La famille des Robertiens est une famille de la noblesse franque qui tire son nom du prénom Robert que portèrent un grand nombre de ses membres[Note 1]. La puissance des Robertiens, fortement implantés en Neustrie, s'explique moins par « leur carrière royale intermittente » que par leur « capacité à renoncer au trône pour affermir leur position »[1] dans le royaume et le diriger de fait. Trois membres de la famille accédèrent au trône : Eudes en 888, son frère Robert Ier en 922 et le petit-fils de ce dernier, Hugues Capet en 987. Les descendants de ce dernier sont nommés Capétiens et régnèrent sur la France sans interruption de 987 à 1792 (805 ans) puis de 1815 à 1848 (33 ans). Ainsi, de 888 à 1848, soit pendant environ 960 ans, les Capétiens issus des Robertiens ont joué un rôle politique de premier plan en France[Note 2].
Histoire et généalogie des Robertiens
Informations historiques et généalogiques hypothétiques.
Certaines informations historiques et généalogiques contenues dans cet article sont hypothétiques, à cause de la rareté des documents relatifs à cette époque. D'autre part, les connaissances et les hypothèses sur la noblesse du haut Moyen Âge évoluent relativement rapidement et le contenu de cet article peut se trouver dépassé par de nouvelles découvertes.
L'origine de la famille est longtemps restée méconnue et diverses conjectures ont pu être formulées. Ainsi, une théorie (abandonnée depuis) voyait en Robert le Fort un descendant agnatique de Childebrand. Une autre théorie passe par Charibert de Hesbaye, ancêtre des robertiens inventé par le Europäische Stammtafeln comme hypothétique fils du mérovingienCaribert Ier, roi des Francs de Paris. Au XXe siècle, les travaux de trois historiens[2],[3],[4] ont permis de dégager un certain nombre d'hypothèses et de quasi-certitudes sur l'histoire et la généalogie des Robertiens. Selon eux les ancêtres des Capétiens formeraient un groupe familial comprenant en son sein des serviteurs des derniers Mérovingiens[5] en Neustrie comme Robert, référendaire de Dagobert Ier puis de proches des premiers Carolingiens[5] en Austrasie comme Robert Ier comte de Hesbaye et de Worms mort en 764. Le tableau synoptique ci-dessous rend compte des hypothèses, quasi-certitudes et certitudes relatives à la lignée des Robertiens.
Peut-être Folchaide, mariée à Théodon II, duc agilolfinge de Bavière († 716).
On connaît plusieurs autres robertiens qui pourraient être fils de Hervé, comte de Hesbaye[6] ou de Robert, comte palatin de Clotaire III[7] :
Hervé, comte de Laon, qui suit,
Lambert, comte de Hesbaye et probable ancêtre direct des Capétiens[7], qui suivra,
saint Robert, évêque de Worms et de Salzbourg en 715, évangélisateur de la Bavière, et hôte privilégié de Théodon II, duc de Bavière, et de Folchaide[8],
Roger, duc du Mans, qui suivra.
Les comtes de Laon (hypothèse)
Hervé ou Chariveus est cité comme comte de Laon entre 680 et 692. Il meurt entre cette seconde date et 696. Selon les toutes dernières hypothèses, il aurait épousé Irmina, une fille d'Hugobert et aurait eu trois enfants :
Rolande, mariée à Guy, abbé de Fontenelle, et ancêtre des Widonides
Théodrade, mariée à Heden de Thuringe et mère d'Irmina, abbesse de Wurzbourg en 751
Les comtes du Mans et les maisons du Maine (hypothèse)
Roger apparaît comme comte du Mans en 710. À la mort d'Herlemond, évêque du Mans, en 724, Roger profite de la vacance du siège épiscopal pour administrer les domaines épiscopaux. Il a eu trois enfants :
Hervé, comte du Mans à la suite de son père
Gauziolène, évêque du Mans, et y mena une vie de grand seigneur
Robert Ier (Rodbertus, Ruodbertus, Rotpertus, Erodbert) comte de Hesbaye en 715, comte de Worms et d'Oberheingau vers 750, missus en Italie en 741, 757, 758, et comte palatin en 741/42, mort avant 764, qui suit.
Robert Ier (vers 700-avant 764) épousa vers 730 Williswinthe, fille du comte Adalelm. Il était l'un des fidèles les plus proches de Charles Martel[3]. Son intervention comme missus royal avec l'abbé Fulrad de Saint-Denis est attestée au début de l'année 757 dans les négociations entre le pape Étienne (752-757) et le duc Désiré prétendant à la couronne lombarde. Il eut pour enfants[Note 4] :
Cancor, comte, fondateur du monastère de Lorsch (Hesse, Allemagne) et ancêtre de la famille des Popponides (ou Popponiens)[11],[7],
Thurimbert (né vers 740, mort après 770), comte de Hesbaye, père de Robert II, qui suit.
Robert II (vers 770-807), comte de Hesbaye et de Worms, marié à Théodorade, fut le père de Robert III, comte de Hesbaye et de Worms, qui suit.
Lors des luttes de pouvoir entre les fils de Louis Ier le Pieux, les fils de Robert III de Hesbaye prirent parti pour Charles II le Chauve. Face aux représailles de Lothaire Ier, ils durent quitter leurs domaines rhénans et se réfugier en Francie occidentale, où Charles II le Chauve leur donna des fiefs[12],[8].
Les comtes de Troyes (hypothèse)
On a longtemps cru que ces comtes de Troyes étaient issus de Guillaume, frère d'Eudes d'Orléans, mais des recherches récentes ont remis cette filiation en question.
Eudes Ier († 871), comte de Troyes (853-858), marié à Wandilmodis, fille d'Aleran, comte de Troyes, et père de :
Les marquis de Neustrie et ducs des Francs (certitudes)
Dès 852, Robert le Fort est abbé laïc de Marmoutier, puis en 853 comte de Tours, de Blois et d'Anjou. En 858, Charles II le Chauve ayant donné le Maine à son fils Louis II le Bègue (Louis II de France), il se révolte, et ne se soumet qu'en 861, recevant en échange le marquisat de Neustrie. Il est tué en 866 en luttant contre les Vikings, lors de la bataille de Brissarthe. Ses deux fils Eudes et Robert étant trop jeunes pour lui succéder, tous ses honneurs furent confiés à un parent de sa femme, Hugues l'Abbé. Eudes, devenu adulte, ne put obtenir l'héritage paternel avant la mort d'Hugues l'Abbé et le comté de Paris lui fut confié en attendant. Il y fit la preuve de sa vaillance, en repoussant une attaque viking et devint marquis de Neustrie. À la mort de Charles le Gros, l'héritier carolingien, Charles III de France, n'était encore qu'un enfant et Eudes fut élu roi des Francs, confiant ses honneurs à son frère Robert. À la mort d'Eudes, Charles le Simple fut élu roi des Francs, et Robert fut le second personnage du royaume. Il se révolta en 920 et se proclama roi des Francs, mais mourut peu après.
Son héritier Hugues le Grand, n'ayant pas de fils ou de frère apte à recevoir ses charges, déclina la couronne, la laissant à son beau-frère Raoul de Bourgogne, roi de 923 à 936, puis au fils de Charles le Simple, Louis IV d'Outremer (Louis IV de France). Outre l'accession de deux de ses membres au trône, la montée en puissance de la lignée robertienne se traduisit par l'obtention du titre de duc des Francs par Hugues le Grand, père d'Hugues Capet[Note 5]. Hugues le Grand mourut en 956, deux ans après Louis IV, tous deux laissant des fils mineurs et dont le tuteur fut leur oncle Brunon, archevêque de Cologne et frère d'Otton Ier.
Hugues Capet, le fils d'Hugues le Grand, fut comme son père le second personnage du royaume avec le titre de duc des Francs. À la mort du carolingien Louis V le Fainéant (Louis V de France), en 987, il fut élu roi des Francs. Ses descendants furent les Capétiens.
Durant leur ascension, les Robertiens tentent de s'étendre dans le Poitou et la Bourgogne. Ils perdent la Normandie, donnée aux Vikings par le traité de Saint-Clair-sur-Epte, échouent au Poitou, mais deux frères d'Hugues Capet réussissent à se maintenir en Bourgogne[15].
Les comtes de Laon et la maison de Vexin (hypothèse)
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Parentés entre les Robertiens, les Carolingiens et les Ottoniens
Les liens généalogique entre les Robertiens, les Carolingiens et les Ottoniens sont nombreux et témoignent de l'importance et du prestige des premiers bien avant leur accession au trône franc. L'arbre généalogique ci-dessous présente les parentés entre ces trois familles.
Il y a de nombreux autres liens de parentés entre les dynasties carolingiennes et capétiennes, certaines attestées, d'autres possibles. On peut citer :
↑Le prénom Robert se retrouve quasiment à chaque génération chez les Robertiens puis chez les Capétiens directs. Philippe III le Hardi fut le dernier roi capétien à attribuer le prénom Robert à l'un de ses fils. Les Bourbons qui descendent de Robert de Clermont, fils de Saint Louis, utilisèrent de nouveau ce prénom au XIXe siècle avec Robert d'Orléans, duc de Chartres et Robert Ier, duc de Parme.
↑Si sont pris en compte tous les nombreux États d'Europe (France, Espagne, Hongrie, etc.) sur lesquels ont régné les Capétiens, on peut considérer que les descendants des Robertiens ont exercé sur une grande partie du continent un rôle politique majeur pendant plus de onze siècles.
↑Le tome 2 de La préhistoire des Capétiens de Christian Settipani devrait apporter des précisions.
↑Christian Bonnet, Christine Descatoire, Les Carolingiens (741-987), Armand Colin, 2001, p. 91
↑Karl Glöckner, Lorsch und Lothringen. Robertiner und Capetinger - Zeitschrift für die Geschichte des Oberrheins, Karlsruhe, 1936, t.50, p. 301-354.
↑ a et bKarl Ferdinand Werner, Les premiers Robertiens et les premiers Anjou (IXe – Xe siècle), in : Mémoires de la Société des Antiquaires de l’Ouest, 1997.
↑Christian Settipani, La préhistoire des Capétiens (481-987), éd. Patrick Van Kerrebrouck, 1993, p. 399.
↑ abc et dHervé Pinoteau, La symbolique royale française, Ve – XVIIIe siècles, P.S.R. éditions, 2004, p. 43.
↑Christian Settipani, Les Ancêtres de Charlemagne, 2e édition revue et corrigée, éd. P & G, Prosopographia et Genealogica, 2015, p. 103.
↑ ab et cHervé Pinoteau, La symbolique royale française, Ve – XVIIIe siècles, P.S.R. éditions, 2004, p. 45.
↑ a et bÉdouard de Saint-Phalle, « Comtes de Troyes et de Poitiers au IXe siècle : histoire d’un double échec » dans Onomastique et Parenté dans l'Occident médiéval, Oxford, Linacre College, Unit for Prosopographical Research, coll. « Prosopographica et Genealogica / 3 », , 310 p. (ISBN1-900934-01-9), p. 154-170
Jean-Pierre Brunterc'h, « Naissance et affirmation des principautés au temps du roi Eudes : l'exemple de l'Aquitaine », dans Olivier Guillot (dir.) et Robert Favreau (dir.), Pays de Loire et Aquitaine de Robert le Fort aux premiers Capétiens : actes du colloque scientifique international tenu à Angers en septembre 1997, Poitiers, Société des antiquaires de l'Ouest, coll. « Mémoires de la Société des antiquaires de l'Ouest et des musées de Poitiers / 5e » (no 4), , 266 p. (présentation en ligne), [présentation en ligne], p. 69-116.
Édouard Favre, Annales de l'histoire de France à l'époque carolingienne : Eudes, comte de Paris et roi de France (882-898), Paris, Émile Bouillon éditeur, , XXV-284 p. (lire en ligne).
Stéphane Lecouteux, « Le contexte de rédaction des Annales de Flodoard de Reims (919-966) : Partie 1 : une relecture critique du début des Annales à la lumière de travaux récents », Le Moyen Âge, De Boeck, t. 116, no 1, , p. 51-121 (lire en ligne).
Stéphane Lecouteux, « Le contexte de rédaction des Annales de Flodoard de Reims (919-966) : Partie 2 : présentation des résultats de la relecture critique du début des Annales », Le Moyen Âge, De Boeck, t. 116, no 2, , p. 283-318 (lire en ligne).
Hélène Noizet, « L'ascension du lignage robertien : du val de Loire à la Francie », Annuaire-Bulletin de la société de l’histoire de France, Paris, , p. 19-35 (ISBN978-2-35407-101-1, lire en ligne).
Christian Settipani, La Préhistoire des Capétiens (481-987). Première partie : Mérovingiens, Carolingiens et Robertiens, Nouvelle histoire généalogique de l'auguste maison de France, vol. 1, Patrick van Kerrebrouck (éd.), Villeneuve d'Ascq, 1993 (ISBN2-9501509-3-4)