Fils rebelle d'une famille de riches industriels catalans, Santiago Rusiñol est d'abord contraint d'intégrer la fabrique de tissus de son grand-père à Manlleu[1], mais il s'intéresse déjà à la peinture et suit les cours de Tomàs Moragas(en). La mort de son père en 1883, puis celle du patriarche en 1887, le libèrent de ses obligations familiales : il abandonne son poste, sa femme et sa fille[1], organise sans grand succès une première exposition personnelle à la Sala Parés(es) de Barcelone, puis décide de partir pour Paris. Installé à Montmartre, au moulin de la Galette, il s'inscrit à l'Académie de la Palette et se joint à la bohème : il fréquente le cabaret du Chat noir, retrouve les Catalans Miquel Utrillo, Ramon Casas et Carles Mani, se lie bientôt au Basque Ignacio Zuloaga[2]. Il reçoit une mention honorifique au Salon de 1889.
Ayant trouvé son thème de prédilection, il triomphe avec l'exposition « Jardins d'Espagne »[5], en 1899 à Paris à la Maison de l'Art nouveau, et en 1900 à Barcelone à la Sala Parés. Il est hospitalisé cette même année, pour sa dépendance à la morphine — sujet d'un fameux tableau — ainsi qu'une nécrose rénale. Il obtient le premier prix aux Expositions nationales de 1908 (Jardin d'Aranjuez), 1912 (Vieux faune) et 1929 (Amandiers en fleurs)[1].
Artiste complet, il est également romancier, chroniqueur et auteur dramatique en catalan : son texte le plus célèbre est L'auca del senyor Esteve(ca) (1907, adapté au théâtre en 1917).
Rusiñol a été le sujet principal d'un billet de 50 pesetas daté du .
Œuvre picturale
Sa première période consiste en des scènes intimistes, le plus souvent à Montmartre, dans une gamme un peu brumeuse où dominent les gris[2]. Il peint également des scènes costumbristes en Catalogne[5], et — influencé par ses professeurs Puvis de Chavannes et Carrière[2] — une série de tableaux symbolistes : Le Mystique, L'Angélus, Nuit de veille… Il conservera toute sa vie un goût prononcé pour le mystère et la mélancolie[1].
C'est lors d'un voyage à Grenade en 1892 qu'il a la révélation de sa voix personnelle, définitive à partir de l'exposition de 1899 : la peinture de solitaires jardins d'Espagne, du Generalife à Aranjuez, sans oublier ceux des Pays catalans (Catalogne, Valence, Baléares). Il y exclut définitivement la figure humaine et y donne une image nouvelle de son pays, poétique et loin des clichés. Ses paysages évocateurs et rigoureusement composés sont des univers clos, empires de l'équilibre et de la symétrie[1] ; la nature y est ordonnée, soumise à la volonté de l'homme, jusqu'à frôler cette étrangeté chère aux symbolistes. On a parfois taxé Rusiñol de décadentisme.
Carlos Serrano, Marie-Claire Zimmermann, Centre d'études catalanes, Santiago Rusiñol et son temps : Actes du colloque international, 14-, Éd. hispaniques,, 1994.