Résolution 3379 de l'Assemblée générale des Nations unies Assemblée générale
des Nations unies Résolution 3379
La résolution 3379 de l'Assemblée générale des Nations unies, titrée Élimination de toutes les formes de discrimination raciale, est une déclaration considérant et déterminant que « le sionisme est une forme de racisme et de discrimination raciale ». Cette résolution est adoptée le 10 novembre 1975 par un vote de 72 contre 35 et 32 abstentions. Elle est révoquée le 16 décembre 1991 par la même Assemblée générale des Nations unies. ContexteDe précédentes résolutions de l'Assemblée générale des Nations Unies et autres déclarations d'autres acteurs poussées par l'arrière-plan politique de l'époque mènent à l'adoption de la résolution 3379 qui va condamner officiellement l'idéologie nationale de l'État d'Israël, en plaçant également ce pays sur un pied d'égalité avec l'Afrique du Sud et la Rhodésie. Déclaration 1904 de 1963La (en) Déclaration sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, adoptée à l'Assemblée générale des Nations Unies le 10 novembre 1963 (non contraignante), est un précurseur important de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, juridiquement contraignante. Charte de 1964Dans le document fondateur de l'Organisation de Libération de la Palestine (OLP), la Charte nationale palestinienne de 1964 (mise à jour quatre ans plus tard), il est écrit que :
Appel de 1973Le 10 novembre 1973, l’Assemblée générale de l’ONU a appelé à la « Décennie contre le racisme ». La cible principale était le régime de l'apartheid en Afrique du Sud. Résolution 3151 de 1973En décembre 1973, l'Assemblée générale des Nations Unies a adopté la résolution 3151, qui liait le sionisme au racisme et à l'apartheid[1]. Cette résolution qui traitait de la situation en Afrique du Sud déclarait qu'il y avait « une conspiration entre le colonialisme portugais, le racisme sud-africain, le sionisme et l'impérialisme israélien »[2]. Dans le contexte de la Guerre froide, la proposition était dirigée par les Britanniques. Les Soviétiques et les pays de la Ligue arabe mais également de nombreux pays ont voté en sa faveur par opposition au régime d'apartheid en Afrique du Sud de l'époque[1]. Résolutions 3236 et 3237 de 1974En 1974, l'Assemblée générale des Nations Unies[3] adopte les résolutions 3236 et 3237[4] : la première reconnaissait la « question de Palestine » et invitait l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) à participer à la diplomatie internationale ; la seconde désignait l'OLP comme observateur non membre de l'Assemblée, à la suite du « discours du Rameau d'olivier » du dirigeant politique palestinien Yasser Arafat à l'ONU. Événements de 1975Conférence à MexicoLors de la première « Conférence mondiale des femmes » organisée sous les auspices des Nations Unies et tenue à Mexico en juin 1975, des représentants de 133 pays et environ 4 000 représentants d'organisations non gouvernementales (ONG), dont des représentants israéliens et palestiniens, avait pour but de formuler des recommandations sur le thème de l'avancement de la condition de la femme dans le monde pour les soumettre à l'approbation de l'Assemblée générale. La déclaration finale de la conférence lors de l'année internationale des femmes a constaté que « Les femmes du monde entier... partagent l'expérience douloureuse de l'inégalité de traitement » et sont donc « des alliés naturels dans la lutte contre toutes les formes de discrimination, manifestées par le colonialisme, le néocolonialisme, le sionisme, la discrimination raciale et l'apartheid ». Elle souligne en outre le « rôle historique des femmes » dans l'élimination de ces formes d'oppression[1]. Déclarations et condamnations à KampalaEn juillet 1975, « l'Organisation de l'unité africaine présidée par le dirigeant Idi Amin Dada s'est réunie à Kampala (Ouganda) et une décision a été prise appelant les pays du monde à participer aux efforts visant à suspendre Israël de toutes les institutions de l'ONU[5]. Elle précise qu'« Israël est un danger pour la paix mondiale » en raison de sa « nature raciste-agressive »[1]. Conférence à LimaLa cinquième conférence des pays non alignés sur la question de la Palestine et du Moyen-Orient, se tient à Lima (Pérou), en août 1975[1]. Parmi ses résolutions, la conférence « appelle tous les pays à soutenir le peuple palestinien par tous les moyens dans sa lutte contre le sionisme et le colonialisme raciste pour récupérer ses droits nationaux complets »[6]. Appels à l'effacementLe 1er octobre, le président de l'Ouganda et de l'Organisation de l'unité africaine, Idi Amin Dada, a appelé les États-Unis non seulement à agir pour retirer Israël de toutes les instances de l'ONU mais encore de l'éliminer, afin de « garantir les droits des peuples palestiniens »[1]. MotionsLe 2 octobre 1975, les représentants de Cuba, du Yémen du Sud, de la Libye et de la Syrie ont présenté une motion commune (A/C. 3/L.2157) à l'Assemblée générale de l'ONU, selon laquelle le sionisme devrait également être condamné dans toutes les résolutions de l'ONU contre le racisme, à l'instar de l'Afrique du Sud. La proposition a été retirée après une forte opposition. Quelques jours plus tard, le 16 octobre, la Somalie, soutenue par 19 États arabes, deux États d'Afrique de l'Ouest (Dahomey et Guinée), l'Afghanistan, Cuba et la RSS d'Ukraine, a présenté un nouveau projet de résolution (A/C. 3/6.2159) traitant exclusivement du sionisme. Avant le voteAvant le vote de la résolution 3379 à l'Assemblée générale des Nations Unies[3], l'ambassadeur des États-Unis auprès des Nations Unies, Daniel Patrick Moynihan, avertit que « les Nations Unies sont sur le point de faire de l'antisémitisme une loi internationale »[7]. Il prononce alors un discours contre la résolution, dans lequel il déclare notamment : « [Les États-Unis] ne reconnaissent pas, ne se conformeront pas, n'acquiesceront jamais à cet acte infâme... Un grand mal a été déchaîné sur le monde »[8]. Après que le projet de résolution eut été adopté par le comité préparatoire et que les tentatives de reporter le vote eurent échoué, la résolution 3379 a été soumise à l'Assemblée générale des Nations Unies pour un vote le 10 novembre 1975, sous le parrainage de la Ligue arabe et d'un certain nombre de pays à majorité musulmane, et avec un soutien principal par les votes favorables des pays du Seconde monde (bloc de l'Est) et de nombreux pays africains[9]. TexteLe texte de la résolution 3379 de 1975[10],[3] mentionne un certain nombre de conférences internationales qui ont eu lieu entre 1963 et 1975 (voir supra), au cours desquelles il était affirmé que l'État d'Israël était raciste, qu'il opprimait les femmes et constituait un danger pour la paix mondiale « en raison de sa nature raciste et agressive ». Il se déploie ainsi :
Résultats du vote de la résolution 3379La résolution 3379 est adoptée avec 72 voix pour, 35 contre et 32 abstentions. Voir les débats et explications de vote sur (en) « Enregistrement officiel de la session du 10 novembre 1975 ».
Répartition
RéactionsAprès son adoption par l'Assemblée générale des Nations Unies[3], la résolution 3379 de 1975 est fréquemment réduite en une formule radicale : « sionisme = racisme ». Les réactions d'Israël et dans le monde occidental sont extrêmement négatives. Israël (membre de l'ONU depuis 1949[12]), qui a voté contre la résolution 3379, la condamne sur le champ ; il est principalement soutenu par les pays du Premier Monde (pays démocratiques et libéralistes). L'ambassadeur d'Israël auprès de l'ONU et futur président du pays, Haïm Herzog, monte à la chaire de l'assemblée onusienne, le jour-même du vote, et y prononce un discours s'inscrivant dans l'histoire de la guerre contre l'antisémitisme[1],[13]. Au dernier instant, il déchire en deux le texte de la résolution. Le lendemain du vote, soit le 11 novembre 1975, le Congrès américain (Sénat et Chambre des représentants) condamne à l'unanimité la résolution comme « contribuant à l'antisémitisme » et se prononce contre la participation des États-Unis à la « Décennie contre le racisme » qui mènerait à de telles résolutions. Le secrétaire d’État américain Henry Kissinger déclare ce même jour à propos de la résolution 3379 que les États-Unis « ignoreraient et n’y prêteraient aucune attention », et que les Nations Unies se feraient du mal si elles continuaient ainsi[9]. Dans la rue israélienne, des manifestations rassemblant des milliers de personnes ont lieu pour protester contre l'adoption par l'ONU de cette résolution 3379 condamnant et dégradant le mouvement sioniste. Lors d'un débat en Allemagne (RFA) au Bundestag, le 27 novembre 1975, le ministre d'État Hans-Jürgen Wischnewski déclare que le gouvernement fédéral allemand a condamné la résolution comme étant incompatible avec la Charte des Nations Unies et ne reposant sur aucune base[14]. Le Premier ministre de la Jamaïque déclare en 1977 qu'il ne considèrait pas le sionisme comme une forme de racisme mais précise-t-il, « si nous avions voté contre la décision (de l'ONU), cela aurait donné l'impression que la Jamaïque soutenait le (régime) de l'apartheid. Je crois que de nombreux représentants se sont abstenus (et ne se sont pas opposés) pour cette raison »[1]. En 1989, le Parlement italien adopte une résolution appelant le gouvernement à exiger l'abrogation de cette décision 3379[15]. L'ancien secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon qualifie la résolution de « décision malheureuse »[1],[16]. Encore le , à l'occasion de l'ouverture de la première conférence des Nations unies sur l'antisémitisme[17], le diplomate Kofi Annan souligne : « Force est de reconnaître que les actions de l'Organisation des Nations unies en matière d'antisémitisme n'ont pas toujours été à la mesure de ses idéaux. Il est déplorable que l'Assemblée générale ait adopté en 1975 une résolution dans laquelle elle assimilait le sionisme au racisme et je me félicite qu'elle soit depuis revenue sur sa position »[18]. ConséquencesEn réponse à la décision de l'ONU assimilant le sionisme au racisme, le « boulevard des Nations Unies » en Israël est définitivement remplacé par le « boulevard du Sionisme » à Jérusalem, Tel-Aviv et Haïfa[19]. Le vote du Mexique en faveur de la résolution conduit certains Juifs des États-Unis à organiser un boycott touristique du Mexique[20]. Il prend fin après le voyage en Israël du ministre mexicain des Affaires étrangères Emilio Óscar Rabasa (lequel est contraint de démissionner, peu après)[21]. Parmi les multiples conséquences engendrées par l'adoption de la résolution 3379 de 1975, l'on peut citer la formule réductrice « sionisme = racisme » qui est reprise dans de nombreuses manifestations à travers le monde. Une tendance au boycott des Juifs commence notamment dans les universités du monde entier. En 1976-1977, huit associations étudiantes en Angleterre reprennent la résolution 3379 de l'ONU et boycottent les activités des étudiants juifs dans les universités. Des universités américaines annulent les cours recommandés par les organisations juives. À l'université de Californie, des étudiants arabes empêchent les Juifs de participer à un programme sur le racisme, arguant que « le sionisme est une forme de racisme ». En 1983, à l’université de New York, le sionisme est inclus dans le cours « La politique raciale » aux côtés du régime de l’apartheid et du nazisme. Des événements similaires ont également lieu au Canada et partout en Europe[1]. Ainsi, bien que la résolution 3379 de l'Assemblée générale des Nations Unies de 1975[3] ait été abrogée en 1991, elle a rempli l’objectif de ses promoteurs de mettre Israël hors-la-loi au niveau international. RévocationLa résolution 3379 de 1975 est révoquée seize ans après son adoption, à l'initiative américaine, par la motion 46/86, adoptée le 16 décembre 1991 par 111 voix pour, 25 voix contre et 13 abstentions[22],[23]. Ce vote a lieu après l'effondrement de l'Union soviétique et du bloc de l'Est, et peu après la guerre du Golfe. Il est soutenu par 88 pays dont l'écrasante majorité des pays du Premier et du Deuxième monde, et par de nombreux pays africains. Aucun État arabe ne vote pour le retrait de la résolution inique : la Ligue arabe, la plupart des pays à majorité musulmane et quatre autres pays (Cuba, la Corée du Nord, le Sri Lanka et le Vietnam) votent contre sa révocation. Auparavant, le président américain George H.W. Bush a soutenu et personnellement présenté la motion visant à révoquer la résolution 3379 avec la déclaration suivante[24] :
Le texte intégral de la révocation 46/86, qui ne présente aucun argument, est l'un des plus courts de l'histoire onusienne[22] :
Notes et références
Voir aussiArticles connexes
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