Roms, la sainte vient d'un temps où les églises n'existaient pas[7]. Même si les habits de Sainte Sara sont différents de ceux de Kâlî (la Déesse est nue, « vêtue » de sa longue chevelure), sa face noire, quant à elle, la relierait à la représentation de la Déesse hindoue ; mais cela pourrait tout simplement être du au teint naturel de la sainte. Lors du culte à « Sara-la-noire », on vient d'abord illuminer des bougies, et l'on porte un baiser respectueux sur un pied ou le bas de la robe de la statue, en signe de vénération (et non d'adoration qui est réservée à Dieu seul dans la foi chrétienne). L'après-midi, vers quatre heures, la sainte est portée sur les épaules des hommes qui se dirigent vers la mer où elle sera immergée. La sainte Sara-la-noire des Roms est la sainte patronne protectrice de leur peuple. Mais ceux qui ont une vision syncrétiste font le lien avec Kâlî, déesse dont le rôle est d'écouter et d'entendre les prières de ses dévots et de les accompagner dans toutes leurs vicissitudes en leur offrant une protection « magique » (Mâyâ) ou divine[7] ; cela correspond à la mythologie hindoue :
— Régis Blanchet, Un peuple-mémoire les Roms[7]. Cette Kâlî est une des facettes majeures de la Mâyâ primordiale (« Magie, illusion cosmique »), véritable substrat de l'univers dans son ensemble[8]. Ses attributs, lui permettant de vaincre tous les ennemis du Bien, en ont fait la Déesse privilégiée des Kshatriyas, et par voie de conséquence des Jats, des Chauhan et des Rajputs dont une des branches disloquées par les envahisseurs islamiques formera un des plus importants contingents roms en partance vers l'ouest, leur servitude abolie dans l'Empire musulman[8]. Les dieux et déesses hindous sont multiformes et aux noms infinis, et chaque entité primordiale peut engendrer une série de dieux et de déesses secondaires qui ne sont rien d'autre que des hypostases en fonction qui changent de place dans la hiérarchie cosmique selon leurs œuvres et leurs dévots (d'où le fait que les divinités hindoues n'ont généralement pas d'enfants)[8]. Ainsi, pour éliminer deux démons puissants, Canda et Munda, la Yakshini Ambikâ fait apparaître Kâlî :
— Devi Mahatmya (Sri Durgâ-Saptsati). La signification métaphysique de cette mythologie est que l'Esprit primordial est féminin dans l'hindouisme ; c'est la Mâyâ originelle et vénérée, Génitrice de tout l'univers :
— Mârkandéya Purâna (मार्कण्डेय पुराण). Le commentaire de ce passage, par W. R. Rishi, dans son ouvrage Roma[9], est le suivant :
Voici un chant de la Déesse Kâlî qui précise sa fonction divine :
Et contrairement à des préjugés sur la déesse Kâlî, cette Déesse, malgré son aspect effectivement terrifiant (qui est celui du Temps et de la puissance divine contre les démons), est une des Déesses hindoues considérée comme la plus maternelle et la plus compatissante ; les hindous connaisseurs de sa mythologie et des autres traditions sacrées savent que la déesse Kâlî enseigne à vivre selon l'Ahimsâ, à être végétarien, et à être compatissant envers toutes les créatures[10]. La vierge noireSara la noire rappelle aussi le culte de la Vierge noire, avec qui elle est parfois confondue. D'après Franz de Ville (Tziganes, Bruxelles 1956), Sara était rom :
D'après la tradition, le bateau transportait Marie Salomé, femme de Zébédée et mère de Jean et Jacques le Majeur; Marie Jacobé, femme de Clopas, mère de l'apôtre Jacques le Mineur, et possible cousine de la Vierge Marie; Marie Madeleine; Sainte Sara; Lazare; Marthe, sœur de Lazare; Maximin. Notes et références
Bibliographie
Voir aussiArticles connexesLiens externes |